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Quand des anciens SS témoignent

Après les gardiens de camp, les membres des Einsatzgruppen ou des Jeunesses hitlériennes, voici venir les anciens SS qu’on est allé retrouver pour tenter de comprendre ce qu’ils avaient dans le crâne. Il se loge toujours dans ces documentaires une ambivalence : penser qu’en obtenant la parole de ces gens-là, censés incarner le mal absolu, 75 ans après leurs méfaits, on y verra un peu plus clair sur ce mal. Or, on est confronté à la « banalité » de ces vieux papis plus ou moins fatigués qui, pour certains, ne regrettent rien, droits dans leurs bottes, affirmant encore tranquillement qu’on ne mélange pas les races, qu’ils étaient des victimes qui se défendaient contre les Juifs qu’ils haïssaient à mort, que Hitler est l’homme de leur vie, qu’ils ont passé des moments très durs, mais que si c’était à refaire, ils le referaient. D’autres, devenus pasteurs ou syndicalistes de gauche, reconnaissent leurs torts. Mais passé un certain voyeurisme et une légère stupéfaction – d’anciens SS sont donc encore vivants ? –, est-on bien avancé ?

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Toute la difficulté pour réussir un tel documentaire est d’obtenir le maximum de détails de ces témoignages relevant de la micro-histoire, qui doivent être renforcés et soulignés par les images d’archives et une contextualisation pédagogique et ciblée. Le résultat ici laisse un peu sur sa faim. Le documentaire semble dépassé de par l’ampleur du sujet à traiter, s’en tenant souvent à des généralités vues et connues ou s’égarant parfois dans des digressions (tout le passage sur Hans Frank, gouverneur général de Pologne). Certes, il rend bien compte de la force de séduction de cet ordre germanique sur ces jeunes Allemands, qui offraient la promotion sociale d’une division d’élite, si bien que le SS était l’homme idéal, demandé par les filles. Mais la construction un peu schématique – après l’enthousiasme, l’extermination et la chute – souffre légèrement de ces grands écarts entre des propos de livre d’Histoire et des témoignages qui ne décrivent pas assez précisément ce que cela voulait dire, concrètement, dans la vie de tous les jours, d’être un SS. C’était sur ce point qu’il fallait resserrer l’angle, tant l’ordre SS était réglé dans les moindres détails par leur chef, Heinrich Himmler, et pouvait donner lieu à des récits bien fournis. Ces cérémoniaux sont juste effleurés.

Manque de concret

Le documentaire atteint son but quand on apprend qu’un SS obtenait une promotion s’il était marié à 24 ans, avait un enfant à 26 ans, et un autre enfant tous les deux ans, ou bien que le fait de s’engager avant 18 ans permettait d’obtenir son Abitur (l’équivalent du bac). Le programme est pertinent quand il confronte les images assez rares de la prestation de serment du 9 novembre 1938 à Munich avec le témoignage précis d’un SS présent ce jour-là. On regrette que ce genre d’éléments ne soient pas plus nombreux.

Mais les témoins, dont il est quasiment impossible de vérifier la véracité des propos – comme pour cette gardienne de camp SS qui affirme qu’à l’agence pour l’emploi, on l’avait menacée de l’envoyer en camp si elle n’acceptait pas ce poste –, s’en tiennent le plus souvent à des généralités, et lorsqu’on aborde la phase de l’extermination, esquivent et ne sont pas poussés dans leurs retranchements. Il est du reste symptomatique que les phrases les plus fortes proviennent d’un SS qui avait participé à la Shoah, enregistré ailleurs en 2005. Quand on lui a demandé ce qu’il éprouvait au moment de tirer sur les Juifs qui basculaient dans les fosses, il avait répondu : rien, sinon à bien viser pour que cela les tue le plus vite possible.

« Dans la tête des SS », un documentaire de Serge de Sampigny, diffusé ce mercredi sur France 3 à 20 h 55


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