Dans l’immeuble de Mireille Knoll, les fantômes de la tranquillité perdue
Sur le petit film amateur, une ribambelle d’enfants tiennent des bouquets de fleurs et des voisins dansent dans la cour. Un grand gâteau trône sur une table. Il fait beau et l’on reconnaît très bien Mireille Knoll, assise sur un banc, souriante et coquette. En ce mois de juin 2013, la vieille dame tient à la main un grand carton, enluminé comme un diplôme, attestant des cinquante années passées dans ce HLM du 11e arrondissement de Paris, autrefois si paisible, et devant lequel les passants s’arrêtent aujourd’hui.
Dans l’immeuble de Mme Knoll, on se pensait alors à l’abri de cette vie grondante dont le tumulte enfle depuis la place de la Nation, toute proche. Depuis dix jours, la photo des jours heureux semble d’ailleurs noyée au milieu des fleurs et des hommages, étrange chromo d’une tranquillité perdue. Là, sous le portrait de la vieille dame, une main a accroché le message de sa petite-fille Noa, qui pleure en Israël « Savta [grand-mère en hébreu], poignardée à mort onze fois par un voisin musulman qu’elle connaissait bien ».
Le 23 mars, le meurtre a saisi d’effroi les habitants de ce gros ensemble de 102 appartements posé au début de l’avenue Philippe-Auguste. Pas seulement parce que tous connaissaient cette charmante dame de 85 ans, retraitée modeste, qui continuait à sortir au restaurant et au théâtre, malgré la maladie de Parkinson l’obligeant à se déplacer, ces dernières années, en chaise roulante. Mais parce que tous avaient aussi croisé Yacine M., ce garçon de 28 ans, aujourd’hui mis en examen pour « homicide volontaire », avec la circonstance aggravante de l’avoir tuée en raison de sa judéité.
Un crime antisémite dans cette petite communauté où cohabitent religions et diverses nationalités ? Depuis dix jours, les locataires ont retrouvé les clichés de la fête. Un moment qui témoignait, pensaient-ils, qu’un drame comme le meurtre, le 4 avril 2017, de Sarah Halimi, elle aussi…
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