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Muselier : « Ouvrir le rail à la concurrence, c’est respecter le service au public »

Alors que le mouvement de grève connaît un moment de répit – le mouvement reprend dimanche –, Renaud Muselier, président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, se montre très critique envers la SNCF. « Je paie chaque année une addition d’environ 370 millions d’euros à la SNCF dans le cadre d’une convention censée fournir un service qu’on ne voit pas ! » nous explique-t-il. Il a lancé un appel d’offres pour confier à des sociétés privées le transport ferroviaire et anticipe, par conséquent, la concurrence qui sera effective en 2019. Entretien.

Le Point : La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, que vous présidez, a lancé un appel d’offres pour confier à des sociétés privées le transport ferroviaire de voyageurs sur les lignes dont vous avez la charge. Vous aimez la provocation, en pleine grève des cheminots ?

Renaud Muselier : On n’a pas attendu la grève pour s’engager dans l’ouverture à la concurrence. Je suis député européen, seul représentant français à la commission des Transports, et passionné par les questions de mobilité. Quelle ne fut pas ma surprise de voir que l’Europe marche si on sait s’en servir. Et quelle ne fut pas ma surprise en arrivant aux commandes de la région, lorsque j’ai vu que la situation du rail en Paca était encore plus dégradée que ce que je pensais. C’est la pire de France. Nous pointons à la dernière place de la ponctualité, avec 80 % des trains seulement qui arrivent à l’heure, contre 94 % dans le Grand Est, par exemple, et nous atteignons le chiffre de 10 % des trains annulés… Autre exemple : la ligne Marseille-Nice est, hors de l’Île-de-France, la plus fréquentée, elle est aussi celle qui fonctionne le moins bien. Je paie chaque année une addition d’environ 370 millions d’euros à la SNCF dans le cadre d’une convention censée fournir un service qu’on ne voit pas !

Quelle a donc été votre parade ?

Avec Christian Estrosi (son prédécesseur à la tête de la région, NDLR), on a râlé, et on a refusé il y a deux ans de signer cette convention avec la SNCF. Grâce à mon poste au Parlement européen, je savais qu’en 2019 le marché serait ouvert à la concurrence, c’est une obligation. Cette décision donne la possibilité aux États membres de confier aux opérateurs, en l’occurrence les régions, d’ouvrir les lignes dont ils ont la charge à d’autres sociétés que la SNCF. J’ai donc demandé à Élisabeth Borne (ministre des Transports, NDLR) d’être une région expérimentale afin d’engager l’ouverture à la concurrence.

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Une dizaine d’entreprises ferroviaires ont déposé des dossiers de candidatures. Parmi celles-ci figurent deux opérateurs allemands, deux italiens et une filiale de la SNCF. Mais la SNCF elle-même n’a pas candidaté !

La privatisation de certaines lignes à l’étranger fait pourtant débat. Tous les exemples ne semblent pas bons à suivre…

Je suis allé voir ce qui se faisait à l’étranger, parce qu’on nous parle beaucoup des modèles anglais, allemands et italiens. J’ai constaté qu’on avait raison de dire que la privatisation du rail en Angleterre était un désastre. En revanche, cela marche très bien en Allemagne et en Italie, les trains arrivent à l’heure et dans de bonnes conditions de service. J’ai donc déposé une manifestation d’intérêt pour exploiter nos lignes et, fin mars, une dizaine d’entreprises ferroviaires ont déposé des dossiers de candidature. Parmi celles-ci figurent deux opérateurs allemands, deux italiens et une filiale de la SNCF. Mais la SNCF elle-même n’a pas candidaté !

L’une des craintes récurrentes, c’est la fermeture des petites lignes et des gares peu utilisées. La région veut-elle et peut-elle les préserver ?

J’ai posé un principe de départ dans le cahier des charges : il n’y aura ni suppression de lignes, quelle que soit leur taille, ni fermeture de gares. Mais on ne fera pas rouler de trains à vide. On s’adaptera, on concentrera les trains durant les heures de pointe. Le cahier des charges comprend aussi des garanties pour le personnel, comme un statut des cheminots.

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Quelles garanties avez-vous que le service fourni par l’opérateur sera satisfaisant ? Que faire en cas de retards fréquents, par exemple ?

Le contrat stipule d’abord que la société retenue devra s’expliquer. Ensuite, les services qui ne seront pas fournis ne seront pas facturés à la région. L’opérateur pourra aussi subir des pénalités financières, et l’usager sera défrayé. Car l’usager, c’est notre cible. Ouvrir le rail à la concurrence, c’est respecter le service au public. De toute façon, on sera obligé d’y venir. Ici, on prend de l’avance, on sera très vite compétitif.


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