PLUS COMPLIQUÉ
Pour instaurer un véritable service minimum, et assurer la circulation des trains, il faudrait que l’Etat (le gouvernement ou le préfet) réquisitionne du personnel de la SNCF, c’est-à-dire oblige les agents à venir travailler : c’est ce qu’ont suggéré récemment le député UDI Yves Jégo ou le président du conseil départemental de Seine-et-Marne Jean-Louis Thiériot.
En théorie, c’est possible. Selon le Code général des collectivités locales, la réquisition de biens, services ou personnes peut être effectuée « en cas d’urgence » et d’« atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique ».
Réservé aux services essentiels
Dans les hôpitaux, un service minimum impose d’avoir un effectif correspondant à un dimanche ou à un jour férié. C’est le directeur de l’hôpital qui notifie aux employés des assignations. Seule l’autorité judiciaire (préfet, police) peut procéder à des réquisitions, en avertissant la personne par courrier ou en personne. En cas de refus, elle risque six mois de prison et 10 000 euros d’amende. C’est donc une « arme lourde » dont l’usage doit être proportionné, faute de quoi elle peut être suspendue par un tribunal.
Ainsi, une réquisition ordonnée en 2010 à la raffinerie de Grandpuits, qui alimente l’Ile-de-France, avait été critiquée par l’Organisation internationale du travail (OIT) comme disproportionnée car l’approvisionnement en pétrole était considéré comme un « service non essentiel ». En revanche, le Conseil d’Etat avait reconnu dans une décision de 2013 qu’EDF était compétente pour limiter le droit de grève dans ses centrales.
En 1920, avant même la création de la SNCF, le gouvernement Millerand avait ainsi fait appel à l’armée et aux élèves des grandes écoles pour briser une grève de cheminots, qui a abouti à de nombreux licenciements et à une scission de la CGT.
Politiquement, la réquisition, souvent brandie comme une menace, peut devenir une manœuvre risquée. Les dirigeants ne souhaitent pas se mettre dans la position du général de Gaulle, qui avait ordonné en 1963 la réquisition de mineurs lors d’une grève : ces derniers ont refusé, invoquant une atteinte au droit de grève, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Le gouvernement avait alors fini par céder.
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Cet article fait partie d’une série d’idées reçues sur le droit de grève