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Coignard – Les mots du président Macron

« Emmanuel Macron n’a toujours pas trouvé le deuxième ton, qui ne peut plus être celui de la campagne, durant laquelle il a excellé. Le langage politique change forcément entre la phase de conquête, durant laquelle il a une dimension performative – lève-toi et marche ! –, et le temps de l’exercice du pouvoir, où il doit être pédagogique, expliquer et partager le sens de l’action. C’est moins spectaculaire, mais beaucoup pus difficile. » Mariette Darrigrand est sémiologue. Depuis son cabinet d’études Des faits et des signes, elle décrypte le langage du pouvoir.

En septembre 2017, elle a écrit dans la revue Études une contribution, intitulée « Emmanuel Macron en dix mots », dans laquelle elle a sélectionné le « top 10 » du langage employé par ce candidat inattendu : « progressisme » – à rebours de la victimisation et des ressentiments –, « renouvellement » – de la classe politique –, « vous » – l’habile formule « Merci à vous », prononcée au début de chaque meeting, donnait à son auditoire et, au-delà, à l’ensemble des citoyens une existence symbolique –, « héritage » – pour s’ancrer dans l’histoire longue –, « transformation » – l’un des rares encore employés fréquemment après la victoire –, « liberté » – pour ne pas prononcer le mot qui fâche, « libéralisme », « en même temps » – se passe de commentaires –, « réconciliation » – plus que jamais d’actualité –, « chance » – on lui en a prêté beaucoup pendant la campagne, « amour » – « Je vous aime », dit-il à Albi, citant Diderot.

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Difficile changement de registre

« Emmanuel Macron n’a pas encore trouvé le deuxième ton, celui de l’exercice du pouvoir, mais ce sont moins les mots qui sont en cause que ce contrat qui doit exister entre lui et les Français, poursuit Mariette Darrigrand. Il doit nous dire, d’une manière ou d’une autre, qui il est pour nous : un réformateur ? Un accélérateur de modernité ? Un coach ? Un roi républicain ? »

La sémiologue insiste sur la difficulté qu’ont tous les présidents à se situer, dans le langage et dans la posture, une fois à l’Élysée, quand le temps de la seule séduction est révolu. Nicolas Sarkozy excellent dans la conquête et démuni ensuite. François Hollande pas très bon dans sa campagne et incapable de donner un sens à son action pendant son quinquennat. « Emmanuel Macron, à travers ses deux interventions, doit incarner à la fois l’autorité jupitérienne et la coconstruction de l’avenir avec les citoyens comme il l’a fait avant même de se déclarer candidat, conclut la sémiologue. Il faut presque qu’il parvienne à incarner plusieurs personnages à la fois. » Comme au théâtre, que le chef de l’État affectionne tant…


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