Macron, naissance d’un chef de guerre
Avec les frappes, Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron ont montré à la Syrie et à ses alliés russes et iraniens que le concept de ligne rouge n’était pas qu’une simple formule politique. Ils ont voulu prouver qu’ils assument leurs responsabilités morales et stratégiques de grandes puissances occidentales. Avec un message clair : on peut à la fois faire la guerre contre Daech et ne pas laisser le régime de Bachar el-Assad massacrer son peuple en toute impunité.
Derrière ce message, ce sont trois chefs de guerre « débutants » qui se révèlent. Mais chacun avec un agenda particulier. Donald Trump montre aux Américains qu’il n’est pas seulement un président-twitteur. La rupture avec Obama qui avait refusé d’envoyer des missiles sur Damas en 2013 est spectaculaire. Il souhaite aussi prouver à la Corée du Nord, à la Chine ou à l’Iran qu’il est n’est pas seulement un adepte des coups de menton et qu’il n’est pas isolationniste.
Trois chefs de guerre débutants
Pour Theresa May, c’est différent. En pleine négociation sur le Brexit, elle veut expliquer au reste du monde que le départ de l’UE ne marque pas un retrait de la Grande-Bretagne de la scène mondiale. Elle resserre aussi les liens de sa majorité alors que les ambitions pour sa succession sont déjà à l’œuvre. Pour Emmanuel Macron, il s’agit d’abord de faire prendre à la France une revanche. En 2013, François Hollande était prêt à frapper Damas conjointement avec les États-Unis. Après les hésitations de Barack Obama, la France avait perdu sa crédibilité puisqu’elle était incapable de frapper seule le régime de Damas.
Il y a évidemment aussi une intention politique. Jusque-là, Emmanuel Macron était resté assez prudent sur l’usage des moyens militaires par rapport à François Hollande qui, lui, n’a pas mégoté sur leur usage avec les opérations Barkhane, Chammal et Sentinelle. Ou encore des actions secrètes de la DGSE. En privé, Macron critiquait d’ailleurs le néoconservatisme de son prédécesseur. Cette nuit, le propos d’Emmanuel Macron était martial : « J’ai ordonné aux forces armées françaises d’intervenir, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien. »
Le président assume son rôle
Le site internet de l’Élysée a aussi diffusé une photo le montrant en train de présider une réunion avec plusieurs militaires ainsi que des vidéos montrant des Rafale décoller dans la nuit pour aller mener les frappes. Le message est clair : le président assume pleinement son rôle de chef des armées. Même s’il ne voulait pas frapper seul et a attendu la décision de Donald Trump – qui a beaucoup hésité –, Emmanuel Macron a joué sa propre carte diplomatique dans cette séquence. Il n’était pas question pour lui de se contenter d’un second rôle, celui de suiveur. Quitte à frapper la Syrie, autant le faire « à la française » et ne pas laisser Trump apparaître comme le seul leader de cette opération.
À l’ONU, où la voix de la France porte encore, le Français François Delattre a mené le débat au nom du président pour dénoncer les crimes de Bachar el-Assad, mais aussi pour rappeler que l’organisation internationale restait aux yeux de Paris (et contrairement à une grosse partie de l’administration Trump) le lieu des discussions internationales. Macron a aussi appelé l’ensemble des acteurs dans la région (à commencer par Vladimir Poutine) et longuement discuté avec le Saoudien MBS cette semaine (l’Arabie saoudite est un ennemi traditionnel de la Syrie) comme avec les Iraniens.
Et pour bien faire comprendre que la France n’a pas suivi passivement les États-Unis et défend une ligne « française », l’Élysée va, dans les heures qui viennent, proposer à l’ONU « la mise en place d’un mécanisme international d’établissement des responsabilités, prévenir l’impunité et empêcher toute velléité de récidive du régime syrien ». Macron se démarque ainsi subtilement de Donald Trump. Il ne veut pas apparaître comme un « néoconservateur ». Mais signifier ce message : la guerre pour la guerre n’a aucun intérêt. Elle sert à préparer la paix.
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