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Glaciers sexistes, cafés racistes… Le palmarès des recherches universitaires les plus absurdes

Saviez-vous que les glaciers pouvaient favoriser le sexisme ? En 2016, des membres de l’université de l’Oregon, financés par les deniers publics de la National Science Foundation, ont pour ambition de révolutionner la recherche sur les liens entre « genre et glaciers ». Un domaine il est vrai quelque peu oublié par la science traditionnelle. Appelant à une « approche féministe postcoloniale » de la glaciologie, leur étude est publiée dans la revue Progress in Human Geography.

Voici le genre de charabia qu’on peut trouver dans les travaux de l’équipe de Mark Carey, historien des sciences : « Les glaciers sont des icônes du changement climatique et environnemental. Cependant, la relation entre le genre, la science, et les glaciers – particulièrement vis-à-vis des questions épistémologiques de la production de connaissance glaciologique – est sous-étudiée. Cet article propose donc un cadre de travail de glaciologie féministe, fait de quatre éléments clefs : 1) producteurs de la connaissance ; 2) science genrée et savoir ; 3) systèmes de domination scientifique ; 4) représentations alternatives des glaciers. En fusionnant les études féministes postcoloniales et l’écologie féministe politique, le cadre d’étude de glaciologie féministe permet une analyse robuste du genre, du pouvoir, et des épistémologies dans des systèmes socio-écologiques dynamiques, conduisant à une science et à des interactions Glaces/Humains plus juste et équitable. »

Cette pépite a été repérée par le compte Twitter New Real Peer Review, qui débusque les travaux académiques les plus absurdes dans les sciences sociales. Au fil des tweets, on y apprend que le Latte à la citrouille épicée de chez Starbucks ou la méthode Pilates alimentent le racisme. Que les pistes de ski sont des « espaces masculinisés » (naïfs, on pensait pourtant que le tire-fesses n’était guère favorable à l’entrejambe des hommes…). Ou que les « larmes blanches » sont « la représentation d’un privilège de race ». Même si une personne blanche était si navrée du racisme qu’elle en pleurait, ce serait… raciste.

Gorafi des campus

La lecture de New Real Peer Review pourrait laisser croire à une sorte de Gorafi des campus, sauf que toutes ces recherches ont été validées académiquement. Si elle provoque des crises de fou rire, cette revue de presse comico-scientifique dresse aussi un inquiétant état des lieux de sciences sociales. On y découvre des chercheurs obsédés par les questions de racisme, de sexisme, de genre, d’intersectionnalité, où tout n’est que construction sociale et où la biologie n’a plus son mot à dire (un spécialiste du genre a ainsi dû interroger 55 femmes pour arriver à la conclusion qu’il y a « un lien entre avoir un vagin et être une femme »). Des études qui, sous couvert de progressisme, ne visent pas tant à faire avancer la recherche qu’à en découdre avec le « néolibéralisme », le « patriarcat » ou les « oppressions raciales ». Le tout écrit dans un jargon postmoderniste à faire passer l’œuvre de Jacques Derrida pour un sommet de clarté…

Le 9 avril, après un atelier à la conférence annuelle en « genre et éducation », six (il faut au moins cela) universitaires britanniques et finlandais chevronnés publient un article délirant visant à démontrer que les sacs sont bien plus que des sacs : « Les improvisations en recherche-création post-qualitative offrent de nouvelles possibilités d’explorer la méthodologie. Dans cet article, nous souhaitons savoir comment les sacs, des objets tout à fait communs en apparence, fonctionnent en tant que matière vivante dans un sens ontologique – comme des agents actifs – pour chorégraphier les relations humain/non-humain et les matérialités hétérogènes. En travaillant sur trois questions – Comment un sac devient un sac ? Que font les sacs ? Que permettent les sacs ? –, nous discutions quatre improvisations de recherche-création et la compréhension qu’elles génèrent. L’article cartographie comment les chorégraphies de sacs mettent sentiments, corps et matérialités en relations tumultueuses, qui perturbent les approches normatives de la recherche à la fois dans les conférences et l’écriture d’articles. » Comprenne qui pourra.

Autres sujets essentiels qui ont récemment fait l’objet d’investigations épistémologiques : « le racisme est-il une menace pour l’environnement ? », « la réticence à discuter des peluches au sein de l’espace formel d’une conférence académique », « pourquoi les études militaires critiques doivent briser le patriarcat hétéro, suprémaciste blanc et capitaliste », « la torture n’est pas nécessairement plus grave et vicieuse que le manterrupting », « l’anus noir – ou la Black Anality –, espace sous-étudié » (un article de « porn-studies » signé par une professeure associée à Harvard)…

« Subjectivité rigoureuse »

New Real Peer Review moque aussi l’essor de la subjectivité dans les travaux académiques. En sciences sociales, il n’y a visiblement plus besoin de faire des recherches sur le terrain ou sur un large échantillon d’une population : sa propre expérience suffit désormais à éclairer le monde. Dans une étude d’« auto-ethnographie », une universitaire américaine explique en préambule qu’elle va principalement évoquer ses « propres identités, étant une femme blanche et queer dans le Grand Sud », de surcroît mariée à une Noire. Un doctorant de l’université de Minnesota précise lui que son but est de pratiquer « une subjectivité rigoureuse » : « Mon enquête – conduite en lisant mes textes personnels que j’ai écrits de 1991 à 2017 et en les mettant en relation avec la théorie sur la suprématie blanche, le patriarcat et la prééminence professorale – a confirmé que j’ai promulgué la suprématie blanche depuis mon enfance. » Un spécialiste de « transarchitecture », prévient même que son article se base sur « son intense fréquentation d’un club gay ».

Avec ses 53 000 followers, le compte New Real Peer Review connaît un succès grandissant. Les modérateurs expliquent vouloir rester anonymes, sachant qu’une première version du compte a été ciblée par des pirates et leur a valu des menaces. Leur objectif, disent-ils, n’est pas de décrédibiliser les sciences humaines, mais de fournir une « vision satirique, légère des spécimens les plus questionnables des études académiques modernes ». En voici un petit florilège.

Une critique végane du film « Sausage Party » (publiée à Oxford…)« Cet article offre une lecture critique et végane de la comédie d’animation “Sausage Party” (2016), réalisée par Conrad Vernon et Greg Tiernan, avec Seth Rogen et Kristen Wiig. Une telle lecture se situe dans un cadre de travail des “études véganes” qui s’inquiète de la reproduction de relations de domination entre les humains et les autres espèces, mais aussi comment ces inégalités de pouvoir se croisent avec les relations de pouvoir intra-humaines en fonction du genre, de la sexualité, de l’ethnie, de l’âge, de la classe sociale, des différentes expériences, etc. »
Femmes et animaux, même combat ? « Les écoféministes et les militants des droits des animaux ont établi une connexion entre l’oppression des femmes et l’oppression des animaux. Alors que les comparaisons homme/femme vis-à-vis des rapports aux animaux ont souvent été étudiées, une recherche limitée à été faite sur les rôles genrés et les attitudes animales. Nous avons donc examiné la relation entre les rôles genrés et les attitudes par rapport aux animaux avec des étudiants en licence (260 mâles, 484 femelles) à une université publique au Texas. Les participants ont répondu à un sondage qui étudiait leurs attitudes aux animaux, aux normes de genre, et quelques formes de sexisme. Le sondage émettait aussi l’hypothèse que les justifications à la consommation de viande étaient reliées à des attitudes sexistes, à une volonté de maintenir les rôles genrés traditionnels, et à un refus de transcender ces rôles. Par ailleurs, les attitudes pro-animales étaient reliées à une ouverture à la transcendance des rôles de genres, et à une hostilité au sexisme et aux rôles genrés traditionnels. Nos résultats confirment de manière empirique la “thèse d’oppression liée” qui dit que les attitudes vis-à-vis des femmes et des animaux sont liées. »
Les juifs sont-ils blancs ?« La “blancheur” des juifs est récemment devenue un sujet populaire, à la fois dans les débats publics et au sein du monde académique (études critiques de la blancheur). Dans ce discours, la “blancheur” est utilisée comme concept critique ciblant ceux qui profitent du “privilège blanc” dans les sociétés occidentales. Cependant, attribuer une “blancheur” aux juifs est très controversé, puisque ça revient à assimiler la minorité la plus persécutée de l’histoire européenne à la majorité dominante, tout en relativisant l’antisémitisme. Il s’agit d’une nécessité afin de réaffirmer et d’adresser la nature des divisions entre noirs et blancs ; cependant, il s’agit d’un choix méthodologique et politique discutable. »
Le toutou d’Obama, Foucault et la politique américaine…Des chercheurs suédois se servent de concepts philosophiques français pour comprendre le chien d’Obama, et se font publier dans le journal académique Organization… « Dans cet article, nous nous tournons vers les écrits qui se servent de la biopolitique foucaudienne pour explorer le mode de gouvernance permis par le chien de la famille présidentielle des USA – le “premier chien” appelé Bo Obama. »


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