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La France tente de relancer l’« effet Macron » en Europe

Relancer la dynamique des réformes dans l’Union européenne (UE) alors qu’elle s’essouffle sérieusement. C’est l’objectif de l’exercice auquel se livrera Emmanuel Macron au Parlement européen, à Strasbourg, mardi 17 avril, lors d’un discours suivi d’un débat très attendu par les députés européens. L’intervention est un moment important pour le président, qui a placé la transformation de l’UE au cœur de sa stratégie. Mais six mois après avoir salué son discours de la Sorbonne, les autres dirigeants européens sont de plus en plus réticents à suivre l’ambitieux chemin qu’il avait alors tracé. Le statu quo menace, à un an du scrutin des européennes de mai 2019.

M. Macron devrait souligner dans sa prise de parole à quel point le moment est crucial pour l’UE, cernée par des défis multiples : un partenaire américain imprévisible, la Russie de plus en plus menaçante, la guerre en Syrie« L’idée n’est pas de refaire un discours de la Sorbonne, mais d’insister sur l’urgence à agir, la nécessité de développer un modèle européen démocratique », insiste-t-on à l’Elysée.

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Face aux désordres du monde, « l’Europe veut-elle s’affirmer, ou au contraire rester en position de défense ? C’est un débat fondamental », insiste un diplomate bruxellois. La France de Macron a choisi le volontarisme : elle frappe en Syrie, veut que Bruxelles réplique aux menaces de taxes sur l’acier et l’aluminium du président américain, Donald Trump, et insiste pour que les GAFA, champions de l’évasion fiscale, soient soumis à un impôt spécifique.

Mais les autres dirigeants ne manifestent pas autant d’entrain. En septembre 2017, ils étaient pourtant nombreux à avoir salué le discours de la Sorbonne et ses dizaines de propositions (taxe carbone aux frontières, listes transnationales pour les européennes, relance de l’intégration de la zone euro, etc.). Mais le contexte était différent : à Bruxelles, on espérait que la victoire d’Emmanuel Macron marque un coup d’arrêt à la progression des populistes en Europe.

Immobilisme

Il n’en a rien été : en Autriche, le juvénile premier ministre Sebastian Kurz s’est allié avec l’extrême droite. En Hongrie, Viktor Orban a été réélu triomphalement sur un discours haineux à l’égard des migrants et des technocrates de Bruxelles. En Italie, les élections de mars ont débouché sur la victoire des formations populistes, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue.

Et l’indispensable partenaire allemand a mis trois à quatre mois de plus qu’espéré à Paris pour disposer d’un gouvernement en ordre de marche : la coalition SPD-CDU (sociaux-démocrates et conservateurs) n’en est encore qu’à la découverte des dossiers européens. Avec Berlin, les discussions sur l’eurozone viennent de commencer. Olaf Scholz, le nouveau ministre des finances, tout social-démocrate qu’il est, n’a pour l’instant fait aucune déclaration indiquant qu’il prendra le contre-pied des positions rigoristes de son prédécesseur, Wolfgang Schäuble.

Les Français ont déjà revu leurs ambitions à la baisse, abandonnant leur idée d’un parlement de la zone euro et « personne ne discute sérieusement d’un ministre des finances de la zone euro », ajoute un diplomate bruxellois proche de l’Eurogroupe. Mais ils tiennent à leur idée d’un budget spécifique. Il pourrait être adossé au Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds de secours créé pendant la crise pour venir en aide à la Grèce ou au Portugal, mais il n’est pas sûr que cela passe la barre des conservateurs de la CDU.

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L’eurodéputé Vert allemand Sven Giegold a fait fuiter, samedi 14 avril sur Twitter, une position que la CDU et son partenaire bavarois CSU souhaitent défendre au Bundestag, le 17 avril, appelant à conditionner une réforme ambitieuse du MES à une improbable réforme des traités de l’UE, ce qui revient à réclamer son abandon. Cette position « contredit l’esprit des engagements [de la coalition avec le SPD] et en comparaison, le dogmatisme de M. Schäuble paraît presque progressiste », a regretté l’Allemand Udo Bullmann, chef de file des socialistes au Parlement européen.

La séance de travail entre Emmanuel Macron et la chancelière allemande, Angela Merkel, prévue jeudi 19 avril à Berlin, pour tenter de former une position commune sur ces sujets avant juin, sera cruciale. « S’il y avait un blocage sur la zone euro, on n’en serait pas à ce deuxième rendez-vous » depuis celui de fin mars, à Paris, veut-on croire à l’Elysée.

Les « faucons » allemands peuvent compter sur les Pays-Bas qui ont pris la tête d’un groupe d’Etats (baltes et nordiques) hostiles aux projets de M. Macron sur la zone euro. Cette « ligue hanséatique » refuse d’entendre parler d’un budget spécifique de l’eurozone ou de tout ce qui pourrait aboutir à davantage de solidarité financière entre le Nord et le Sud de l’Union. « Les Néerlandais sont les nouveaux Allemands de l’Eurogroupe », relève le diplomate bruxellois.

L’immobilisme, notamment allemand, risque de donner des arguments supplémentaires aux eurosceptiques pour le scrutin de mai 2019. Et, en France, aux listes concurrentes de LRM. « La partie ne sera pas facile », redoutait déjà un poids lourd du gouvernement en février, anticipant la difficulté d’un « deal » avec Berlin. Le président français a certes réussi à peser sur l’agenda européen, mais il n’a pas encore grand-chose à son actif, à part l’avancée notable sur la révision de la directive sur les travailleurs détachés qui a été définitivement adoptée au Conseil (les Etats-membres) début avril. Ou les progrès vers une défense européenne intégrée, actés en décembre 2017.

« La partie ne sera pas facile »

En revanche, son idée de listes transnationales pour les européennes a été sèchement retoquée par les parlementaires de Strasbourg en février. La taxe GAFA, soutenue par la Commission européenne, bute sur l’opposition de l’Irlande, de Malte ou de Chypre. Le projet d’une stratégie commerciale européenne plus axée sur la défense des intérêts industriels du continent a été en partie occultée par les menaces du président Trump de déclencher une guerre commerciale avec le reste du monde.

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« C’est maintenant que se joue le destin de l’Union. Nous avancerons avec ceux qui voudront bien avancer, ceux qui ne suivront pas devront accepter de rester aux marges de l’UE », a prévenu M. Macron lors du débat avec Mediapart et BFM-TV, dimanche 15 avril, insistant sur sa vision d’une « Europe souveraine » et « qui protège ».

Mardi, le président Macron lancera aussi officiellement ses consultations citoyennes sur l’Europe, lors d’un premier débat à Epinal. Une restitution des échanges est prévue fin octobre, avant le lancement officiel de la campagne des européennes. Des débats du même type ont déjà commencé en Croatie. L’Espagne, Malte, l’Allemagne et la République tchèque devraient rapidement suivre. Cette initiative française est modeste mais, pour l’instant, c’est la seule qui fasse vraiment l’unanimité dans l’Union.


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