6 mai 68 au Quartier latin : les « enragés de Nanterre » devant la commission de discipline

Après l’émeute spontanée du 3 mai provoquée par l’irruption de policiers dans la Sorbonne, le week-end se déroule sans trop d’anicroches. À signaler, néanmoins, que le tribunal correctionnel, réuni d’urgence le dimanche, condamne huit manifestants du 3 mai à des peines de prison, dont quatre à deux mois ferme. La demande de leur libération nourrira les nombreuses manifestations à venir.
La journée du 6 mai commence avec la convocation de Daniel Cohn-Bendit et de sept de ses camarades de Nanterre devant le conseil de discipline de l’université de Paris. À 9 heures, entourés d’une ribambelle de journalistes et de plusieurs centaines d’étudiants, les huit « enragés » se présentent à la porte du rectorat, rue Saint-Jacques. Le bâtiment de la Sorbonne est ceinturé par des centaines de gardes mobiles, qui font bientôt face à des milliers d’étudiants réclamant la libération de leurs camarades. La situation est de plus en plus tendue. Les premières bagarres ont lieu au carrefour de l’Odéon, à 9 h 45. Pendant ce temps, des milliers de jeunes gens défilent dans les rues de Paris en faisant un crochet sur la rive droite, avant d’échouer place Maubert, dans le 5e arrondissement. Ils scandent : « Libérez nos camarades ! » Une deuxième manifestation, organisée par l’Unef, part de la place Denfert-Rochereau vers 18 h 30, avant de se disperser place Saint-Germain-des-Prés.
Au fil de la soirée, les milliers d’étudiants occupant le boulevard Saint-Germain sont entraînés dans une véritable guérilla urbaine déclenchée par les plus extrémistes d’entre eux. Inaccoutumés à cette guerre des rues, les policiers répondent avec une violence disproportionnée. Le commissaire Maurice Gravaud exprime son inquiétude dans un rapport à ses supérieurs : « Ces groupes organisés sont extrêmement durs et mobiles et ne sont retenus par aucune considération morale et sociale. Si le courage physique de nos unités comme des autres formations (gardes mobiles ou CRS engagés) est très grand, notre matériel s’avère toutefois peu adapté à des actions adverses si violentes. »
Jusqu’à 1 heure du matin, les étudiants et les forces de l’ordre s’affrontent boulevard Saint-Germain. La violence laisse sans voix les riverains, qui prennent fait et cause pour les étudiants.
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