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Corée du Nord : la fermeture du site d’essais nucléaires est-elle le signe d’une dénucléarisation ?

Le président sud-coréen, Moon Jae-in (à droite), a rencontré le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, vendredi 27 avril, à Panmunjom, dans la zone démilitarisée sud-coréenne.

Selon la présidence sud-coréenne, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, s’est dit prêt, vendredi 27 avril, lors de sa rencontre avec le chef d’Etat du Sud, Moon Jae-in, à fermer dès le mois de mai le site d’essais nucléaires sur son territoire et à y inviter observateurs et journalistes américains.

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Toutefois, la Corée du Nord dispose déjà du savoir-faire et de têtes nucléaires grâce à ces essais. La fermeture du site n’est donc pas synonyme de renoncement à l’arme nucléaire.

  • Pyongyang a-t-elle besoin de procéder à d’autres essais nucléaires ?

La Corée du Nord a réalisé six essais nucléaires, dont trois depuis le début de 2016, à chaque fois d’une puissance croissante. Le dernier, le 3 septembre 2017, a engendré une secousse de 6,3 sur l’échelle de Richter. Le pays a ainsi déjà démontré sa capacité et se revendique puissance nucléaire et, à ce titre, n’aurait plus nécessairement besoin de procéder à des essais.

La Corée du Nord a également fait la preuve de ses capacités balistiques par de nombreux tirs de missile — trente-cinq ces deux dernières années, dont au moins trois de missiles intercontinentaux, capables d’atteindre les Etats-Unis.

Toutefois, Pyongyang a été confrontée à d’autres difficultés, qu’elle dit avoir dépassées, mais sur lesquelles les experts extérieurs n’ont pas de certitudes : il faut miniaturiser la bombe pour la monter sur un missile, et il faut maîtriser la technologie d’entrée dans l’atmosphère, au cours de laquelle la partie du missile destinée à frapper, soumise à une pression et à une chaleur extrêmes, peut se désintégrer.

  • Le site d’essais nucléaires est-il encore fonctionnel ?

Le site d’essais nucléaires nord-coréens consiste en une série de tunnels, creusés dans une montagne, le mont Mantap, dans le nord-est du pays. Dans les jours qui suivirent l’essai du 3 septembre 2017, des images satellites firent apparaître un fort effet de subsidence, c’est-à-dire d’affaissement, du mont.

Deux études réalisées par des chercheurs chinois et publiées ces dernières semaines tendent à confirmer l’hypothèse d’un effondrement partiel interne de la colline. Elles révèlent qu’une réplique d’une magnitude de 4,1, survenue huit minutes après l’essai, a provoqué un effondrement de roches à l’intérieur de la montagne.

« Il est nécessaire de continuer à surveiller d’éventuelles fuites de matériaux radioactifs provoquées par l’effondrement », écrit l’université de science et technologie de Chine dans le résumé d’une étude. « La survenue de l’effondrement devrait condamner les infrastructures souterraines dans le mont Mantap à ne plus être utilisées pour des essais nucléaires », estiment dans un résumé en anglais les auteurs de l’étude sur une autre page du site Internet de l’université.

Toutefois, le site spécialisé 38 North souligne que si les cinq derniers essais ont été réalisés par l’entrée nord de Punggye-ri, deux autres tunnels, à l’ouest et au sud, seraient accessibles et pleinement utilisables. C’est ce qu’a semblé confirmer Kim Jong-un dans ses échanges avec Moon Jae-in vendredi, lorsqu’il a précisé que des observateurs et journalistes étrangers pourraient y accéder — se défendant de faire une fausse concession en renonçant à un site qui ne serait plus en état.

« Certains disent que nous fermons les sites qui ne sont pas fonctionnels, mais vous verrez que nous avons deux autres tunnels qui sont plus gros que les précédents et qu’ils sont en bonne condition », aurait dit le dictateur, selon un porte-parole de la présidence sud-coréenne.

  • La fermeture du site sera-t-elle suffisante pour Washington ?

Les Etats-Unis, eux, exigent un démantèlement « complet, vérifiable, irréversible » des capacités nucléaires de la République populaire démocratique de Corée. C’est-à-dire la fermeture du site d’essais, mais aussi la destruction des stocks d’armement nucléaire et des infrastructures permettant de produire la bombe — ils pourraient également demander la destruction des missiles nord-coréens. M. Kim a semblé ne pas exclure cette idée, déclarant à propos des Etats-Unis : « Si nous nous voyons souvent, si nous bâtissons la confiance, mettons fin à la guerre et, finalement, qu’on nous promet qu’il n’y aura pas d’invasion, pourquoi vivrions-nous avec des armes nucléaires ? »

Mais le ton suggère davantage une perspective à long terme — comme en atteste l’utilisation de l’adverbe « finalement ». Le nœud désormais est de savoir si Pyongyang se résoudra à des gestes de nature à convaincre l’administration conservatrice américaine qu’elle souhaite réellement renoncer au nucléaire et si, en retour, Washington lui donnera des garanties de sécurité de nature à abandonner son assurance vie.

La dénucléarisation de la Corée du Nord n’est donc pas actée pour l’heure. Kim Jong-un présentait la fermeture du site de Punggye-ri non comme une concession mais, au contraire, comme la preuve d’avancées. « Dans le contexte de parachèvement des armes nucléaires, nous n’avons plus besoin d’essais nucléaires, de tests de missiles balistiques et intercontinentaux et de moyenne portée, et le site d’essais nucléaires dans la région du Nord a accompli sa mission », a-t-il déclaré le 21 avril, selon l’agence de propagande nord-coréenne KCNA ( Korean Central News Agency) — relativisant au passage la concession.


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