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France : le service national universel, entre espoirs et scepticisme

« Un projet de société » pour favoriser « l’engagement de chaque jeune dans la vie de la Nation », « renforcer la cohésion sociale » et « dynamiser le creuset républicain » : ainsi ont été présentés ce mercredi 27 juin en Conseil des ministres à l’Elysée les grands principes du service national universel, qui doit être déployé dès 2019.

A terme, tous les Français seront concernés (aux alentours de 16 ans) par ce dispositif « aboutissement du parcours citoyen débuté à l’école primaire et poursuivi au collège ». Il y aura d’abord une « phase de cohésion » obligatoire d’une durée d’un mois maximum, comprenant une phase d’intégration de 15 jours en hébergement collectif qui permettra le « brassage social », suivi d’un temps d’engagement de 15 jours « plus personnalisé » en petits groupes, pas nécessairement en internat. Une deuxième phase facultative sera proposée avant 25 ans, d’une durée de trois à douze mois, « pour ceux qui ont envie de s’engager davantage encore », explique le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, « dans des domaines aussi variés que la défense, l’environnement, l’aide à la personne, le tutorat, la culture ».

Fausse bonne idée

Mais avant toute expérimentation, une vaste consultation sera menée jusqu’à fin octobre sur Internet et sur le terrain. Elle impliquera les parents d’élèves, les syndicats d’enseignants, des collectivités territoriales, mais aussi la jeunesse et des organisations qui la représentent.

« Le fait qu’une concertation soit annoncée, c’est une bonne chose », explique Baptiste Thevelein, vice-président d’Animafac, réseau national des associations étudiantes qui a été auditionné par le groupe de travail mandaté par l’Elysée. « Mais nous restons fondamentalement opposés à l’obligation qui est faite » aux jeunes. « C’est une fausse bonne idée. Il y a déjà un cadre pour la découverte de l’engagement et de la mixité sociale qui est l’école et qui devrait être renforcé. Il y a aussi un risque de dénaturer les dispositifs existants comme le bénévolat ou le service civique et qui nécessiteraient d’être encouragés. »

Autorité et paternalisme

Le caractère obligatoire du SNU, c’est ce qui crispe le plus les organisations de jeunesse. La FAGE (Fédération des associations générales étudiantes) dénonce les « contradictions » de l’exécutif et « la manière » qu’a Emmanuel Macron de s’adresser aux jeunes. « Le président de la République fait toujours preuve d’autorité ou de paternalisme », affirme son président Jimmy Losfeld, évoquant la séquence où le chef de l’Etat a « un peu humilié ce pauvre jeune qui a osé l’appeler Manu ». Il dit avoir le même sentiment avec le service national universel, où l’on rendrait les jeunes responsables de « beaucoup des maux de la société », pour les « remettre dans le droit chemin ».

Jimmy Losfeld critique également l’ambition de faire de la mixité et de la cohésion sociale en seulement un mois, « pour une somme colossale. Quand on voit qu’on manque d’argent pour les hôpitaux, les EHPAD, les universités, les écoles… ». Le président de la FAGE parle d’un dispositif « un peu démago ». Face aux interrogations sur le financement, le ministre de l’Education répond que « le sujet budgétaire sera de toute façon traité. Comme on dit parfois, l’intendance suivra. »

Mémoire mythifiée du service militaire

Au-delà des réticences des organisations de jeunesse, il y a celles des militaires et des gendarmes qui seront mis à contribution pour des missions d’encadrement. « On demeure dans un flou sur les modalités et surtout sur les finalités de ce que le candidat Macron avait annoncé pendant la campagne comme un service militaire », explique Bénédicte Chéron, chercheur spécialisée dans les relations entre l’armée et la société. « Les gens qui y sont favorables invoquent le brassage social et la nécessité de créer un moment et un lieu où les jeunes Français puissent se rencontrer. Mais cet argument repose sur une mémoire mythifiée du service national tel qu’il a existé ».

Bénédicte Chéron rappelle qu’à l’époque du service militaire obligatoire, « le brassage social n’était qu’une conséquence secondaire de l’objectif premier qui était d’apprendre à chaque génération à porter les armes. Ce n’est pas la fonction des militaires d’assurer le brassage social. On a tendance à voir les armées comme un fournisseur de cadres socio-éducatifs, parce qu’ils savent mettre en œuvre des dispositifs d’intégration qui sont utiles pour être efficaces au combat, mais le sens de ces valeurs militaires, ce n’est pas de devenir une œuvre socio-éducative. » Consolation pour le monde militaire : les jeunes seront encouragés à poursuivre une période d’engagement liée à la défense et la sécurité (engagement volontaire dans les armées, la police, la gendarmerie, les pompiers, la sécurité civile).


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