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Alain Favière, un maire de France: «Je ne me sens plus en capacité de continuer»

De notre envoyée spéciale dans la Creuse,

En cet automne, le centre d’Anzème est calme, très calme. Pour tout commerce, une boulangerie et une agence postale tenue par une employée municipale, ouverte le matin uniquement.

L’un des pôles de vie, c’est l’école, elle aussi compétence de la mairie. A la sortie des classes, Marina Laudinet, maman de jumeaux, garde un bon souvenir de son ancien maire, Alain Favière. « Il est très, très bien notre maire, s’exclame-t-elle encore au présent, il s’investit beaucoup. Il a changé beaucoup de chose dans l’école. Les enfants sont ravis, une nouvelle cantine, une nouvelle garderie, une salle polyvalente, tout ! Il était au top ! »

Paulette Benoit, un jeune cocker au bout de la laisse, regrette. Elle a du mal à se faire à son départ : « C’est pour sa santé, il a raison, mais je n’accepte toujours pas. » Néanmoins, comme la plupart des Anzémois, cette octogénaire comprend la situation : « C’est épuisant, à l’heure actuelle, d’être maire. C’est pas évident, moi je ne voudrais pas être maire », rit-elle.

Et c’est bien la fatigue qui a poussé Alain Favière à la démission. C’est chez lui, dans l’un des 22 hameaux qui composent Anzème, qu’il nous l’explique. « Ma décision a été prise après un grand épuisement qui dure depuis un an et demi, deux ans. J’ai des difficultés à récupérer pour chaque nouveau problème. Donc malheureusement, je ne me sens pas en capacité de continuer cette mission, qui m’a plu.

« J’ai même fini chez les gendarmes »

Cet instituteur en disponibilité de 54 ans s’est passionné pour sa fonction municipale. « Mais quand on sent plus cette capacité, il ne faut pas continuer, parce que sinon on risque de faire des bêtises à titre personnel et pour la commune. » La multiplication des tâches à accomplir l’a usé. Les maires perdent des compétences au profit par exemple des communautés d’agglomération, mais ce n’est pas forcément moins de travail.

« On multiplie les réunions sur des sujets très, très variés, sur lesquels il faut à chaque fois être réactif. Cela brasse des sommes importantes, donc on ne peut pas laisser faire n’importe quoi. Donc ça veut dire s’investir. Ce sont des choses qui se rajoutent, qui se rajoutent, qui se rajoutent. »

Moins de compétences ne signifie pas non plus moins de responsabilités. Une pilule d’autant plus difficile à avaler que l’on a forcé Anzème à intégrer la communauté d’agglomération. « Par rapport à la démocratie locale, on s’éloigne de la prise directe avec les citoyens. Et cela va de plus en plus à l’encontre de mes convictions », explique-t-il.

Les rapports avec l’Etat ont aussi parfois été compliqués. Pas facile de peser quand on représente une commune de 575 habitants, face à un projet d’enfouissement de stériles miniers des anciennes mines d’uranium de l’ex-Areva. Un dossier qui a éprouvé Alain Favière. « J’ai même fini chez les gendarmes, parce qu’ils considéraient sûrement que le fait de manifester sur le site n’était pas normal », s’agace-t-il.

« Beaucoup m’ont dit : « J’ai fait le mandat de trop.«  »

« Je me suis même senti maltraité. On levait les yeux au ciel dès que je posais une question lors des réunions à la préfecture. J’ai senti que le fait de demander des engagements et qu’ils soient tenus, était considéré comme quelque chose de pas normal, alors que ça me parait élémentaire. C’est ce qu’on fait régulièrement au sein de la commune. Alors, que l’Etat de son côté ne le fasse pas, ça m’a profondément chagriné. »

« Heureusement, ajoute Alain Favière, le préfet de l’époque a repris directement le dossier à un moment », ce qui a permis d’apaiser les tensions. Mais quoi qu’il en soit, il n’est pas le seul maire à ressentir de la lassitude. « Beaucoup m’ont dit : « J’ai fait le mandat de trop« , ou de « De toute façon, je ne me représente pas en 2020« . Donc beaucoup ont ces questionnements et ces moments de doute. »

Dans la nouvelle salle polyvalente – l’un des projets portés par Alain Favière -, un ancien conseiller municipal, Bruno Valeteau, comprend lui aussi cette lassitude. D’ailleurs, même s’il a été sollicité, il ne se présentera pas à l’élection municipale complémentaire. « Je suis à la retraite, j’aurai le temps. Mais je n’en ai pas la volonté en raison des soucis que cela cause. Je suis quelqu’un d’anxieux. »

Et de s’amuser : « Je trancherai beaucoup trop vite et pas forcément du bon côté. » Pas sûr que les Anzémois aient à trancher, eux. Le 2 décembre, ils doivent élire trois conseillers municipaux pour compléter l’équipe actuelle. Pour l’instant, une seule liste s’est enregistrée. Une seconde pourrait encore se présenter.

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