Le jumeau perdu du Soleil aurait été retrouvé à 184 années-lumière !

Le Soleil est né en même temps que d’autres étoiles sœurs dans un amas aujourd’hui dispersé dans la Voie lactée. On pense qu’il pourrait même avoir un frère jumeau (ou une sœur jumelle, c’est selon) avec lequel il formait temporairement une étoile binaire. Ce jumeau pourrait avoir été retrouvé.
Comment naissent les étoiles ? Dans cette vidéo, Stefano Panebianco, ingénieur de recherche au CEA, nous parle de la façon dont se forment les étoiles et aussi de l’astrophysique nucléaire des étoiles.
Si vous avez la chance de descendre un jour en dessous de l’équateur, pour voyager dans l’hémisphère Sud, vous pourrez pleinement voir la constellation du Paon, bien qu’elle soit peu lumineuse. Elle se signale quand même par une étoile quasiment de première magnitude qui est la plus brillante de la constellation : α Pavonis. C’est une sous-géante bleue, environ 5 fois plus massive que le Soleil.
Mais si l’on en croit une publication disponible sur arXiv et provenant d’une équipe internationale d’astronomes menée par Vardan Adibekyan de l’Instituto de Astrofísica e Ciências do Espaço (IA) au Portugal, c’est l’étoile HD186302 située à 184 années-lumière environ du Système solaire dans cette constellation qui devrait retenir votre attention.
C’est une naine jaune de type G3 (le Soleil en est une de type G2) qui fait donc partie, comme son nom l’indique, du catalogue Henry Draper (HD) qui regroupe les données de plus de 225.000 étoiles dont les magnitudes apparentes vont jusqu’à 9 environ.
Pour la petite histoire, il a été établi au début du XXe siècle par l’astronome Annie Jump Cannon et ses collègues du Harvard College Observatory, il couvre presque toute la voûte céleste. Il tire son nom d’un pionnier de l’astrophotographie, qui fut le premier à obtenir un spectre stellaire, celui de Véga, en 1872. À sa mort, sa veuve avait financé la réalisation de ce catalogue, par la suite largement utilisé par les astronomes. Voilà pourquoi plusieurs étoiles de la Voie lactée, étudiées pour leurs exoplanètes, sont référencées par les lettres HD.
Mais pourquoi HD186302 a-t-elle les honneurs aujourd’hui ? Parce qu’il apparaît probable que ce soit une des nombreuses sœurs du Soleil et peut-être, mais ce serait extraordinaire, sa jumelle (ou son frère jumeau, au choix) ou l’une de ses jumelles, si tel était le cas il y a environ 4,6 milliards d’années.
L’un des principaux aspects de la mission Herschel était d’étudier en infrarouge les nuages moléculaires où naissent les étoiles. © ESA Science & Technology
Des exoplanètes autour du jumeau du Soleil ?
En effet, comme Futura l’expliquait dans le précédent article ci-dessous, non seulement nous savons depuis un moment que les étoiles naissent en groupe dans des nuages de gaz et de poussières froids, qui s’effondrent et se fragmentent pour plusieurs raisons, mais que probablement, elles commencent majoritairement leur vie sous forme d’étoiles binaires qui finissent pas se séparer précocement (des étoiles multiples se forment aussi, mais elles sont plus rares).
Ces pouponnières d’étoiles constituent ce que l’on appelle des amas ouverts qui vont se disperser dans la Voie lactée en quelques centaines de millions d’années tout au plus. Mais on peut, en théorie du moins, les retrouver en cherchant des soleils dont la composition chimique est très voisine, du même âge, et sur des orbites et à des distances montrant qu’ils pouvaient être membres d’un amas ouvert dans le passé.
C’est précisément à ce jeu que les astronomes et les astrophysiciens jouent depuis quelque temps. L’équipe menée par Vardan Adibekyan s’est donc appuyée sur les données astrométriques de Gaia et sur celles collectées dans le cadre du projet Ambre. Un projet d’archéologie galactique mis en place par l’ESO et l’Observatoire de la Côte d’Azur afin de déterminer les paramètres atmosphériques stellaires des spectres archivés à partir des spectrographes Feros, Harps, Uves et Giraffe de l’ESO.
Environ 230.000 spectres provenant des atmosphères de 17.000 étoiles ont été inspectés et 55 étoiles ont été sélectionnées en se basant sur la métallicité de ces étoiles, c’est-à-dire dans le jargon des astrophysiciens, le contenu en éléments plus lourds que l’hélium de leur atmosphère, et donc de ces étoiles. Les plus proches du Soleil ont été retenues, puis des mesures des abondances en éléments et leurs isotopes concernant le fer et le carbone ont permis de ne retenir que HD186302.
D’autres sœurs potentielles du Soleil ont été identifiées avant mais dans le cas présent, devant les similitudes entre notre étoile et HD186302, les membres de l’IA veulent chasser d’éventuelles exoplanètes autour d’elle avec les spectrographes Harps et Espresso. C’est bien sûr très, très spéculatif mais on peut se demander, avec la panspermie en arrière plan, quelles pouvaient être les relations entre la jeune Terre et une éventuelle exoterre si HD186302 était vraiment la jumelle de notre étoile avec laquelle elle formait temporairement un système binaire.
Ce qu’il faut retenir
- Dans la Voie lactée, les étoiles binaires sont très nombreuses. Il existe même quelques systèmes triples et plus.
- Pour comprendre l’origine de ces étoiles, les chercheurs s’aident de simulations numériques et établissent des statistiques à partir des observations des jeunes étoiles dans les nuages moléculaires.
- Les observations menées, notamment dans le nuage de Persée, suggèrent que toutes les étoiles de masses similaires à celle du Soleil commencent leur vie en couple avant qu’une partie d’entre elles se séparent et que les autres se rapprochent.
- Récemment repérée dans la constellation du Paon, l’étoile HD186302 située à 184 années-lumière environ du Système solaire a un âge et une composition chimique qui en font un candidat au titre de sœur jumelle ou frère jumeau du Soleil.
Pour en savoir plus
Notre Soleil serait né avec un frère jumeau
Article de Laurent Sacco publié le 15/06/2017
En se basant sur des statistiques des couples de jeunes étoiles observés dans des pouponnières comme le nuage moléculaire de Persée, deux astrophysiciens sont arrivés à une conclusion étonnante. Toutes les étoiles de masses comparables à celle du Soleil naîtraient par paire avant, parfois, de se séparer. Notre Soleil aurait donc eu un frère jumeau pendant quelques millions d’années.
C’est à la fin du XVIIIe siècle qu’ont été découvertes les premières étoiles doubles. Grâce aux travaux de William Herschel à qui l’on doit d’ailleurs le terme d’étoile binaire. Les deux termes ne sont pas synonymes pourtant, même si on les emploie souvent sans faire la différence. Une étoile binaire est un vrai couple d’étoiles liées par la gravitation, alors qu’une étoile double peut très bien n’être qu’une association fortuite de deux étoiles sur la voûte céleste. Ainsi, l’un des cas les plus emblématiques est Alcor et Mizar, observé au XVIIe siècle par Giovanni Battista Riccioli, astronome et jésuite italien à l’origine de la nomenclature de la face visible de la Lune. Toutefois, les progrès de l’astrophysique ont établi que les deux étoiles sont très probablement binaires (en fait sextuple).
Depuis deux siècles donc, de nombreuses binaires ont été observées et même des systèmes multiples de sorte qu’il a été mis en évidence qu’environ deux tiers des étoiles de la Voie lactée sont en couple. Des amas ouverts d’étoiles ont aussi été découverts, ce qui a permis de comprendre qu’il s’agissait de jeunes étoiles nées en même temps par effondrement gravitationnel d’un nuage moléculaire poussiéreux comme le Nuage d’Orion (Orion Molecular Cloud) ou celui de Persée (Perseus Molecular Cloud). Situé à environ 600 années-lumière de la Terre dans la constellation de Persée, ce dernier s’étend sur environ 50 années-lumière.
Le Système solaire s’est formé à partir d’un nuage moléculaire riche en poussières s’effondrant sous sa propre gravité. C’est ainsi qu’est né le Soleil, entouré d’un disque protoplanétaire. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, Youtube
Un possible compagnon du Soleil nommé Némésis
Les astrophysiciens ont bien évidemment cherché à mieux comprendre la naissance des étoiles dans ces nuages et en particulier celle des étoiles binaires. Ce sont des questions complexes où interviennent la température, la densité de la matière ainsi que la turbulence et les champs magnétiques qui règnent dans les nuages moléculaires. S’y ajoute le fait que certaines des étoiles qui naissent dans ces pouponnières sont massives et évoluent rapidement pour finir par exploser en supernova au bout de quelques millions d’années seulement. Les ondes de choc produites peuvent à leur tour provoquer l’effondrement gravitationnel d’autres régions de ces nuages qui n’étaient pas assez denses ou froides auparavant et ainsi enfanter des étoiles.
Les chercheurs pensent que ce fut le cas de notre Soleil et ils ont même une idée des caractéristiques de l’étoile qui lui a donné naissance, baptisée Coatlicue. Il est certain que notre étoile ait eu des sœurs et des frères qui se sont dispersés dans la Voie lactée par la suite, comme c’est toujours le cas avec des amas ouverts (par définition, les membres ne sont pas gravitationnellement liés).
Certains astrophysiciens sont allés plus loin depuis un moment déjà en proposant que le Soleil fasse lui aussi partie d’une étoile double. Sa sœur, ou son frère c’est selon, a été baptisé Sol B. Mais elle est plus célèbre sous le nom de Némésis, donné par le physicien Richard Muller en 1984. Il s’agirait d’une étoile très peu lumineuse, voire d’une naine brune qui formerait avec le Soleil un système binaire à très longue période (environ 26 millions d’années) sur une orbite très excentrique. Par ses perturbations gravitationnelles périodiques du nuage cométaire d’Oort, Némésis aurait causé des bombardements responsables d’extinctions sur Terre.
Les étoiles naines solitaires étaient en couple à leur naissance
Cette hypothèse n’a jamais pu être vérifiée mais une variante découle d’un article déposé sur arXiv par les astrophysiciens Sarah Sadavoy, du Smithsonian Astrophysical Observatory à l’université d’Harvard, et Steven Stahler, de l’université Berkeley. Selon les deux chercheurs, il est très probable que toutes les étoiles se forment d’abord sous forme de binaires éloignées. Puis en quelques millions d’années, soit elles se rapprochent, soit elles s’éloignent suffisamment pour ne plus être liées gravitationnellement. Notre Soleil aurait donc eu temporairement un frère jumeau, mais qui ne serait probablement pas identique.
Plusieurs éléments se combinent pour arriver à cette conclusion. Ainsi, il y a quelques années, l’astrophysicien Pavel Kroupa, qui s’est notamment fait connaître par ses travaux sur les galaxies et la théorie Mond, a réalisé des simulations numériques qui l’ont amené effectivement à la conclusion que les étoiles devaient toute naître par paire ou peu s’en faut. Or jusqu’à présent, les observations permettant de tester cette idée manquaient.
Stahler et Sadavoy ont donc utilisé la radioastronomie et en particulier le VLA dont le regard perçant peut pénétrer à l’intérieur des nuages moléculaires poussiéreux (qui bloquent la lumière visible), en l’occurrence celui de Persée. Ils ont bénéficié des résultats de la campagne d’observations appelée Vandam (VLA Nascent Disk and Multiplicity), la première à recenser systématiquement les étoiles plus jeune que 4 millions d’années dans un nuage moléculaire. Tous les systèmes multiples d’étoiles avec des distances supérieures à 15 unités astronomiques (UA) ont également été recensés.
En combinant ces observations avec d’autres, il est apparu que toutes les étoiles binaires les plus jeunes (moins de 500.000 ans) étaient séparées par des distances supérieures à 500 UA, alors que celles légèrement plus âgées étaient plus proches, séparées par des distances de l’ordre de 200 UA.
Selon les chercheurs, le modèle statistique qui colle le mieux à ces observations est celui où toutes les étoiles de masses comparables à celle du Soleil débutent leur vie sous forme d’étoiles binaires largement séparées. Puis environ 60 % de ces couples vont se défaire, tandis que les autres vont voir les tailles de leurs orbites diminuer.
Ainsi, les naines de faible masse qui semblent solitaires dans la Voie lactée seraient, en fait, d’anciennes étoiles binaires.
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