L’Italie prête à faire capoter la grande expo « Vinci » du Louvre en 2019

Le musée du Louvre pourra-t-il organiser comme prévu sa grande exposition consacrée à Léonard de Vinci en 2019? La question n’est ni artistique ni logistique, mais diplomatique. L’exposition qui doit célébrer les 500 ans de la mort du génie transalpin (le 2 mai 1519, au Clos Lucé d’Amboise) est remise en cause par l’Italie, et plus précisément par la sous-secrétaire d’Etat aux biens et activités culturelles, Lucia Borgonzoni.
La femme politique issue du parti d’extrême droite la Ligue a ainsi expliqué dans entretien au Corriere della Sera le 16 novembre dernier vouloir « revoir l’accord avec le Louvre », arguant que « ces prêts placeraient l’Italie à la marge d’un événement culturel majeur » et ajoutant « Léonard est italien, il est seulement mort en France ».
« Les Français ne peuvent pas tout avoir »
L’Italie doit en effet prêter pour l’occasion à la France plusieurs oeuvres de Léonard de Vinci, le Portrait de musicien, qui est à la Pinacothèque ambrosienne de Milan, La Scapigliata, accrochée à Parme, ou encore le célèbre Homme de Vitruve exposé à la Galleria dell’Academia à Venise. Le Saint Jérôme se trouve, lui, au Vatican.
La secrétaire d’Etat proche du ministre de l’Intérieur populiste Matteo Salvini, y voit une façon d’affirmer la souveraineté de son pays.
« Nous devons rediscuter de tout. Lorsque l’autonomie des musées est en jeu, l’intérêt national ne peut pas arriver en second. Les Français ne peuvent pas tout avoir », argue-t-elle, dans le quotidien italien.
Une source diplomatique, citée par Le Monde, assure que ce genre d’événement se décide non seulement au niveau des conservateurs de musées, mais aussi entre les Etats. Or, si les relations entre les premiers sont bonnes, celles entre l’Italie et la France sont tendues – notamment autour de la question des migrants.
Au Louvre, la réserve est de mise, dans un contexte politique qui dépasse celui de l’exposition et le musée ne souhaite pas réagir officiellement, par souci d’apaisement. Il reste encore un an pour négocier les prêts.
Chefs-d’oeuvre fragiles
Mais le musée français a bien pris soin, dans la préparation de l’exposition, de ne pas faire d’ombre à l’Italie. La date de l’événement, en octobre, doit ainsi laisser le temps aux musées italiens de célébrer la mort de Léonard de Vinci en mai.
En outre, de tels échanges d’oeuvres entre musées sont tout à fait courants. C’est ainsi dans l’optique de l’exposition de 2019, que le Louvre a prêté des oeuvres de Leonard de Vinci au Palazzo Reale de Milan, allant jusqu’à prêter trois tableaux, dont La Belle Ferronière et Saint Jean Baptiste, alors que le musée ne se départit normalement jamais de deux tableaux de Léonard de Vinci en même temps. Des oeuvres de Raphaël doivent également faire le voyage jusqu’à Rome en 2020, à l’occasion d’une exposition au musée Quirinal pour le 500e anniversaire de sa mort.
Les conservateurs du Louvre ont par ailleurs bien conscience de la fragilité des oeuvres et de la difficulté de les déplacer. Le Louvre n’a ainsi pas demandé à emprunter L’Adoration des mages, citée par Lucia Borgonzoni dans le Corriere della Sera, qu’il sait trop fragile, comme le précisent des connaisseurs du dossier. Tout comme La Joconde, qui même si elle joue à domicile, ne pourra même pas être déplacée au rez-de-chaussée pour l’exposition de 2019.
La Joconde et les Bleus
Il n’existe dans le monde que 14 tableaux de Léonard de Vinci reconnus. Le Louvre en possède 5, soit un tiers des oeuvres, mais aussi 22 dessins dont certains datent de la jeunesse du maître. Une collection qui légitime pleinement une telle exposition, même si Léonard de Vinci n’est pas français, comme le martèle Lucia Borgonzoni.
Parmi ces oeuvres, on figurent les trois tableaux peints au cours des 20 dernières années de la vie de de Vinci, La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne, Saint Jean-Baptiste et bien sûr La Joconde. Joconde qui avait déjà échauffé les esprits en juillet dernier, lorsque le Louvre avait tweeté avec humour l’image d’une Mona Lisa vêtue du maillot des Bleus, après leur victoire en finale de la Coupe du monde. L’image avait fait grincer des dents de l’autre côté des Alpes, à tel point que le musée avait écrit: « Pour information, la Joconde a été vendue par Léonard de Vinci au roi François 1er ».
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