VIDEO. « Je suis perdu » : le discours anticonformiste d’un jeune ingénieur de Centrale Nantes à sa remise de diplôme
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas », c’est en citant Albert Camus que Clément Choisne, 24 ans, débute son discours de remise de diplôme.
Cette citation peut paraître pessimiste, le discours de Clément ne l’est pas.
D’un ton calme et posé, le jeune homme, qui a intégré Centrale de Nantes en 2014, se souvient « avec amusement » du discours d’entrée du directeur de l’école, « il nous invitait à prendre la parole, à donner un rôle, un vrai, à l’ingénieur dans notre société, à faire entendre notre voix ».
« Je la prends aujourd’hui la parole pour vous dire que je pense que vous vous trompez sur la vision que vous avez sur la transition écologique et les moyens que vous y attribuez », lance le jeune homme invité à la tribune pour se voir remettre son diplôme.
Quinze jours après ce moment largement partagé sur les réseaux sociaux, 43 000 vues sur Facebook depuis mardi, Clément revient sur son discours, sa vision de l’avenir, son parcours…
« Ça été très bien reçu par la salle », explique Clément Choisne, « après la cérémonie de nombreux élèves et parents sont venus me voir pour me féliciter et me remercier de cette prise de parole. ».
Car si Clément a fait ce discours c’est parce qu’« il y a des choses qui ne sont jamais remises en cause dans nos études d’ingénieur », explique le jeune diplômé originaire du Mans, « notamment la remise en cause d’un modèle qui crée des élites qui devront trouver des solutions sans jamais se demander si les solutions que l’on trouve sont pérennes, durables et égalitaires pour la société ».
Clément reconnaît cependant que Centrale Nantes agit dans le domaine « du développement durable ou de la transition énergétique » comme l’éolien offshore.
C’est bien de trouver des solutions techniques mais, sur un problème, comme l’énergie, si on ne se questionne pas sur la sobriété énergétique on arrivera jamais à résoudre le problème
« Car une énergie, aussi renouvelable qu’elle vous soit présentée, ne le sera plus si elle doit compenser l’intégralité des besoins qui reposent aujourd’hui sur les énergies fossiles. Il faut avant toute chose penser à la réduction drastique de notre demande énergétique (sobriété énérgétique) et je n’ai que trop peu entendu ce message dans le cadre de ma formation ».
« L’école m’a permis de me poser un certain nombre de questions »
Parallèlement, à « cette voie royale qu’on nous présente quand on est enfants », « il y a des remises en question, la situation de notre société et les impasses dans lesquelles on nous met par rapport à notre métier d’ingénieur », poursuit Clément.
« L’école m’a permis de me poser un certain nombre de questions, d’aller voir par moi-même, d’avoir des expériences dans le monde du travail et notamment dans le développement durable »
Les possibilités qui s’offrent aujourd’hui à Clément, comme celle d’intégrer une grande entreprise et d’en tirer d »‘importantes rémunérations » ne le satisfont pas « parce qu’elles sont pour moi décorrélées des actions à mener pour résoudre les problèmes qui se posent aujourd’hui »
« A toujours être dans le compromis, on renie ses idées, ses valeurs »
« Je ne pense pas que le changement puisse venir de l’intérieur de ce système d’entreprises qui ont des modèles d’affaire fortement carbonés », explique Clément Choisne, « il y a toute une société alternative qui est en train de se monter par des solutions qui ont un sens », « avec des initiatives locales ».
« De votre fournisseur d’énergie à la manière dont vous vous déplacez ou encore la manière dont vous faites vos courses, tout est à repenser et des structures implémentent d’ores et déjà des solutions comme la Tricyclerie, O’bocal ou encore Biocoop et des milliers d’autres au niveau national »
« Prêts à questionner notre zone de confort pour que la société change profondément »
Et Clément n’est pas seul à vouloir faire bouger les lignes. Ils sont près de 30 000 étudiants d’écoles et grandes écoles à avoir signé un manifeste « pour un réveil écologique » dans lequel ils s’alarment de voir que « nos sociétés continuent leur trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine ».
Dans ce manifeste, les étudiants se disent « prêts à questionner (leur) zone de confort pour que la société change profondément », « à s’engager pour ne pas aller travailler dans ces entreprises qui nous étaient promises, ces grands postes », explique le jeune diplômé.
Il se verrait bien à présent embrasser une carrière dans les médias ou encore la politique « à l’échelle locale », « mais c’est encore très flou ».
En attendant, Clément a trouvé un poste de professeur contractuel de physique-chimie dans un lycée nantais.
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