A la Une

« Blonde », la face sombre de Marilyn Monroe révélée à l’écran

Le réalisateur Andrew Dominik s’attaque à un mythe hollywoodien : Marilyn Monroe, décédée il y a 60 ans, ou plutôt Norma Jean Baker dont il raconte pendant 2H45 toutes les névroses et les traumas. Un film au goût de soufre, non seulement par la présence de scènes torrides qui lui ont valu une interdiction aux moins de 18 ans aux Etats-Unis, mais aussi par le choix assumé de faire de la vie de Marilyn Monroe une longue et tragique descente aux enfers. Aux antipodes des images de papier glacé.

Vendredi soir à Deauville, les premiers spectateurs de Blonde étaient sous le choc, à la fois émus et bouleversés d’avoir découvert une Norma Jean Baker dévorée par le double fantasmagorique, la propre créature qu’elle a engendrée.

Pour incarner cette blonde, Andrew Dominik avait d’abord pensé à Naomi Watts ou Jessica Chastain, mais c’est finalement la Cubaine Ana de Armas, 34 ans, apparue dans Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, ou encore auprès de Daniel Craig, dans bnans, il y a 60 ans. Avant que les studios n’en fassent LEUR Marilyn Monroe, objet de fantasmes pour nourrir la machine à rêves de l’Amérique des années cinquante.  

Le film s’attache à dresser le portrait d’une femme blessée par les hommes qu’elle a rencontrés tout au long de sa vie. Un chemin de croix commencé dès l’enfance par l’absence de son père totalement idéalisé, et qu’elle cherchera à rencontrer en vain toute sa vie, la présence d’une mère folle qui tente de la noyer, et l’enferme dans un tiroir en guise de berceau. Il se poursuit avec les producteurs qui la chosifient à loisir, les acteurs qu’elle a connus et ses maris Joe di Maggio, et Arthur Miller (étonnant Adrian Brody) qu’elle appelait tous « papa ».  


Pour raconter cette vie de souffrances et l’extrême brutalité des abus qu’elle a subis, le réalisateur a choisi la voix off de Marylin. Une voix qui supplie qu’on la regarde, et non qu’on la désire. Rien ne nous est épargné : les coups, les fausses couches, les avortements, les violences sexuelles que lui impose un certain John Fitzgerald Kennedy, les troubles psychiatriques, l’addiction aux médicaments. Une vie de sang et de larmes que le choix du noir et blanc dramatise encore plus. Le spectateur est littéralement dans la tête de Marilyn, allongée sur le divan du réalisateur. Marilyn malheureuse avec son obsession d’être aimée pour ce qu’elle est intrinsèquement plus que pour ses talents d’actrice, ou l’érotisme et la sensualité qu’elle dégage.

Le réalisateur joue avec les codes du film d’horreur pour raconter ses traumas : la maison qui brûle, le sang qui gicle, les fœtus en gros plans, comme autant de marqueurs d’une vie sacrifiée. On sort essorés littéralement devant tant de souffrances et d’incompréhension. Marilyn Monroe est seule, désespérément seule et incomprise.  

Andrew Dominik est virtuose dans sa façon de passer du noir et blanc, le négatif cauchemardesque de la vie de Marylin, à la couleur et aux rares moments heureux de la star. Une habileté visuelle qui tient du génie pour illustrer le monde chaotique de Marylin Monroe. Une narration déconstruite qui ne nuit absolument pas à cette longue séance de psychanalyse qu’offre Blonde. Comme le roman dont il est tiré, le film s’intéresse moins à la véracité chronologique qu’à la psyché de Marylin. Il permet au réalisateur néo-zélandais de brouiller les frontières entre souvenirs réels et hallucinations. Un chaos visuel qui en fait un vrai grand film de cinéma et surtout pas un biopic.

Le film est volontairement elliptique, avec comme seuls repères des reconstitutions de films phares dans lesquels Marylin a joué. De troublez moi ce soir à Certains l’aiment chaud… Des scènes qui sont gravées à jamais dans nos mémoires de cinéphiles et qui nous font mesurer d’autant plus l‘enfer traversé par cette actrice météore.

Blonde est un film à la démesure de son sujet, baroque et onirique, irritant et hypnotique. Un film nécessaire pour entrevoir l’envers du décor hollywoodien qui a broyé, en 10 ans, une petite fille qui voulait juste être aimée.    


Continuer à lire sur le site France Info