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REPORTAGE. À Edimbourg, dans le sillage du corbillard de la reine Elizabeth II, des fleurs, des larmes et des souvenirs

C’était une ambiance comme la reine Elizabeth II a dû en voir des centaines de son vivant : des milliers de personnes serrées contre les barrières installées le long de la route principale d’Edimbourg, qui traverse la vieille ville d’ouest en est, de la cathédrale Saint-Gilles au palais royal d’Holyroodhouse. Les gens discutaient paisiblement, en attendant le passage de leur souveraine alors que de timides rayons de soleil perçaient les nuages écossais. Ils avaient pour beaucoup les bras chargés de fleurs. Certains avaient sorti leur plus belle tenue quand d’autres arboraient fièrement le drapeau de l’Ecosse ou celui du Royaume-Uni.

L’air a semblé s’épaissir un peu lorsque la moto de police traversa la ville, quelques secondes avant le corbillard qui transportait le corps de la défunte royale. Un silence s’est installé, puis de timides applaudissements ont retenti, avant de se renforcer après le passage du cercueil et de la voiture de la Princesse Anne. Les yeux embués, Janet, Lesley et Alapha se sont prises dans les bras, juste après avoir vu le cortège. « On est très tristes, on ne réalise pas complètement qu’elle est partie », raconte Lesley. Toutes les trois se félicitent du monde présent à Edimbourg. « C’est bien, cela montre qu’elle était aimée de tous », estiment ces trois femmes, de trois générations.

Tout ce monde, cela a aussi plu à Naomi et Helen. « Ça nous a rassemblé, ça permet de faire plus facilement son deuil, disent ces deux habitantes de l’Ayrshire, une région du sud-ouest de l’Ecosse. Il va nous falloir du temps pour nous ajuster, et accepter de ne plus la voir sur les billets, les timbres. » 

Chacun, le long des barrières, y va de son souvenir de la reine, ou pour les plus chanceux, avec la reine. Il y a Valery, qui se souvient de la tournée de couronnement d’Elizabeth II. Elle avait 4 ans et avec sa classe, elles ont applaudi la reine, passée juste devant elles, qui les avaient saluée. Il y a Naomi, dont le fils travaille comme jardinier à Balmoral et qui a rencontré la reine à de nombreuses reprises. Il y a Fiona, qui se souvient des cérémonies de remises de clé tous les ans à Edimbourg, et plus loin Janet, qui raconte comment la reine s’est penchée sur le berceau de sa fille Lesley, âgée d’à peine sept jours, lors de son jubilé d’argent. Ce patchwork de souvenirs reconstitue peu à peu qui était la reine Elizabeth II : une reine qui a guidé plusieurs générations, et qui a su donner à chacun l’impression d’une proximité, alors qu’aucun ne l’avait vraiment rencontrée. « On a presque l’impression de perdre une grand-mère », résume une passante.

Theresa, Charles et Fiona sont venus en famille voir le cercueil d'Elizabeth II. (THÉO UHART / RADIO FRANCE)

Theresa, Charles et Fiona sont venus en famille voir le cercueil d'Elizabeth II. (THÉO UHART / RADIO FRANCE)

De la proximité, de la longévité, et une affection particulière pour l’Ecosse aussi. « Elle aimait tellement l’Ecosse, et l’Ecosse l’aimait aussi », résume en une phrase Helen. Elle est d’ailleurs la première souveraine britannique à mourir sur le sol écossais. À l’heure où les vélleités indépendantistes se réveillent dans le royaume, Teresa, venue avec ses deux enfants Fiona et Charles, ne peut pas croire au hasard. « Elle aura travaillé jusqu’au dernier moment de sa vie. Je ne sais pas si c’est accidentel ou non, mais mourir à Balmoral, faire toute cette procession jusqu’à Edimbourg avant de rentrer à Londres… C’est très politique, sans l’être vraiment », sourit-elle.

Sur Edimbourg, la pluie commence à tomber. « On est tristes, et en même temps, on est heureuses. Elle a fait le job, maintenant elle peut se reposer », résument Taicia et Margaret. Le cercueil royal sera ce soir dans la salle du trône du palais d’Holyroodhouse. Demain, le roi Charles III escortera sa mère jusqu’à la cathédrale Saint-Gilles, où une messe aura lieu en son honneur avant que les Edimbourgeois puissent aller lui rendre un dernier hommage dans la cathédrale tout au long de la nuit. Puis elle prendra l’avion, direction Londres pour d’autres cérémonies et hommages. Même dans la mort, il reste à la reine Elizabeth II quelques épreuves avant le véritable repos.


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