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Accusations de harcèlement sexuel, problèmes d’alcool, guerre des clans… Pourquoi la Fédération française de football est au cœur d’une tempête

Cet ancien salarié de la FFF la joue taquin par SMS : « Eux qui sont habitués à ne rien dire, ça va leur faire bizarre, cette fois, de s’expliquer ». Une semaine après des révélations sur des dysfonctionnements internes, la Fédération française de football va devoir ouvrir ses portes et jouer la transparence. Après une entrevue avec le président de la « 3F », Noël Le Graët, et sa directrice générale, Florence Hardouin, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a annoncé le lancement d’un audit pour faire toute la lumière sur cette affaire, vendredi 16 septembre. Franceinfo vous explique pourquoi il y a le feu dans la plus grosse fédération sportive de France.

Tout commence jeudi 8 septembre avec la publication dans le magazine So Foot d’une longue enquête intitulée ainsi : « Sexe, pouvoir, argent… Ma fédé va craquer ! » Le mensuel révèle notamment plusieurs SMS à caractère sexuel, non datés, que Noël Le Graët aurait envoyés à des collaboratrices actuelles ou passées de la FFF. Extraits : « Venez chez moi pour dîner ce soir », « Je préfère les blondes, donc si ça vous dit », « Vous êtes drôlement bien roulée, je vous mettrais bien dans mon lit. » A propos du patron du foot français, une ancienne employée résume dans le magazine : « C’est bien simple, il saute sur tout ce qui bouge ».

Plus globalement, l’article de six pages évoque aussi des « problèmes liés à l’alcool au sein de l’instance », une « guerre des clans ou encore des règlements de compte ». « Depuis la victoire à la Coupe du monde 2018, on peut dire que le football est passé au second plan à la fédération. A la place, on a des guerres intestines entre les chefs qui polluent tout, des directeurs qui pensent à niquer tout le monde, mais pas beaucoup de dossiers traités sérieusement », observe une salariée de la « 3F ». Sollicité par L’Equipe et Le Monde, Noël Le Graët n’a pas souhaité faire de commentaire. A par celui-ci : il veut simplement redire qu’il restera bien en poste « jusqu’à la fin de [s]on mandat » en décembre 2024. 

Mais les révélations de So Foot font grand bruit. Dans un communiqué au vitriol, l’Union nationale des footballeurs français (UNFP) condamne « le silence de la FFF », « son mépris » pour les victimes et « l’impunité assumée » dont bénéficieraient certains responsables. Plus globalement, le syndicat des joueurs s’emporte contre « l’inaction » de la fédération face à des « pratiques indignes d’un football français qu’elles mettent de surcroît en danger ».

Le sélectionneur de l’équipe de France, Didier Deschamps, a lui aussi été interrogé sur le climat en cours, jeudi, entre deux questions sur la liste de joueurs convoqués pour les deux matches à venir en Ligue des nations« Carrément ! Vous n’avez pas froid aux yeux », a rétorqué le coach des Bleus à propos d’une éventuelle démission de Noël Le Graët. « Ce n’est pas le climat le plus apaisé que j’ai pu connaître », a-t-il simplement concédé, à deux mois de la Coupe du monde au Qatar. Avant d’ajouter : « Vous savez ma relation avec le président. Je lui ai encore parlé assez longuement hier [mercredi]. Si je me réfère à la partie sportive, je me rends compte qu’il y a des fausses informations qui sont des mensonges et qui, avec le temps et la répétition, deviennent des absurdités. »

Quasiment au même moment, un communiqué était en train d’être finalisé quelque part dans les étages du 87 boulevard de Grenelle, dans le 15e arrondissement de la capitale. La Fédération française de football a décidé de déposer « une plainte en diffamation » contre le magazine So Foot « en raison des imputations gravement diffamatoires ». Le communiqué précise que cette plainte a été déposée par la fédération représentée par son président, Noël Le Graët, « avec le soutien unanime de son comité exécutif ».  

Dans un premier temps, la ministre des Sports n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. « Pas de commentaire là-dessus, ce n’est pas l’objet », a déclaré Amélie Oudéa-Castéra deux jours après la publication de l’enquête, lors d’un événement d’athlétisme organisé à Paris. Mais face à l’ampleur de la polémique, elle a fini par prendre la parole, jeudi soir, dans les colonnes du Parisien. « Je ne minimise rien de ce qui a été restitué par So Foot« , a-t-elle assuré, alors qu’elle devait justement recevoir le lendemain le président de la FFF, ainsi que sa directrice générale, Florence Hardouin.

« Je ne les reçois pas pour prendre le thé, je ne les reçois pas pour m’entendre dire que tout va bien. Je les reçois car j’ai besoin d’écouter ce qu’ils ont à me dire. »

Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports

au « Parisien »

L’entrevue de vendredi matin a duré une heure. En plus du lancement d’un audit, Amélie Oudéa-Castéra veut aussi désormais rencontrer un autre membre haut placé de la FFF : Philippe Diallo, le vice-président délégué, « afin qu’il puisse lui faire part à son tour de son appréciation sur la situation de la fédération sous cet angle ».

La conclusion du communiqué de la ministre des Sports sonne comme un rappel à l’ordre : « Plus encore que les autres, la FFF, première fédération de France avec ses deux millions de licenciés, investie par l’Etat d’une mission de service public pour un sport pratiqué à tous les âges et dans tous les territoires avec ses 15 000 clubs, a un devoir d’exemplarité en matière d’éthique et d’intégrité sportive et sociétale. Le président [Le Graët] a indiqué en avoir pleinement conscience, et vouloir renforcer les initiatives engagées en ce sens. »


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