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Réforme des retraites : on vous explique les différentes options du gouvernement pour faire adopter ses mesures

Après avoir été balayée par la pandémie de Covid-19, l’épineuse réforme des retraites est à nouveau à l’ordre du jour gouvernemental. Emmanuel Macron l’a affirmé lundi 12 septembre : il veut relancer la mesure, et vite, confirmant l’objectif d’une entrée en vigueur à l’été 2023. Le gouvernement sera destinataire « à la fin de la semaine » d’un « avis du comité de suivi des retraites, chargé de faire des propositions pour garantir l’équilibre du système de retraites », a déclaré Olivier Dussopt, le ministre du Travail, sur France 3. « Nous devons travailler plus. Cela veut dire être plus nombreux à travailler. »

« L’objectif du plein emploi a aussi vocation à dégager des recettes pour le système social. »

Olivier Dussopt, ministre du Travail

sur France 3

Reste à savoir comment le gouvernement, qui ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, compte faire adopter cette réforme. Alors que le parti présidentiel, fraîchement rebaptisé Renaissance, est déjà divisé sur la question et doit d’ores et déjà faire face à des syndicats hérissés par le projet, plusieurs options sont sur la table. Explications.

Inclure la réforme dans le PLFSS

L’une des pistes évoquées par le gouvernement consisterait à déposer un amendement dans le projet de loi de finances sur la Sécurité sociale (PLFSS), un projet de loi voté annuellement qui porte sur l’équilibre financier de la Sécurité sociale, outil important de mise en œuvre d’un certain nombre de mesures ayant notamment trait à la santé ou au travail. L’utilisation de ce texte comme possible cheval de Troie pour faire passer la réforme des retraites aurait pour la majorité l’avantage de la rapidité.

« En passant par un amendement dans le PLFSS, le gouvernement s’évite un certain formalisme auquel il serait soumis s’il présentait un projet de loi, par exemple la nécessité de soumettre le projet de loi à l’avis du Conseil d’Etat », explique Annabelle Pena, professeure en droit constitutionnel à l’université de Toulon. Une dimension temporelle non négligeable aux yeux d’une partie de l’entourage présidentiel. « On a appris lors du dernier quinquennat que beaucoup d’événements peuvent venir frapper le pays : l’inflation, la situation internationale… Quand il y a une fenêtre d’opportunité, il faut la saisir », pointe un député influent de la majorité.

Mais cette méthode fait aussi courir un risque : braquer les syndicats, à l’aube d’un automne qui s’annonce déjà tendu socialement sur fond d’inflation et de crise de l’énergie. « En cas de mesures sur les retraites glissées dans le PLFSS, il n’y aura pas de travail commun », a d’ores et déjà prévenu Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. « La sérénité ne sera pas de mise si l’automne est perturbé par une mesure brutale », a-t-il prévenu. « Si la question de l’âge arrivait dans le PLFSS, cela bloquerait les concertations non seulement sur les retraites, mais aussi sur tous les autres chantiers du quinquennat », a de son côté averti Cyril Chabanier, président de la CFTC, après une réunion sur le sujet avec le ministre du Travail. 

Présenter un projet de loi à part

Plus classique, c’est pour le gouvernement l’autre piste pour avancer sur ce dossier épineux. Comme dans la première option, le contenu précis d’un éventuel projet de loi demeure flou à ce jour. La semaine dernière, Emmanuel Macron a indiqué qu’un report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans (contre 62 aujourd’hui), une promesse de campagne, était toujours d’actualité. Une hausse de la durée de cotisation n’est pas non plus écartée.

Même avec cette procédure moins expéditive, le risque d’un blocage des partenaires sociaux est loin d’être écarté. « Les syndicats sont contre une mesure d’âge dans le PLFSS, mais ils ne seront pas plus pour un projet de loi à part », estime un député de la majorité. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a pu s’en rendre compte lundi 19 septembre en recevant les partenaires sociaux pour une réunion de concertation lors de laquelle la CGT a menacé de « couper immédiatement toute discussion avec le gouvernement » et de « rentrer dans la confrontation sociale ».

Recourir ou non à l’article 49.3

Quelle que soit la voie choisie, la question de l’utilisation ou non de l’article 49.3 de la Constitution se posera inévitablement pour le gouvernement, qui ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cet outil peut en effet permettre l’adoption d’un texte sans vote si une motion de censure n’est pas votée dans les 24 heures suivant son enclenchement. Pour les projets de loi, l’usage de cet article ne peut se faire qu’une fois par session. « C’est justement une manière de limiter les passages en force », note Annabelle Pena. Toutefois, pour les textes budgétaires, dont le PLFSS et son cousin le projet de loi finance (PLF), cette limitation saute et le gouvernement peut se servir du 49.3 autant de fois qu’il le souhaite.

Introduire un amendement sur la réforme des retraites au PLFSS pourrait ainsi permettre à la majorité de se réserver ensuite la possibilité d’un autre recours au 49.3, plus tard dans la session parlementaire, pour un autre texte qu’elle ne parviendrait pas à faire passer. Dans le cas contraire, si un projet de loi est déposé et adopté via l’article 49.3, le gouvernement aurait « grillé son joker » et ne pourrait plus se servir de cet outil par la suite. « Est-ce qu’on va sacrifier le seul 49.3 de la session, au risque d’être bloqué jusqu’à la fin juin ? » s’interroge un sénateur.

Samedi 17 septembre, François Bayrou, le président du MoDem et pilier de la majorité, s’est quant à lui opposé à « un passage en force » et à une adoption de la réforme sans concertation, qui serait « le contraire de l’esprit du CNR [Conseil national de la refondation]«  qu’il préside. Le gouvernement va donc devoir régler rapidement ces divisions au sein de la majorité s’il veut déposer un amendement au PLFSS, puisque le texte doit être présenté en Conseil des ministres le 26 septembre, et débattu à l’Assemblée nationale à partir du 20 octobre.


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