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Départs de réservistes russes : « Personne ne veut mourir pour le Donbass », selon une ancienne ambassadrice de France en Russie

« Il y a cette panique parce que personne ne veut mourir pour le Donbass« , a affirmé jeudi 22 septembre, sur franceinfo, Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice de France en Russie jusqu’en 2019 et membre du conseil d’administration de l’Institut Jacques Delors, alors que de nombreux Russes quittent leur pays pour échapper à une éventuelle mobilisation sur le front ukrainien. Selon Sylvie Bermann, « il faut accueillir » les Russes au sein de l’Union européenne parce qu’il « faut une forme de pluralité en Russie. » « S’ils retournent un jour dans leur pays, ils auront été confrontés à d’autres types d’opinions« , ajoute-t-elle.

franceinfo : Est-ce que ces départs de Russes, même si on a du mal encore à les quantifier, vous étonnent ?

Sylvie Bermann : Non, ce n’est pas très étonnant. Jusque-là, la guerre ne se faisait pas sentir dans les grandes villes comme Moscou, Saint-Pétersbourg. C’est la raison pour laquelle Vladimir Poutine n’avait pas décidé avant la mobilisation. Il l’a décidé à cause des revers militaires et parce qu’il était critiqué en interne par l’aile droite nationaliste et radicale, y compris par Kadyrov, qui est à la tête de la Tchétchénie. Il lui reprochait de ne pas être efficace. Le choix qui est fait, c’est une mobilisation partielle, qui va toucher 300 000 personnes, mais beaucoup d’autres aussi qui ne savent pas s’ils seront enrôlés ou pas. Donc, il y a cette panique parce que personne ne veut mourir pour le Donbass.

Est-ce que cela peut poser un problème à plus ou moins long terme à Vladimir Poutine sur le plan intérieur ?

Vladimir Poutine déteste les mouvements de rue. Il y en a eu en 2012, un petit peu au début de la guerre. Mais les sanctions sont très strictes puisque les manifestations sont interdites, le terme de guerre également. Donc, c’est assez dissuasif. Ils n’avaient plus manifesté depuis le début de la guerre. Il y avait eu beaucoup d’arrestations. Là, il y a eu encore près de 1 400 arrestations. Les manifestations ont concerné 38 villes. Mais la vérité, c’est que cela reste malgré tout assez minoritaire. Aujourd’hui, Poutine se trouve confronté aussi bien à l’aile nationaliste qu’à celle des intellectuels ou des classes urbaines qui n’ont pas envie d’aller mourir dans le Donbass.

Faut-il, selon vous, accorder des visas aux Russes qui fuient leur pays ? L’Allemagne, d’un côté, s’est dite prête à les recevoir. La République tchèque mais aussi la Pologne, eux, y sont opposés.

Ce sont des pays dans lesquels il y a toujours une hostilité aux Russes. Je pense qu’il faut les accueillir, bien évidemment. Il faut une forme de pluralité en Russie. Et ces Russes, s’ils retournent un jour dans leur pays, si la situation un jour s’améliore, auront été confrontés à d’autres types d’opinions, auront eu des dialogues avec les pays occidentaux. Parce que pour le moment, la Russie est en train de s’enfermer et de se couper par rapport à l’Occident. Je ne pense pas que notre rôle soit de l’enfermer encore davantage.


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