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CARTE. La sécheresse, preuve du début du dérèglement climatique en Alsace

La sécheresse a particulièrement frappé l’Alsace cet été, asséchant les cours d’eau comme les ressources en eau plus profonde, avec un impact majeur sur la biodiversité.

Si la fin de la saison estivale a sonné, vendredi 23 septembre, les conséquences d’un été particulièrement sec et chaud continuent de se faire sentir en Alsace. Certes, les précipitations ont largement fait leur retour début septembre, faisant par endroits regonfler les cours d’eau. Mais la sècheresse demeure, avec une vaste partie de l’ancienne région toujours en alerte renforcée et soumise à des restrictions gouvernementales d’usage de l’eau, quand en septembre de l’année 2021, le Grand Est était épargné par la sécheresse.

Cet été, face à l’absence de pluie, de nombreux cours d’eau ont été asséchés. À Muttersholtz (Bas-Rhin) la rivière qui passe dans le village a été complètement vidée, à tel point que de gros poissons se sont échoués sur les berges. 

« Cet été, la nappe phréatique a baissé d’un mètre sur certains points de mesure, c’est colossal. Ça entraîne un assèchement des zones humides, une perte énorme de biodiversité, et quand les rivières sont vides, elles ne se reconstituent pas simplement en hiver, il leur faut des années sans être à sec pour ça », s’alarme Serge Dumont, hydroécologue et enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg. « Les Strasbourgeois ne se sont pas rendus compte de cette période de sécheresse, parce que l’Ill qui y passe est soutenue par le Rhin, mais sans cela, le fleuve aurait été quasiment à sec et ça aurait marqué les esprits », assure-t-il. 

L’observatoire de la nappe d’Alsace (APRONA) l’assure : l’été 2022 a été le plus sec depuis 1976, avec des niveaux de ressources souterraines historiquement bas, notamment dans le Grand Ried, entre Strasbourg et Sélestat, avec des records battus à Rossfeld, Lipsheim, mais aussi au Sessenheim, près d’Haguenau, ou encore à Holtzwihr et Hettenschlag, près de Colmar, ou à Habsheim, près de Mulhouse, selon le dernier rapport hydrologique.

À Guémar, petite commune du nord du Haut-Rhin, cette baisse n’avait jamais été aussi importante depuis le début des années 1950, ajoute l’APRONA. Aujourd’hui encore, certaines zones, comme les Vosges ou le Sundgau, n’ont pas rétabli leur niveau souterrain. Et ce n’est pas parce qu’on ne la voit pas que cette réserve n’est pas essentielle : elle alimente 80% des besoins en eau potable des Alsaciens.

En réalité, depuis la sécheresse de 2015, les nappes phréatiques en Alsace sont globalement en baisse en saison estivale, mis à part en 2016 et 2021, des étés particulièrement humides, avec des quantités anormales de pluie. « C’est pour cela qu’il est plus judicieux de parler de dérèglement plutôt que de réchauffement climatique », explique Fabien Toulet, en charge du suivi du niveau de la nappe phréatique d’Alsace pour l’observatoire. 

Et pourtant, les conséquences concrètes de la sécheresse estivale (manque d’eau potable, fragilisation de la faune et de la flore…) pourraient probablement être évitées grâce à une adaptation adéquate de l’activité humaine au changement climatique, selon Serge Dumont. « Une étude du BRGM montre qu’à cette période, l’irrigation agricole, et notamment du maïs, représente 80% des usages en eau. S’adapter, c’est irriguer moins, et donc peut-être changer de pratiques, nourrir les bêtes différemment… »

Une polémique avait déjà éclaté cet été entre agriculteurs et défenseurs de l’environnement. Le 12 août dernier, alors que les niveaux d’eaux étaient au plus bas en Alsace, les fédérations des agriculteurs du Haut et du Bas-Rhin, apprenaient que la rotation des cultures de maïs et des jachères seraient maintenues en l’état en 2023, pour cause de guerre en Ukraine, contrairement aux objectifs écologiques de l’Union européenne.  


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