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Violences sexuelles et sexistes : pourquoi le travail de la cellule d’EELV sur l’affaire Bayou est critiqué

L’affaire Bayou n’en finit pas de mettre EELV dans l’embarras. Dernier épisode en date : une interview de l‘ancien secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts, qui estime dans Le Monde, mardi 4 octobre, que sa collègue Sandrine Rousseau « est allée trop loin ». Julien Bayou a démissionné de ses fonctions d’encadrement du parti depuis que la députée écologiste a dévoilé dans les médias qu’il faisait l’objet d’accusations de violence psychologique de la part d’une ex-compagne. La cellule violences sexuelles et sexistes (VSS) du parti avait été saisie par cette ancienne petite amie début juillet. Depuis, cette commission interne est sous le feu des critiques. Franceinfo vous explique pourquoi. 

Parce la confidentialité de l’enquête interne n’a pas été respectée

EELV a été le premier parti à mettre en place ce type de cellule interne, à la suite de l’affaire BaupinPlusieurs responsables et élues du parti avaient accusé le député, en 2016, de gestes déplacés assimilables à du harcèlement ou des agressions sexuels. Depuis, cette cellule d’enquête et de sanction sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes est « chargée de mener des enquêtes, soit en cas de plainte, soit lors d’un signalement interne ». Elle peut également s’auto-saisir.

C’est ce qui s’est produit dans l’affaire Bayou. L’instance s’est auto-saisie après avoir reçu un mail de l’ex-compagne de l’écologiste, dont il s’est séparé en novembre 2021. L’information a rapidement fuité puisque l’intéressé a confirmé cette saisine dans un article du Figaro début juillet, arguant d’une « rupture douloureuse et difficile ». Les membres de la cellule doivent pourtant s’astreindre « à une stricte confidentialité sur les cas traités », comme cela est écrit dans le protocole.

Sandrine Rousseau était elle aussi au courant puisqu’elle s’en est ouvert sur le plateau de « C à vous » sur France 5, le 19 septembre. Alors que plusieurs collectifs féministes s’étonnaient qu’aucune décision publique n’ait été rendue par EELV concernant Julien Bayou, l’élue a révélé s’être entretenue à son domicile avec l’ex-compagne, affirmant que cette dernière avait « fait une tentative de suicide quelques semaines après » cette entrevue.

Le travail engagé par la cellule n’était pourtant pas terminé et celle-ci n’avait pas, à ce stade, « estimé qu’il y avait lieu de suspendre de manière conservatoire Julien Bayou ». Ce dernier rappelle dans Le Monde avoir demandé à quatre reprises à être entendu par la cellule. Son ex-compagne, qui n’a pas non plus été auditionnée, a officiellement demandé à l’être, lundi. Elle se dit « contrainte et forcée par le tempo médiatique qu’on lui a imposé dernièrement au mépris de sa santé mentale ».

Ce type de fuite ne serait pas une première. Franceinfo a pu recueillir le témoignage d’une victime qui dénonce également des failles. D’après elle, un des membres de la cellule a contacté son agresseur présumé alors que le signalement est censé rester secret.

Parce qu’une membre d’un collectif féministe enquêtant sur Julien Bayou fait aussi partie de la cellule 

Libération a révélé que Julien Bayou faisait par ailleurs l’objet, depuis trois ans, d’une « mise sous surveillance » par un groupe de militantes féministes, qui signe ses mails « Les louves alpha ». Elles lui reprochent sa conduite de « coureur » et enquêtent sur ses relations avec les femmes ou interrogent ses anciennes compagnes. L’une d’entre elles, interrogée par le journal, estime pourtant qu’« il ne s’agit que d’histoires banales entre adultes consentants »

Toujours selon le quotidien, l’une des femmes membres de la cellule VSS, qui instruit actuellement le cas de Julien Bayou au sein du parti, fait également partie de ce groupe informel ayant ciblé la vie privée du député de Paris. 

Dans Le Monde, Julien Bayou assure avoir « hésité à déposer une main courante » en 2019. « J’ai dû demander à une femme militante de cesser d’enquêter sur moi et surtout de colporter rumeurs et accusations sans preuves », précise-t-il. Au lendemain de la parution de l’article de Libération, des responsables d’EELV ont assuré que toutes les personnes de la cellule qui avaient un lien avec Julien Bayou s’étaient « déportées du dossier ». 

Parce qu’elle est soupçonnée d’être instrumentalisée à des fins politiques

Si Sandrine Rousseau a assuré sur France 3 n’avoir « aucun problème à ce qu’il [Julien Bayou] soit assis sur les bancs de l’Assemblée » pour la rentrée parlementaire et qu’elle ne l’a « jamais appelé à démissionner », certains voient dans sa démarche un coup politique, avant le congrès du parti en décembre au cours duquel Julien Bayou devait laisser la place à la tête du parti. Ce dernier, qui s’est d’abord mis en retrait avant de démissionner de ses fonctions de secrétaire national, dénonce dans Le Monde, « une instrumentalisation en vue d’un règlement de comptes ».

Selon Libération, la cellule et la commission féminisme d’EELV comptent des militants qui se sont rapprochés de Sandrine Rousseau depuis son retour dans le parti en 2020 et qui ont fait campagne à ses côtés pour les élections législatives. Un courant qui a pris de l’ampleur chez les écologistes. « Quand je critique le fonctionnement de la cellule, qui n’offre pas l’opportunité de se défendre aux présumés coupables, on me dit ‘fais attention, ça peut se retourner contre toi’, confie une élue EELV au journal. Vous imaginez à quel point elles ont gagné le combat culturel pour en arriver au fait de ne pas pouvoir dire qu’on est en désaccord ? »

La direction d’EELV a toutefois réaffirmé son soutien à cette cellule« qui fait un travail difficile et a pu traiter, et traite encore actuellement, tous les cas qui lui sont signalés. Sans son existence, plusieurs personnes n’auraient pas eu d’autres solutions ». 


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