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« C’est la première fois que j’éprouve quoi que ce soit en apprenant le nom d’un Nobel de littérature », réagit Virginie Despentes après le sacre d’Annie Ernaux

« C’est la première fois que j’éprouve quoi que ce soit en apprenant le nom d’un Nobel de littérature« , a réagi jeudi 6 octobre sur franceinfo l’écrivaine Virginie Despentes. Le prix Nobel de littérature a couronné ce jeudi la Française Annie Ernaux et le « courage » de son œuvre autobiographique qui en a fait une figure féministe. L’écrivaine de 82 ans est récompensée pour « l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle« , a expliqué le jury Nobel.

franceinfo : Que ressentez-vous après l’attribution du Nobel de littérature à Annie Ernaux ?

Viginie Despentes : C’est la première fois que j’éprouve quoi que ce soit en apprenant le nom d’un Nobel de littérature. Elle représente quelque chose d’important depuis longtemps dans le paysage français. Je l’ai lue depuis que je suis petite et c’est une présence très importante. C’est une surprise qu’elle reçoit le prix Nobel. C’est vraiment une joie.

Que vous a-t-elle apporté en tant que lectrice ?

Elle nous a apporté beaucoup de choses. C’était une voix singulière. Entendre d’où est-ce qu’elle écrivait, à propos de quoi elle écrivait, son travail sur l’autobiographie, sa quête de sincérité. Cela a été une présence très importante quand je suis devenue romancière, avec ses prises de positions. Elle est très attentive à répondre aux gens qui lui envoient leur livre, elle est très généreuse, et c’est une lectrice qui soutient vraiment les romanciers et les romancières. C’est une présence bienveillante et intelligente, et il n’y en a pas tant que ça. Elle a un talent incroyable.

À son époque, la critique était très dure avec elle. L’avez-vous ressenti ?

On ne s’en rendait pas tellement compte. Mais on se rendait compte qu’elle publiait avec un vrai intérêt pour les lecteurs, mais une relative indifférence, pendant longtemps, des critiques et des prix. Elle a eu le Renaudot. Elle existait, mais un peu à part. Elle n’était pas célébrée. Elle est le prototype de l’auteure qu’on aime mépriser en France parce que c’est une écriture très humble, c’est une personnalité de gauche et elle a toujours écrit depuis son point de vue de femme et de classe moyenne. Il y a une honte de son milieu social, mais elle ne l’a jamais renié. Elle n’a jamais prétendu devenir autre chose que ce qu’elle était au départ. Cela a quelque chose de presque rassurant, c’est un repère, Annie Ernaux.

Est-ce qu’elle vous a aidé à écrire ?

Indirectement, très certainement. Le fait qu’elle ait toujours existé et que je l’ai toujours lue, et reconnaître la singularité de son travail, ça m’a probablement influencée, soutenue et inspirée. C’est beaucoup une recherche de la sincérité. On sent chez elle l’exigence d’être au plus proche de ce qu’elle sait de son expérience et non pas d’être au plus proche de ce qui fera bon effet ou une petite phrase. C’est assez extraordinaire dans tout son travail.


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