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VRAI OU FAKE. Plan de sobriété : le télétravail permet-il vraiment de faire des économies d’énergie ?

Faudra-t-il travailler chez soi pour éviter une panne de courant généralisée en France ? Le gouvernement a en tout cas décidé de promouvoir la mesure auprès des fonctionnaires. Lors de la présentation du plan de sobriété, jeudi 6 octobre, Stanislas Guerini, le ministre de la Fonction publique, a déclaré vouloir « encourager le télétravail » pour diminuer la consommation énergétique de l’Etat.

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S’ils télétravaillent, les fonctionnaires percevront une indemnité revalorisée de 15%, promet le ministre. Mais cette mesure est-elle vraiment efficace pour économiser de l’énergie en hiver, comme l’espère le gouvernement ? Franceinfo a recueilli l’opinion de plusieurs experts.

Des trajets en moins

Le bénéfice écologique le plus visible du télétravail est son impact sur les transports. Avec le travail à domicile, il est possible de réduire de manière conséquente « les déplacements domicile-travail, qui représentent la plus grande partie des déplacements en France », explique Andreas Rüdinger, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).

Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), « la généralisation du télétravail permettrait l’évitement quotidien de 3,3 millions de déplacements, soit 42 millions de km ». Ce qui représente, estime Andreas Rüdinger, « une réduction de 70% des distances de déplacements quotidiennes pour les personnes concernées », un jour de semaine de travail.

Du chauffage en plus

L’effet direct du télétravail sur les autres postes de consommation d’énergie comme le chauffage, l’éclairage ou l’informatique est moins évident, alors que cette mesure a été dictée par la crainte de pénuries de gaz et d’électricité cet hiver. Pour les entreprises, le télétravail ne peut être générateur d’économies que « si une organisation structurelle est mise en place », prévient Andreas Rüdinger.

« Si on fait du télétravail de manière désordonnée, avec une partie des employés qui vient au travail et une autre qui reste chez elle, les bureaux continueront d’être chauffés et éclairés. »

Andreas Rüdinger, chercheur

à franceinfo

Le gain sera d’autant plus incertain qu’en parallèle « des collaborateurs qui n’étaient normalement présents en journée à domicile consommeront aussi de l’énergie chez eux »Si par contre une entreprise met en œuvre, en parallèle du télétravail, des mesures comme le « flex office », un mode d’organisation des espaces de travail où les bureaux ne sont plus nommément attribués, alors les surfaces de bureau peuvent être diminuées « d’un tiers » tout comme « les dépenses de chauffage », calcule le spécialiste en énergie.

Un regroupement des jours télétravaillés, sur « quatre jours consécutifs » permet également de diminuer la consommation d’énergie, ajoute Nathalie Lazaric, directrice de recherche au CNRS à l’université Côte d’Azur, en permettant par exemple la fermeture complète des bureaux. Mais l’effet de cette économie, prévient-elle, risque de ne bénéficier qu’aux seules entreprises et pas à leurs employés. Le télétravail engendre en effet un « phénomène de report du coût des consommations d’énergie sur les ménages, qui paient la facture »

« Les équipements informatiques sont les mêmes au bureau et à la maison, la dépense en chauffage va être à peu près la même puisqu’au lieu de chauffer le bureau, on chauffe le logement », confirme Stéphane Chatelin, directeur de l’association Négawatt. « Des mesures de compensations existent, mais elles ne sont pas forcément à la hauteur de ce que les télétravailleurs vont dépenser », déplore Nathalie Lazaric. « Globalement », juge de son côté Stéphane Chatelin, « avec les économies d’essence » qu’il permet, « le télétravail va dans plutôt dans le bon sens pour les salariés ».

Un gain qui reste à prouver

A ce report des dépenses énergétiques entre le lieu de travail et de domicile, peut s’ajouter des « effets rebond », explique Andreas Rüdinger, c’est-à-dire de nouvelles habitudes de consommation liées à la mise en place du télétravail. « L’instauration de jours télétravaillés peut par exemple inciter les employés à faire d’autres déplacements de loisirs en soirée. De même, l’existence d’autres déplacements contraints (faire les courses, amener les enfants à l’école, etc.), normalement réalisés en lien avec le déplacement domicile-travail, peut également annuler une partie des économies d’énergie. » 

« Je suis très gênée qu’on parle du télétravail comme une mesure miracle pour réduire la consommation d’énergie. »

Nathalie Lazaric, chercheuse

à franceinfo

L’impact des « effets rebonds n’a pas été encore mesuré » par la recherche, souligne la chercheuse du CRNS. Et à l’heure actuelle, « on ne sait pas » encore si le télétravail a un effet bénéfique sur les consommations d’énergie de la société dans son ensemble, affirme-t-elle.

Une prudence partagée par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique. Sur RTL la ministre a en effet annoncé le 6 octobre « lancer une expérimentation (…) en fermant quatre bâtiments » de son ministère « le week-end de la Toussaint », « pour voir si concrètement des économies d’énergie sont faites et surtout recueillir le ressenti des salariés sur leurs consommations ». Un essai avant une éventuelle extension de la mesure au privé.


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