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Climat : face à la menace d’un réchauffement de 2,8°C, l’ONU assure que la « transformation rapide des sociétés » est la « seule option possible »

Chaque année, l’ONU adopte un ton un peu plus alarmiste sur le climat. Faute de progrès significatifs pour baisser les émissions de gaz à effet de serre, une « transformation urgente de l’ensemble du système » constitue désormais « la seule option possible », explique le Programme des Nations unies pour l’environnement dans un rapport (en anglais) publié ce jeudi 27 octobre.

Ce point sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction d’émissions analyse les objectifs des Etats et ce qu’il faudrait faire pour préserver une planète habitable. « La fenêtre d’opportunité se referme », affirment désormais les experts. Les activités humaines sont déjà responsables du réchauffement global de la planète de 1,1 degré par rapport à l’ère pré-industrielle, rappelait en mai l’Organisation météorologique mondiale (contenu en anglais).

Les contributions déterminées par chaque Etat ont désormais « 66% de chances de limiter le réchauffement de la planète à environ 2,6°C au cours de ce siècle ». Pire, souligne l’ONU, « les politiques actuelles conduiraient à elles seules à une augmentation de 2,8°C ». Et l’organisation de pointer du doigt « l’écart entre les promesses et les actions ».

A moins de deux semaines de l’ouverture de la COP27 en Egypte, l’ONU insiste : il faut réduire de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Le monde n’est pas du tout sur la bonne trajectoire. Franceinfo vous explique ce qu’il faut retenir de ce nouveau rapport.

Les Etats ne sont pas à la hauteur 

« Les progrès réalisés depuis la COP26 [en 2021] à Glasgow ont été terriblement insuffisants », regrettent les experts onusiens. A la suite de l’Accord de Paris (adopté en 2015), les Etats doivent déclarer eux-mêmes les objectifs de réductions d’émissions qu’ils se fixent. Aujourd’hui, 166 pays ont soumis leurs engagements (contre 152 à la COP26). Cependant, même s’ils étaient respectés, ils mèneraient la planète vers un réchauffement d’au moins 2,4 degrés, soit bien plus que la limite de 2 degrés fixée à Paris… qui encourageait même à ne pas dépasser 1,5 degré. 

D’autre part, le chemin pris par les pays aujourd’hui n’est pas en phase avec leurs ambitions. « Les politiques actuellement en place, sans renforcement supplémentaire, suggèrent une hausse de 2,8 degrés », déplorent les Nations uniesLe rapport pointe en particulier le rôle des pays du G20 (dont la France), qui ne devraient pas « être en mesure de tenir [leurs] promesses pour 2030 sans une action renforcée »

Un scénario de neutralité carbone « pas crédible »

De très nombreux Etats se sont engagés à atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire à ne pas émettre plus de CO2 que ce que leur pays est capable d’absorber, par exemple grâce à des « puits » de carbone comme les forêts. Mais cet objectif, souvent à long terme, « n’est pas crédible », alerte l’ONU, au vu des « objectifs à court terme » des Etats.

C’est sur ces derniers qu’il faut concentrer les efforts d’ici à 2030. « Le monde doit réduire les gaz à effet de serre à des niveaux sans précédent au cours des huit prochaines années », enjoint l’ONU. Aujourd’hui, avec les engagements qu’ils ont pris, les Etats ne vont réduire que de 5 à 10% les émissions de CO2 d’ici à 2030, par rapport aux politiques actuelles. Or, pour ne pas dépasser 2 degrés et 1,5 degré, « ces pourcentages doivent atteindre respectivement 30% et 45% », expliquent les expertsCe défi sans précédent qui nécessite « une transformation à grande échelle, rapide et systémique dans le monde entier ». 

« Chaque fraction de degré compte »

Même si cette transformation radicale ne se déroule pas assez vite, elle doit être enclenchée. « Chaque fraction de degré compte : pour les communautés vulnérables, pour les espèces et les écosystèmes, et pour chacun et chacune d’entre nous », explique Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement. Autrement dit, même si la limite de 2 degrés est dépassée, il faut à tout prix restreindre les émissions de gaz à effet de serre pour se prémunir contre les pires effets du réchauffement climatique. 

« Réduire de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 est un défi de taille, voire impossible selon certains, mais nous devons essayer. »

Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement

dans le rapport de l’ONU 2022

Des changements sont déjà à l’œuvre, fait remarquer l’organisation, mais ils doivent être accélérés. L’ONU se félicite notamment de l’approvisionnement en électricité, secteur « le plus avancé »« grâce à la réduction considérable des coûts de l’électricité renouvelable »

Investir de 4 000 à 6 000 milliards de dollars par an 

Pour être à la hauteur de ces enjeux, les investissements nécessaires sont considérables : de « 4 000 à 6 000 milliards de dollars par an » doivent être dépensés pour décarboner l’économie, estime l’ONU. L’effort implique « une transformation du système financier », avec une mobilisation des banques centrales, « une tarification du carbone », et de « nouveaux marchés pour les technologies à faible émission de carbone »

D’une manière générale, « tous les secteurs doivent éviter de s’enfermer dans de nouvelles infrastructures à forte intensité de combustibles fossiles » (pétrole, charbon et gaz), tout en planifiant une « transition juste ». Les meilleures technologies disponibles doivent notamment être déployées dans le secteur du bâtiment et nécessitent encore d’être développées pour l’industrie et le transport.

Cet « avenir à zéro émission nette » d’offrir de « nombreux autres avantages sociaux et environnementaux, comme un air pur, des emplois verts et un accès universel à l’énergie »

L’alimentation représente un tiers des émissions mondiales

L’ONU insiste également sur la transformation du secteur de l’alimentation, qui pourrait apporter « des réductions rapides et durables ». Des changements doivent aussi être envisagés au niveau individuel, « ce qui apportera également nombreux avantages pour la santé ».

Les systèmes alimentaires représentent en effet un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les experts recommandent de changer les régimes alimentaires, de verdir les exploitations agricoles et les chaînes d’approvisionnement, et de protéger les écosystèmes naturels. Ces mesures pourraient réduire d’un tiers les émissions de CO2. A l’inverse, si les pratiques actuelles se poursuivent, les émissions du secteur pourraient « presque doubler »


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