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Présidentielle au Brésil : « Il faut rester d’une extrême prudence » avec les sondages qui donnent Lula en tête

« Il faut rester d’une extrême prudence » avec les sondages, met en garde ce dimanche 30 octobre sur franceinfo Christophe Ventura, directeur de recherches à l’IRIS, spécialiste du Brésil et auteur de « Géopolitique de l’Amérique Latine« . Quelque 156 millions de Brésiliens sont appelés aux urnes pour le second tour de la présidentielle, opposant l’ex-président de gauche Lula à l’actuel président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Lula, le candidat du Parti des travailleurs, est arrivé en tête lors du premier tour de l’élection, avec 48% des voix, contre 43% pour son rival. Les sondages avaient sous-estimé le score de Jair Bolsonaro. Les derniers sondages donnent Lula gagnant avec quelques points d’avance. Si ce scénario se confirme, « les franges les plus radicalisées du ‘bolsonarisme’ pourraient tout à fait prendre la rue prévient Christophe Ventura parce qu’on est vraiment dans un pays chauffé à blanc« .

franceinfo : Les derniers sondages donnent Lula gagnant face à Jair Bolsonaro, avec quelques points d’avance. Est-ce qu’il y a encore une part d’incertitude ?

Christophe Ventura : Oui, je crois qu’il faut rester d’une extrême prudence. L’hypothèse d’un score qui ne correspond aux sondages est une possibilité qu’il faut avoir en tête. Les sondages s’étaient trompés au premier tour sur le score de Bolsonaro. Les échantillonnages de populations qui ont servi à faire les sondages du deuxième tour sont les mêmes qu’au premier tour. Donc oui, restons prudents.

La campagne présidentielle a été très tendue. Plus d’attaques personnelles qu’un débat d’idées entre les candidats. Les Brésiliens n’ont eu droit qu’à cela pendant le mois de campagne d’entre-deux-tours ?

Ils ont eu droit à ça dans la restitution médiatique de la campagne. Les réseaux sociaux sont assez propices à ce type de de communication. Mais les Brésiliens ont eu droit aussi à une campagne électorale de terrain. Il y a eu énormément de meetings, de rassemblements, etc. Dans les secteurs militants, on va dire : ‘Il y a eu une vraie campagne.’ Mais c’est vrai qu’elle a été marquée par des invectives, des coups bas. Ce qui montre surtout derrière tout ça le climat de tension et de haine qui existe entre ces deux hommes et ce qu’ils représentent. C’est très clair.

Les pro-Bolsonaro mettent en doute le système de vote électronique. Cela peut faire crainte des perturbations après l’annonce des résultats de l’élection lundi matin ?

Oui et à la liste que vous proposez s’ajoute aussi la violence politique puisque des militants ont été malheureusement assassinés pendant cette campagne. Un conseiller municipal du Parti des travailleurs de Lula a été tué il y a quelques jours. Et plus on va aller vers un scénario où les résultats seraient très étroits entre les deux candidats – avec Bolsonaro deuxième – plus on va aller vers un scénario de possible contestation des résultats par ce dernier. Cela ouvrirait une situation qu’on ne peut pas anticiper mais dans laquelle les franges les plus radicalisées du « bolsonarisme » pourraient tout à fait prendre la rue, faire des actions coup de poing qui pourraient démultiplier les actes de violence politique. C’est une possibilité. On est vraiment dans un pays chauffé à blanc.

Quelles sont les grandes lignes de clivage dans le pays qui détermine le vote Lula ou Bolsonaro ?

Elles sont de plusieurs ordres. D’abord, il y a une conception de l’action politique et de l’action gouvernementale qui n’est pas la même. Du côté de Lula, on a la volonté de rétablir en quelque sorte l’équilibre des pouvoirs, le respect des institutions. Chez Bolsonaro, on a une polarisation, on a un pouvoir exécutif qui est très protagoniste autour de sa personne et qui va vers une dérive autoritaire. Sur le plan économique, on a un clivage traditionnel entre disons, le néolibéralisme du côté de Bolsonaro et plutôt une action sociale-démocrate du côté de Lula. Ensuite, on a une conception du Brésil dans le monde qui est très différente. Lula considère que le Brésil doit jouer un rôle important dans l’ensemble des grands débats internationaux, que le pays doit peser dans le multilatéralisme international et s’engager partout. Alors que Bolsonaro a une conception plutôt isolationniste de retrait du Brésil, du multilatéralisme et des affaires internationales.


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