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Guerre en Ukraine : le groupe paramilitaire Wagner s’apprête à ouvrir des bureaux à Saint-Pétersbourg

Peut-on faire la guerre en cravate ? Une partie de la réponse se trouve au futur « Centre SMP Wagner », un ensemble de bureaux situé sur l’avenue Dal’nevostochnyy de Saint-Pétersbourg (Russie). Le groupe paramilitaire russe va inaugurer le 4 novembre prochain des locaux flambant neufs destinés à des entreprises. Le futur complexe doit notamment « héberger des inventeurs, des designers et des informaticiens », a précisé le fondateur Evguéni Prigojine, lundi 31 octobre, sur le réseau social russe VKontakte.

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L’entrée du bâtiment arbore déjà le nom de cette milice présente sur plusieurs continents, et largement déployée dans le Donbass face aux forces ukrainiennes. « Evguéni Prigojine et son groupe gagnent en notoriété, et sont en train de monter dans la hiérarchie des élites politico-économiques russes », explique le chercheur Maxime Audinet, spécialiste des stratégies d’influence russes. « La ‘SMP [société militaire privée] Wagner’ semble devenir une marque, un objet marketing destiné à recruter de nouvelles recrues », alors que l’existence du groupe privé était plutôt confidentielle il y a encore quelques mois.

L’objectif revendiqué est d’« augmenter les capacités de défense de la Russie », explique Evguéni Prigojine sur VK, avec de possibles « ouvertures de succursales », si l’aventure est concluante. « Il faudra surveiller si ces ‘capacités’ seront également informationnelles », commente Maxime Audinet. Le fondateur de Wagner, en effet, est visé par des sanctions en Europe et aux Etats-Unis pour avoir financé l’Internet Research Agency (IRA), entre autres. Cette structure est connue pour ses « usines à trolls », visant à alimenter la désinformation dans les sociétés occidentales.

Le bâtiment avait été acheté en 2019 par un groupe nommée « Sea Capital », rapporte la presse russe, associée à la société Concord, une entreprise de restauration qui appartient à Evguéni Prigojine. Et à ce stade, personne ne travaille encore dans cette imposante structure. Un journaliste du média Fontanka a pu parcourir les allées du bâtiment, dimanche, lequel est toujours en travaux et désespérément vide, à l’exception de quelques ouvriers.

Des ouvriers collent des autocollants du groupe Wagner sur un immeuble de bureaux, le 31 octobre 2022, qui sera bientôt inauguré à Saint-Pétersbourg (Russie). (OLGA MALTSEVA / AFP)

Des ouvriers collent des autocollants du groupe Wagner sur un immeuble de bureaux, le 31 octobre 2022, qui sera bientôt inauguré à Saint-Pétersbourg (Russie). (OLGA MALTSEVA / AFP)

Les locaux n’ont pas vocation à devenir un centre de recrutement, mais ils pourraient accueillir un « centre culturel pour les citoyens patriotes », selon un représentant des lieux, interrogé par le média russe. Par ailleurs, Evguéni Prigojine n’a pas précisé si le bâtiment accueillera uniquement des travailleurs recrutés par le groupe ou si d’autres entreprises pourront aussi s’y installer.

Le groupe Wagner est officiellement une compagnie de sécurité. Mais son profil est hybride, « avec des acteurs enchevêtrés avec les autorités russes », explique Maxime Audinet. Ce qui lui vaut à la fois d’être qualifié d’acteur semi-privé ou semi-étatique. « Ce centre économique incarne bien la double dimension de cet entrepreunariat d’influence », analyse Maxime Audinet.

« Evguéni Prigojine investit un capital financier afin de servir les intérêts officiels dans les ‘zones grises’, là où l’Etat russe ne veut pas aller. »

Maxime Audinet, spécialiste des stratégies d’influence russes

à franceinfo

Et le chercheur de poursuivre : « Il fait fructifier ses actifs, et se trouve aujourd’hui dans une logique d’expansion. »

Ce n’est que très récemment, à la fin du mois de septembre, qu’Evguéni Prigojine a reconnu avoir fondé le groupe paramilitaire Wagner, notamment présent en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine. Depuis sa sortie du bois officielle, le milliardaire a critiqué à plusieurs reprises le commandant militaire russe aux côtés du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov. Le colonel-général Alexandre Lapine a notamment fait les frais de ses sorties glaçantes.

Par ailleurs, alors même que ce nouveau temple Wagner va ouvrir ses portes, Evguéni Prigojine en a profité pour écrire au bureau du procureur général pour accuser, sur trente pages, le gouverneur de Saint-Pétersbourg, Aleksandr Beglov, de « détournement de fonds public » et de « corruption ». Une possible vengeance, après un partenariat originel en 2019 entre les deux hommes. Mais également une démonstration de force dans la ville natale de Vladimir Poutine.

Avec un goût certain pour la mise en scène, en effet, Evguéni Prigojine semble de plus en plus intéressé par un espace d’expression politique. « Je ne recherche pas la popularité », a-t-il toutefois éludé, toujours sur le réseau social VK (en russe). « Ma tâche est de remplir mon devoir envers la patrie, et aujourd’hui je n’envisage pas d’ouvrir de parti politique, et encore moins de me lancer en politique. »


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