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Midterms 2022 : pourquoi il n’y a-t-il pas finalement eu de « vague rouge » républicaine, pourtant annoncée par les sondages ?

Le tsunami rouge annoncé s’est transformé en vaguelette. Grands favoris des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, mardi 8 novembre, les républicains ne récoltent qu’une victoire en demi-teinte. Selon les résultats diffusés par l’agence Associated Press*, le parti pourrait n’emporter qu’une faible majorité de la Chambre des représentants et laisser la majorité au Sénat aux démocrates, à cause notamment de la victoire du démocrate John Fetterman en Pennsylvanie.

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La plupart des sondages des dernières semaines prévoyaient pourtant un basculement assez large des deux chambres dans l’escarcelle des conservateurs. Mais la défaite des démocrates à la Chambre des représentants devrait être moins importante que prévu, avec la perte d’une quinzaine de sièges. Bien loin des 64 sièges perdus en 2010 pendant la présidence Obama, où sous Donald Trump en 2018, avec 42 sièges passés dans le camp adverse. De quoi donner des espoirs à Joe Biden pour continuer à appliquer son programme, même s’il devra négocier avec certains élus républicains.

Que s’est-il passé ? Une partie de l’explication tient dans la personnalité de certains candidats investis par les conservateurs. Les plus extrêmes, comme le républicain Doug Mastriano, en lice pour le poste de gouverneur de la Pennsylvanie, ont été battus. « De nombreux candidats républicains importants qui s’étaient rangés derrière le mensonge de Trump sur la fraude électorale ont perdu », note The Guardian*. Selon un compteur du Washington Post*, plus de 150 « deniers » (de l’anglais « deny », qui signifie « nier » ou « démentir »), qui rejettent les résultats des élections présidentielles de 2020, ont toutefois été élus.

Ce résultat est aussi lié à la personnalité de Donald Trump, qui pourrait annoncer sa candidature à l’élection présidentielle de 2024 dans les prochains jours. « Ceux qui ont perdu étaient les plus extrêmes, clairement trumpistes », explique Jean-Eric Branaa, spécialiste des Etats-Unis. Si « Donald Trump est toujours la figure dominante du parti républicain », il est devenu « radioactif », estime Politico*. Le site spécialisé dans la vie politique note par exemple la défaite dans le New Hampshire de Don Bolduc, candidat au Sénat connu pour ses positions extrêmes, alors que Chris Sununu, qui avait qualifié Donald Trump de « fou », a largement été réélu gouverneur face à son adversaire démocrate dans ce même Etat. 

« Il y a clairement eu de la part des électeurs républicains un mouvement anti-Trump et contre le blocage des institutions », souligne Jean-Eric Branaa. La large de victoire du républicain Ron DeSantis avec plus de 20 points d’avance sur son adversaire au poste de gouverneur en Floride le conforte un peu plus dans son costume de principal opposant à Donald Trump dans la course à l’investiture pour la présidentielle de 2024. « Désormais, le plus important, c’est la bataille qui se joue en interne au sein du parti républicain », assure à franceinfo Célia Belin, docteure en sciences politiques de l’université Panthéon-Assas.

L’absence de vague rouge s’explique aussi par la bonne résistance des démocrates. « La plupart des sortants sont réélus, ce qui a aidé les démocrates », souligne Jean-Eric Branaa. « Les républicains voulaient transformer l’élection en référendum contre Joe Biden, elle s’est transformée en référendum contre Donald Trump et pour la démocratie. »

Le président américain peut par ailleurs remercier « la base démocrate qui est venue voter », note le New York Times*. « Comme en 2018, le taux de participation a explosé tous les records », selon des estimations citées par le journal, alors que généralement, les élections de mi-mandat attirent peu les foules.

La décision de la Cour suprême, en juin, de renverser l’arrêt historique qui garantissait le droit à l’avortement dans le pays, semble avoir remobilisé les troupes. « Je crois que [cette question] a transformé cette élection », affirme Anna Greenberg, sondeuse démocrate, au New York Times*. En revanche, l’inflation qui touche les Etats-Unis, arrivée en tête des préoccupations des électeurs selon un sondage réalisé par CNN*, a probablement « fait perdre quelques voix aux démocrates », explique Jean-Eric Branaa.

Plus largement, le faible écart entre les deux camps s’explique par une polarisation toujours plus importante. « Les démocrates ont voté pour des démocrates dans les Etats démocrates et les républicains pour des candidats républicains dans les Etats républicains », résume Vox*. En somme, les lignes politiques du pays n’ont pas bougé depuis les précédentes élections, en dehors de quelques rares Etats pivots.

Dans la plupart des 435 circonscriptions pour les sièges de la Chambre des représentants, le résultat ne présentait aucun suspense, explique le New York Times*. Une situation qui résulte aussi de redécoupages électoraux favorisant tel ou tel camp localement, souligne le journal.

Avec ces résultats en demi-teinte, républicains comme démocrates chercheront un signe de bon augure avant la présidentielle de 2024. A tort : « Il n’y a que trois fois, dans l’histoire américaine ou le parti au pouvoir a gagné les élections de mi-mandat et cela ne veut pas dire qu’il a gagné la présidentielle ensuite », note Jean-Eric Branaa. En 2012, Barack Obama avait remporté l’élection présidentielle haut la main, après avoir perdu sa majorité en 2010, tandis que le démocrate Jimmy Carter avait échoué en 1994 après un succès deux ans plus tôt.

*Les liens suivis d’un astérisque renvoient vers des articles en anglais.


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