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ENQUETE FRANCEINFO. Le député RN Grégoire de Fournas a-t-il recouru à l’embauche de travailleurs étrangers, qu’il prétend combattre ?

Le député RN Grégoire de Fournas, exclu 15 jours de l’Assemblée nationale après des propos racistes, manquerait-il de cohérence ? Il est aussi viticulteur dans le Médoc, et il a une position bien tranchée sur l’emploi des travailleurs étrangers dans les vignes. « Moi, je ne comprends pas qu’à partir du moment où on a 20% de chômage à Pauillac, les châteaux ne fassent pas d’effort pour embaucher de la main d’œuvre locale pour travailler dans les vignes […]. Moi, je suis viticulteur à Saint-Germain-d’Esteuil, avec des moyens bien moins importants que les grands crus de Pauillac, et pourtant je n’embauche que de la main d’œuvre locale« , déclarait-il à France Bleu en décembre 2019.

L’emploi de travailleurs détachés européens est une pratique légale, mais Grégoire de Fournas la présente donc comme contraire à ses valeurs.
Pourtant, il a bien employé des travailleurs étrangers, à au moins deux reprises. 
En 2019, il le révélait lui-même sur Facebook, estimant avoir été trompé par son prestataire. « Je fais appel à un prestataire français qui m’envoie… 4 Roumains ! C’est la dernière fois que cette entreprise met les pieds chez moi. Un courrier part dans la semaine à l’inspection du travail ! », explique Grégoire de Fournas, sur Facebook, le 18 juin 2019.

Une indignation qu’il a partagée en Conseil municipal de Pauillac, un an et demi plus tard, alors que le maire de la commune lui demandait d’expliquer pourquoi il avait fait appel à de la main-d’œuvre étrangère, et n’avait pas renvoyé l’équipe quand il s’en était aperçu. « Je me suis fait rouler dans la farine. Le jour J arrive une équipe de plantation qui parlait tous roumains ! Qui n’est restée qu’une journée pour planter l’hectare et demi de vigne. Très clairement, je ne veux pas des Roumains, des… des travailleurs détachés qui travaillent chez moi », explique-t-il le 29 janvier 2021. Il le promet : cela n’arrivera plus jamais.

Des promesses qui ont fait long feu. Deux journalistes allemandes travaillaient sur le vote RN dans la région des grands vins, dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Pensant avoir rendez-vous au domaine de Grégoire de Fournas, alors candidat aux élections législatives, elles s’y rendent, mais ne l’y trouvent pas. « Deux chiens aboient partout. Si vous les suivez, vous atteindrez un camping derrière un entrepôt. A l’abri des regards indiscrets, des travailleurs saisonniers du Portugal campent ici », racontent-elles dans leur article (lien en allemand).  

France Info révèle la photo inédite de ce camp discret, caché à l’ombre d’un entrepôt du domaine de la famille de Fournas. Trois travailleurs portugais dormaient dans ces deux tentes plantées au milieu d’un espace sans aucun aménagement.

Trois travailleurs portugais dormaient dans ces deux tentes plantées au milieu d’un espace sans aucun aménagement. (Document France Info - Laila Sieber)

Trois travailleurs portugais dormaient dans ces deux tentes plantées au milieu d’un espace sans aucun aménagement. (Document France Info - Laila Sieber)

Le viticulteur du Rassemblement national est pris la main dans le sac, et a bien du mal à se justifier. « Fournas est visiblement mal à l’aise d’utiliser lui aussi de la main-d’œuvre bon marché dans le château familial », écrivent les deux journalistes. « C’est une exception », tâtonne-t-il. « Il n’y avait tout simplement pas de travailleurs français disponibles », se justifie-t-il. Contacté par franceinfo, Grégoire de Fournas assure que c’est son père qui avait choisi le prestataire et que lui n’était pas responsable. Il prétend aussi n’occuper aucune fonction de gestion dans ce château, et n’avoir jamais utilisé son exploitation comme argument politique, bien que ses déclarations publiques indiquent le contraire. Le château de Grégoire de Fournas a donc bien employé des travailleurs étrangers dans ses vignes à au moins deux reprises, alors qu’il s’insurge contre cette pratique en public.


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