A la Une

Ce qu’il faut retenir de la saison des prix littéraires de l’automne 2022

Point d’orgue de la rentrée littéraire d’automne, les prix sont décernés entre le 27 octobre et le 2 décembre. La plupart ont donc déjà été décernés. La saison s’achèvera avec le prix Goncourt des lycéens, dévoilé le 24 novembre à Rennes, et le Femina des lycéens, le 2 décembre à Caen.

Qui sont les lauréats, quelles sont les maisons d’édition les plus récompensées, hommes, femmes, primo-romanciers, bisbilles en  coulisses… Franceinfo Culture vous dit tout sur les Prix littéraires de la rentrée 2022.   

Les lauréats et les lauréates

– L’écrivain italo-suisse Giuliano da Empoli a reçu le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Le Mage du Kremlin (Gallimard), un récit qui plonge au cœur du pouvoir russe à travers le monologue d’une éminence grise de Poutine.

– La romancière Lola Lafon a remporté le 27 octobre le Prix Décembre pour Quand tu écouteras cette chanson (Stock), un livre sur Anne Frank, qui fait écho à des drames intimes. La romancière a reçu également avec ce livre le Prix littéraire des Inrockuptibles le 25 octobre.   

– Brigitte Giraud a reçu le 3 novembre le Prix Goncourt pour son livre Vivre vite (Flammarion), dans lequel elle remonte le fil de tous les événements qui ont conduit à la mort de son compagnon dans un accident de moto, il y a vingt ans.

Brigitte Giraud tient son roman "Vivre Vite" (Flammarion) à la fenêtre du restaurant Drouant après avoir reçu le prestigieux prix Goncourt, à Paris, le 3 novembre 2022. (YOAN VALAT / EPA / MAXPPP)

Brigitte Giraud tient son roman "Vivre Vite" (Flammarion) à la fenêtre du restaurant Drouant après avoir reçu le prestigieux prix Goncourt, à Paris, le 3 novembre 2022. (YOAN VALAT / EPA / MAXPPP)

– Le Prix Renaudot a été attribué le même jour à Simon Liberati pour Performance (Grasset), un roman qui raconte la vie d’un écrivain septuagénaire renouant avec le feu sacré en écrivant un scénario sur les Rolling Stones, et en vivant une relation avec une femme de près de 50 ans plus jeune que lui.

– Le Prix Femina a été décerné le 7 novembre à Claudie Hunzinger pour son roman Un chien à ma table (Grasset), un roman sur l’état d’un monde en déclin. La romancière de 82 ans y dresse le portrait d’un couple vieillissant bousculé par l’arrivée inopinée d’une jeune chienne dans leur vie. Ce roman était parmi les plus cités dans les sélections des prix de la rentrée. 

Portrait de la romancière et plasticienne Claudie Hunzinger, 22 juin 2022 (Marc Guenard et Anne-Sophie Tschiegg)

Portrait de la romancière et plasticienne Claudie Hunzinger, 22 juin 2022 (Marc Guenard et Anne-Sophie Tschiegg)

Le Prix Medicis a été remis le 8 novembre à Emmanuelle Bayamack-Tam pour son roman La Treizième Heure (éditions POL). La romancière a également été récompensée par le Prix Landerneau du roman, le 22 octobre 2022. La lauréate, professeure de français de 56 ans, écrit du point de vue d’une adolescente, Farah, et de sa famille, investie dans une église fondée par le père, qui se retrouve autour de lectures de poésie.

– Philibert Humm a reçu le 9 novembre le Prix Interallié pour Roman fleuve (éditions des Équateurs), l’histoire de trois jeunes gens descendant la Seine, de Paris jusqu’à la mer, en canoë. 

– Le jury du Prix de Flore a récompensé le 10 novembre Joffrine Donnadieu pour Chienne et louve (Gallimard), histoire d’une relation entre la jeune Romy, débarquée à Paris, qui cherche par tous tous les moyens à payer ses études au cours Florent, et Odette, sa logeuse de 89 ans.

Joffrine Donnadieu, lauréate du prix de Flore 2022. (FRANCESCA MANTOVANI / GALLIMARD)

Joffrine Donnadieu, lauréate du prix de Flore 2022. (FRANCESCA MANTOVANI / GALLIMARD)

– Enfin, le Prix Wepler Fondation La Poste a été décerné à Anthony Passeron pour Les enfants endormis (Editions Les Equateurs), un premier roman sur les années sida.

Cinq femmes et quatre hommes récompensés

Cinq écrivaines ont reçu des prix cette année, contre quatre pour leurs alter egos masculins. Brigitte Giraud est devenue la treizième femme lauréate du prix Goncourt, sur les 120 éditions du plus prestigieux des prix littéraires français.

La romancière Brigitte Giraud, lauréate du Goncourt 2022 accueillie par le président de l'Académie au restaurant Drouant, Paris, le 3 novembre 2022 (THOMAS PADILLA/AP/SIPA / SIPA)

La romancière Brigitte Giraud, lauréate du Goncourt 2022 accueillie par le président de l'Académie au restaurant Drouant, Paris, le 3 novembre 2022 (THOMAS PADILLA/AP/SIPA / SIPA)

« Ce n’est pas en tant que femme que je reçois le prix, mais en tant que personne qui travaille la littérature depuis des années », a néanmoins souligné la récipiendaire et le président de l’Académie, Didier Decoin, a précisé qu’il aurait « voté pour cet ouvrage même s’il avait été écrit par un homme ».

Deux primo-romanciers primés

Philibert Humm et l’italo-suisse Giuliano da Empoli sont les deux seuls primo-romancier à avoir obtenu une récompense parmi les quatre primo-romanciers des sélections finales, dont Diaty Diallo (Médicis), Polina Panassenko (Femina) et Pascale Robert-Diard (Interallié et roman de l’Académie).

Portrait de la romancière Polina Panassenko, le 24 septembre à  Manosque, au cours de la 24e édition du festival  "Les Correspondances" (JOEL SAGET / AFP)

Portrait de la romancière Polina Panassenko, le 24 septembre à  Manosque, au cours de la 24e édition du festival  "Les Correspondances" (JOEL SAGET / AFP)

Polina Panassenko peut encore séduire les jurés du Prix Femina des lycéens avec un premier roman d’une grande vivacité sur la question de l’exil, et de l’identité, à travers le récit de l’action qu’elle a menée en justice pour retrouver son prénom d’origine.

Un Goncourt très disputé

Quatorze tours ont été nécessaires pour élire le roman de Brigitte Giraud, Vivre Vite, à cinq voix contre cinq pour Le Mage du Kremlin de Giuliano Empoli. Au premier tour, la romancière a obtenu cinq voix, avec Vivre vite, et son rival italo-suisse Giuliano da Empoli cinq également, avec Le Mage du Kremlin. Mais ensuite le vote s’est répété jusqu’au 13e tour sans que personne ne se laisse convaincre. Dans ce cas, les statuts de l’Académie Goncourt donnent une voix prépondérante au président, en l’occurrence Didier Decoin, qui défendait celle qui a finalement emporté le morceau au 14e tour du scrutin.

Au-delà des divergences littéraires, l’Académie du Goncourt a manifestement été divisée pour des raisons politiques.« En principe on est tous solidaires, mais cette année, moi j’ai tellement de colère que non » a déclaré Tahar Ben Jelloun à l’issue du vote dans la salle ovale, où l’ambiance était un brin tendue. « Je regrette qu’on n’ait pas couronné un grand livre », a ajouté Tahar Ben Jelloun, brisant l’usage qui veut que les membres de l’Académie n’expriment pas publiquement leurs préférences ou désaccords, une fois le lauréat désigné. 

Les maisons d’éditions gagnantes de la saison 2022

Gallimard et les autres maisons du groupe Madrigall (Flammarion, POL), ont raflé cinq prix, les prix Goncourt, Médicis, Landerneau, et le Grand Prix du Roman de l’Académie française, ainsi que le Prix de Flore. Grasset, filiale d’Hachette obtient deux des grands prix de la rentrée, le Femina et le Renaudot, sur les huit titres de sa rentrée sélectionnés dans les premières sélections. Le groupe Hachette récolte un trophée suplémentaire grâce au Prix Décembre, attribué à Lola Lafon, publié chez Stock, une autre filiale. 

Enfin, c‘est la deuxième année consécutive que l’Interallié consacre un très jeune écrivain et un éditeur -les Editions des Equateurs- peu habitué aux grands prix littéraires d’automne. L’an dernier, ils avaient récompensé Mathieu Palain pour Ne t’arrête pas de courir, publié aux éditions de L’Iconoclaste.

Des prix qui peuvent rapporter gros

Certains romans primés avaient déjà séduit les lecteurs en nombre avant de recevoir un prix. C’est le cas du livre de Giuliano da Empoli, Le Mage du Kremlin, vendu à 80 0000 exemplaires entre avril, date de sa sortie, et la veille de la remise de son Grand Prix du Roman de l’Académie française. 

Ce n’était pas le cas en revanche du roman de Brigitte Giraud vendu à 6000 exemplaires avant la consécration, et pour qui l’effet Goncourt devrait se faire sentir de manière beaucoup plus siginficative. Un livre qui pourrait « sans problème tutoyer les 400 000 exemplaires », a estimé jeudi 3 novembre sur franceinfo Anne Martelle, présidente du Syndicat de la librairie française (SLF), directrice générale de la librairie Martelle à Amiens.  

Le Goncourt 2021, La Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr (Editions Philippe Rey) s’est vendu à 500 000 exemplaires. L’an dernier, rappelle le magazine professionnel Livres Hebdo, les sept grands prix et le Goncourt des lycéens ont généré 1 150 000 ventes en grands formats, selon les estimations de GFK, dont 247 000 exemplaires à la lauréate du Femina et du Goncourt des lycéens, Clara Dupont-Monod, et 277 000 pour la lauréate du prix Renaudot, Amélie Nothomb.  


Continuer à lire sur le site France Info