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INFO FRANCE 3. Condamné par la justice, l’extraordinaire retour aux affaires à Toulouse du « Roi du fromage » de Narbonne

La success story puis la chute du « Roi du fromage » au début des années 2010 a défrayé la chronique. Interdit de gestion jusqu’en juillet 2023, Michael Escoubeyrou réapparaît à Toulouse sous un nouveau nom, dans le milieu de la restauration. Il doit prochainement faire à nouveau face à la justice. Révélations.

Le passé semble vouloir rattraper Michael Escoubeyrou. L’entrepreneur doit comparaître le 13 janvier 2023 pour « abus de biens sociaux, de confiance, banqueroute et travail dissimulé » devant le tribunal correctionnel de Narbonne (Aude) pour ses affaires remontant au début des années 2010 et qui lui ont valu une importante médiatisation.

À Toulouse (Haute-Garonne), personne ne sait pourtant qui est Michael Escoubeyrou ou presque. L’homme d’affaires est connu dans le milieu toulousain de la restauration comme Michael Séguin. Malgré des kilos en plus et quelques rides supplémentaires, l’entrepreneur a conservé ce franc sourire et ces yeux rieurs reconnaissables entre tous qu’il affiche aux côtés de personnalités avec lesquelles il pose pour la photo : les comédiens les Chevalier du Fiel, l’actrice Marina Fois, l’ostréïcultreur du film les Petits mouchoirs, Joël Dupuch.

Dans la ville rose, comme à Narbonne il y a plus de 10 ans, Mika est une figure. Un mec attachant, séducteur comme le rapporte plusieurs témoins. Pourtant, Mickaël Séguin n’existe pas. Ou plus exactement Séguin est son nouveau nom. Il a repris celui de sa compagne, Annaïk. 

À la fin des années 2000, Michael Escoubeyrou est un jeune entrepreneur menant la grande vie dans le sud de la France. Grande maison, Ferrari, Porsche, bateau. Celui que l’on surnomme le « Roi du fromage » de Narbonne a réussi en à peine 5 ans à se faire une place et une réputation d’homme d’affaires. Sa société « Les Authentiques d’Escoubeyrou« , spécialisée dans la vente de fromages en gros et au détail, emploie une centaine de personnes à travers toute la France. Le succès l’amène à étendre son activité dans l’immobilier et le milieu des boîtes de nuit. Mais en 2009, tout s’écroule. Comme le rapporte la presse, Michael Escoubeyrou est rattrapé par la patrouille judiciaire. Condamné pour tromperie sur marchandise, il est également poursuivi pour intoxication alimentaire collective, et doit faire face à des difficultés financières de plus en plus importantes. Le chef d’entreprise va prendre la fuite et disparaître durant six mois, attirant l’attention de tous les médias nationaux sur cette histoire des plus rocambolesques. En mars 2010, le fugitif met fin à sa cavale, après avoir négocié sa reddition avec les enquêteurs. Entre-temps, criblées de dettes, les sociétés Escoubeyrou ont été placées en liquidation judiciaire. Michael Escoubeyrou est placé en faillite personnelle avec interdiction de gérer une entreprise.

Celui que l’on surnomme « Mika », ne retourne pas dans la région bordelaise, d’où il est originaire, mais va déposer ses valises à Toulouse (Haute-Garonne). Une nouvelle vie, avec une nouvelle compagne, et un nouveau secteur d’activité, celui des fruits de mer et de la restauration, lui permettent de s’installer et de retrouver une certaine tranquillité. Le temps n’est plus à aller au marché au volant de sa Maserati mais à la discrétion. « C’est un très bon professionnel et qui actuellement possède quatre ou cinq établissements, explique un membre d’un syndicat de l’hôtellerie-restauration. C’est l’homme de l’ombre. C’est sa femme qu’il met en avant. Toutes ses affaires sont au nom de Annaïk Séguin. Il dirige les restaurants mais la gestion c’est sa femme.«  Le Cabanon, place Victor Hugo, la guinguette le MIN-ou, au Marché d’Intérêt National Toulouse Occitanie, le food-truck du Stade Toulousain, l’épicerie le Comptoir Occitan, le Café Francis, le grossiste de fruits de mer Guivarc’H et les Criées Occitanes, le kiosque Place du Salin, les Tontons ripailleurs, entreprise spécialisée dans l’évènementiel, ce sont eux, Annaïck et Michael.

En tout une dizaine d’affaires, dont certaines ont été ouvertes avant de fermer rapidement leurs portes ou d’être revendues. Quoi qu’il en soit, toutes ont pignon sur rue et permettent à Michael Escoubeyrou de se faire une place reconnue dans le milieu toulousain de la restauration et de l’alimentation et de se voir ouvrir des portes dans le monde politique.

D’ailleurs, le 1er mai 2019, Michael Escoubeyrou fait partie de la délégation du MIN à l’Élysée où Emmanuel Macron reçoit les métiers de bouche. Une photo immortalise cet instant : aux côtés de l’ancien « roi du fromage » sur le perron de l’Elysée, Jean-Jacques Bolzan, adjoint à la mairie de Toulouse en charge du  « bien manger », François Bourgon de la fromagerie Chez Xavier, Serge Bouscatel président à l’époque de la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne ou encore Eric Fabre, primeur à Muret et meilleur ouvrier de France. Au premier rang de ce joyeux aéropage, un drapeau du Stade Toulousain entre les mains, la directrice du MIN de Toulouse, Maguelone Pontier. Un évènement important au point qu’elle a sélectionné cette image comme photo de couverture de son compte Twitter. 

Le passé de Michael Escoubeyrou ? La responsable du grand marché toulousain est au courant mais, pour elle, il n’y a plus de sujet : « Jean-Jacques Bolzan et moi-même savons l’histoire de Michael Séguin. Il n’y a aucun souci de mon côté, assure Maguelone Pontier. C’est quelqu’un qui travaille très bien et est un élément solide du MIN. Je suis très contente de l’avoir, lui et sa compagne. Son interdiction de gestion est déjà finie donc cela ne me concerne absolument pas. De toute façon tout le monde est au courant. C’est quelque chose qu’il ne cache pas. Lorsque l’on est à la tête d’une entreprise cela arrive parfois. Il fait travailler grâce à son activité beaucoup de restaurateurs du MIN. Cela faisait longtemps que nous voulions ouvrir une guinguette au sein du marché et il a accepté tout de suite. Il a pris un risque car cela pouvait ne pas marcher. C’est quelqu’un sur lequel on s’appuie clairement.« 

Problème, l’interdiction de gestion de Michael Escoubeyrou n’est pas terminée. Elle court jusqu’en juillet 2023. Là aussi, Madame Pontier écarte cette difficulté d’un revers de la main : « En France, lorsqu’une femme est salariée de son mari, cela choque personne. Et là, lorsqu’un homme est salarié de sa femme, on y voit un truc étrange. Michael est justement salarié de la structure de sa compagne. Quoi qu’il en soit, ma locataire, c’est sa compagne. Je connais mes contrats par cœur. C’est toujours triste lorsque l’on tente d’abîmer une personne concernant une histoire qui date de 13 ans. Les gens peuvent être très médisants dans la restauration toulousaine.« 

Il n’y a pas de doutes sur ce point. Les affaires de Michael Escoubeyrou font des jaloux à Toulouse, mais pas seulement. Certaines personnes ayant collaboré avec lui s’interrogent sur ses pratiques.

Cette fois-ci, le « Roi du fromage » ne devrait pas se soustraire à la justice et partir à nouveau en cavale. Michael Escoubeyrou devrait bien se présenter devant le tribunal correctionnel de Narbonne (Aude). D’ici là, ce dernier indique, par la voix de son avocate, Me Gourlins, « ne vouloir faire aucune déclaration et souhaite aborder sereinement la future audience« . Contacté à plusieurs reprises mercredi 16 novembre, Michael Escoubeyrou n’a pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication de cet article.


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