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« Il faut qu’on puisse travailler à des endroits qui nous plaisent » : le ras-le-bol des internes et des médecins généralistes

Depuis le mois d’octobre, les étudiants en médecine se mobilisent contre la création d’une quatrième année d’internat et l’incitation à travailler dans les déserts médicaux. Pour leur deuxième manifestation à Lyon, ils ont été rejoints par des médecins généralistes.

Ils sont nombreux à s’être rassemblés place Bellecour à Lyon, ce jeudi 17 novembre. Blouses blanches sur le dos et pancartes à la main, ils chantent leur colère. Les étudiants et internes en médecine ne veulent ni d’une quatrième année d’internat, ni d’une installation contrainte dans les déserts médicaux.

Avoir le choix

Parmi les manifestants, il y a Léo et Lara Di Benedetto. Le frère est en huitième année à Grenoble et la sœur en septième année à Lyon. Tous deux ont choisi la médecine générale. Originaires de Bourgogne, ils ont pour projet de s’installer dans des déserts médicaux, mais hors de question de voir leurs camarades y être contraints. 

« Quand on finit nos études, on a la trentaine, des projets de vie, argumente le jeune homme. Il faut qu’on puisse travailler à des endroits qui nous plaisent, auprès d’une population qu’on a envie de soigner. La liberté d’installation, ça fait partie du charme de la médecine générale. »

Pour sa sœur, installer des internes dans un désert médical ne résoudra pas le problème. « Les déserts médicaux, il y en partout, même aux portes de Paris et de Lyon. On va déshabiller Jacques pour habiller Paul ! Ça fait 30 ans, que le gouvernement n’a pas augmenté le nombre de numerus clausus, c’est ça le problème. »

« Ce n’est pas en envoyant des étudiants mal formés qu’on va résoudre les déserts médicaux, ça va juste dégoûter les jeunes d’y travailler. »

Lara Di Benedetto

Étudiante en médecine générale

L’étudiante n’est cependant pas contre une quatrième année, mais seulement s’agit d’une année de formation. Aujourd’hui, à l’exception de la médecine générale, toutes les spécialisations nécessitent quatre années d’internat. 

« Le gouvernement propose une quatrième année pour combler les desserts médicaux, affirme Yannis Galacteros, président d’ARAVIS, syndicat d’internes, à Grenoble. Budgétairement, c’est intéressant, un interne est moins payé qu’un médecin senior. »

Selon lui, la création d’une quatrième année devrait servir à la formation des futurs médecin, avec six mois de cabinet dans un territoire choisi, puis six mois consacrés au projet professionnel. « Nos carrières de jeunes médecins sont très diverses, avec des activités mixtes entre la ville et l’hôpital, entre les structure hospitalières ou extrahospitalières et les cabinets de ville. » 

Mais travailler dans les déserts médicaux, ne serait-ce pas un juste retour des choses pour des étudiants formés gratuitement à l’université ? « Dire que l’Etat paye nos étude, c’est faux, répond Mohamed-Amin Ben-Kraiem, représentant des étudiants en médecine de Lyon Est est actuellement en 3e année. On travaille dans les hôpitaux à partir de la quatrième année et jusqu’à la fin de nos études. On fait le travail de médecins et de professionnels de santé, en étant payés moins de 2 euros de l’heure L’Etat se fait plus de 100 000 euros sur un étudiant en médecine tout au long de ses études. »

En plus des étudiants et internes, des médecins généralistes se sont joints au cortège. « Arrêter d’économiser sur la santé de tous », clame la pancarte portée par Caroline. Elle exerce depuis un an en tant que médecin remplaçante à Villeurbanne et est vent debout contre une quatrième année d’internat dans les déserts médicaux. « Même dans ma zone, qui n’est pas un désert médical, il y a des besoins, je ne vois pas en quoi c’est une solution de nous déplacer comme des pions. Il faudrait plutôt former plus de monde et arrêter de fermer des lits, pour qu’on n’ai plus besoin de négocier avec les hôpitaux pour trouver une place à nos patients. »

Le syndicat MG (Fédération française des médecins généralistes) avait aussi appelé à la grève ce jeudi 17 novembre, pour rejoindre le mouvement des étudiants et internes. « L’installation dans des lieux désertiques, c’est une installation sans maître de stage, s’exaspère Guilaine Ferré, présidente du syndicat dans le Rhône. Lâcher des jeunes dans ces conditions, c’est inacceptable et ça va les détourner massivement de la médecine générale, qui est déjà en grande souffrance et en grande pénurie. »

L’occasion aussi pour les médecins généralistes de porter d’autres revendications, comme la revalorisation du prix des consultations. Le syndicat MG souhaite une base à 30 euros, contre 25 euros actuellement pour toute consultation. Avec ensuite différents niveaux, selon la complexité du rendez-vous médical. 

Les médecins généralistes sont appelés à faire de nouveau grève, les 1er et 2 décembre. Un mouvement lancé par un groupe Facebook « Médecins pour demain », se voulant apolitique et a-syndicale, réclamant la consultation à 50 euros.

Preuve que la grogne des médecins de ville et de campagne ne semble pas décidé à s’éteindre.


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