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Tim Davis, responsable du centre des médias de la COP depuis 17 ans: «Je suis trop seul»

Publié le : 17/11/2022 – 19:56

3 430 médias étaient accrédités pour la COP27 de Charm el-Cheikh, ce qui en fait l’un des évènements les plus couverts de l’année. Depuis 2006, un homme chapeaute l’organisation logistique pour accueillir les journalistes du monde entier. Tim Davis pense à passer la main, mais continuera de soutenir les COP « aussi longtemps que possible ».

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Quel est votre parcours ?

J’ai été pendant 25 ans producteur de films au Kenya, mon pays natal. Et l’un de mes clients était le Programme des Nations unies pour l’environnement qui ont leur siège à Nairobi, la capitale. En 2006, la COP a été organisée là-bas. On m’a proposé de m’occuper de la couverture TV de la COP et des médias en général. Je n’ai pas arrêté depuis. C’est ma 17e COP.

Combien de médias sont-ils accrédités pour cette COP27 ?

Il y a 3 430 médias accrédités, dont 50% d’équipes TV et radios (environ 30% de radios) et 50% sont journalistes. Il y en avait 30 à ma première COP, en 2006 et environ 5 000 à Paris.

Tous les continents sont représentés. La majorité sont d’Égypte. Les médias doivent être un gros business ici parce qu’ils sont vraiment nombreux. Quelques pays ne sont pas là. Un bon nombre des médias européens qui étaient à Glasgow ne sont pas venus non plus. Et c’est souvent un défi financier pour les médias africains et sud-américains de venir à une COP.

Qui paie et combien pour obtenir une place dans ce centre des médias ?

Toute l’infrastructure qui abrite le centre des médias est fournie par le pays hôte. C’est un très gros investissement [il a renoncé à nous communiquer le coût, NDLR]. Cette COP a des retombées économiques sur Charm el-Cheikh, qui a été fortement frappée par le Covid. 46 117 personnes ont été enregistrées pour cette COP [mais seulement 27 741 étaient physiquement présentes, NDLR]. Toutes sont logées dans des hôtels, vont au restaurant, utilisent les taxis. Une partie des revenus ira à l’État. Mais on n’est pas sûr du tout que les investissements engagés pour les COP soient retrouvés à 100% par le pays.

Comment sont sélectionnés les médias qui pourront participer ?

Tout le monde peut participer. Il faut montrer une carte de presse ou au moins une lettre de recommandation. De toute façon, chaque personne candidate à l’accréditation fait l’objet de vérification par l’équipe d’accréditation. Et tout le monde n’est pas nécessairement accrédité. Environ 15% ne sont pas acceptées. Il y a toujours des activistes qui passent à travers.

Quand commencez-vous à préparer une COP ?

Ça prend environ un an. Donc, dès que cette COP sera terminée, on commencera la suivante, qui aura lieu à Dubaï [Émirats arabes unis]. Les organisateurs de la COP28 sont ici et nous avons des réunions pour la préparer selon les nombreux critères du cahier des charges.

Mes fonctions sont assez larges : je dois d’abord dessiner les plans du centre qui doit occuper une superficie de 5 466 m² [la taille d’un terrain de foot, NDLR]. Pour cela, je dois estimer combien de médias vont candidater et, ensuite, il faut les loger dans des cabines de trois tailles différentes. Mais cette année en particulier, mes estimations n’étaient pas au point. Je n’ai pas anticipé l’engouement médiatique de cette COP. J’ai pensé que Charm el-Cheikh serait un plus petit évènement, plus petit que celui de Glasgow. J’ai pris comme base de calculs les chiffres de Marrakech en 2016, la COP qui a suivi la COP de Paris, avec une augmentation bien sûr. Des personnes ont été frustrées. Donc, j’ai encore à apprendre. Le changement climatique devient un enjeu de plus en plus important et attire l’attention.

Vous sentez-vous sous pression ?

Tout job qui implique des gens est stressant parce que vous ne pouvez jamais satisfaire tout le monde. Donc, ceux qui ne le sont pas viennent me voir pour se plaindre. Il y a aussi les pressions des Nations unies qui ont des attentes que je suis le seul à pouvoir combler.

Je travaille pour l’UNFCCC [Convention-Cadre des Nations unies pour le climat] comme consultant. Je suis trop seul pour faire ce boulot, je n’ai aucune assistance, sauf celle de quelques jeunes, des locaux, principalement volontaires pour aider à la COP. Quand j’ai commencé, il y a 17 ans, ce poste n’existait pas, je l’ai créé de toute pièce. Depuis, mon travail s’est considérablement alourdi. J’ai 450 mails auxquels je n’ai pu répondre.

Le budget des Nations unies est vraiment serré. Par exemple, il n’y a que quatre personnes pour faire la vérification des journalistes qui souhaitent une accréditation. La structure de l’UNFCCC est squelettique.

Quel est votre meilleur souvenir ?

J’en ai beaucoup. 17 ans, dans un pays différent chaque année, j’ai beaucoup de chance. J’aime rencontrer les gens. Ma meilleure COP, c’était Lima, au Pérou. C’est merveilleux, une COP très calme, Lima était ensoleillée, pas comme en Europe à cette saison. Les gens étaient compétents. C’était une COP facile pour moi, par rapport à celle-ci, qui est la plus difficile que j’ai eu à gérer.

Pourquoi ?

À cause de toutes les difficultés. Le bâtiment de ce centre médias n’est pas terminé. La signalétique n’est pas bonne, les lumières ont été installées tardivement, la climatisation était beaucoup trop forte, on a manqué d’eau, il manque probablement 30% la fourniture internet, tous les gens n’ont pas les câbles. Mais l’Égypte est partie de zéro, ce qui n’est pas le cas des pays développés. De ce point de vue, le travail qu’ils ont fait est admirable. Ils ont vraiment cherché à donner le meilleur.

Pensez-vous à passer la main ?

Il faudrait en effet que je forme quelqu’un. Mais je soutiendrai l’UNFCCC aussi longtemps que possible et je serai à Dubaï l’année prochaine. J’admire les gens qui travaillent pour cette institution, et je soutiens la mission qu’ils cherchent à accomplir. Sans l’UNFCCC, il n’y aurait aucune urgence à atteindre l’objectif de 1,5°C. Elle rassemble 196 pays pour discuter la manière d’améliorer notre existence. C’est juste honteux qu’elle ne soit pas suffisamment reconnue et financée à sa juste valeur et besoins.


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