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Oscar d’honneur pour Euzhan Palcy : « C’est la récompense suprême », réagit la réalisatrice martiniquaise

La réalisatrice martiniquaise Euzhan Palcy, connue pour son film Rue Cases-Nègres, estime vendredi 18 octobre, sur franceinfo, que l’Oscar d’honneur qui doit lui être remis samedi 19 octobre pour l’ensemble de sa carrière « est la récompense suprême ». Elle avait remporté le César du premier film en 1984 pour Rue Cases-Nègres.

franceinfo : Que représente un Oscar pour vous ?

Euzhan Palcy : Toutes les distinctions sont sont importantes, mais c’est vrai qu’un Oscar, c’est quand même quelque chose. C’est la récompense suprême, entre guillemets.

Les Oscars comblent-ils un manque ressenti en France ?

Oui, hélas. C’est la raison pour laquelle je suis partie pendant plusieurs années, un peu la mort dans l’âme car je n’avais pas le choix. Quand on se voit refuser dans son propre pays les moyens de faire les films qu’on veut faire, quand on vous fait toute sortes de commentaires pas forcément agréables, à un moment, vous dites « ça suffit ». Vous allez là où vous pensez trouver les moyens de faire vos films. Je disais non aux Américains qui me proposaient des choses depuis un moment, pour rester en France et y faire mes films, mais j’ai dû partir et je ne regrette pas. Disney m’a proposé de faire sur petit écran l’histoire de la petite Ruby Bridges [première enfant afro-américaine à intégrer une école pour enfants blancs aux etats-Unis en 1960]. La première de ce film a eu lieu à la Maison Blanche, avec le président Bill Clinton. Il m’a proposé de devenir américaine et de m’y installer […] J’aurais pu dire oui, mais j’ai répondu très poliment que j’y réfléchirai. Je n’avais pas du tout envie de devenir américaine, je ne suis pas partie aux Etats-Unis pour cela. Mais j’étais d’autant plus blessée quand, en revenant en France, je n’ai pas été reçue comme je le souhaitais. J’ai pris la décision de repartir.

Qu’est-ce qui a bloqué en France selon vous ? Est-ce le fait d’être femme et noire selon vous ?

C’était la bêtise humaine, le racisme le sexisme. C’était humiliant et blessant. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de femmes cinéastes. Il y avait une mainmise masculine sur ce métier. Je suis arrivée, diplômée de la Sorbonne et de Louis Lumière, mais personne ne voulait faire Rue Cases-Nègres, alors que j’avais une importante avance sur recettes. A force de combats, avec le soutien de François Truffaut, grâce au soutien Claude Nedjar, grand producteur et distributeur indépendant, j’ai réussi quand même à faire ce film.

Voyez-vous les choses changer pour la nouvelle génération ?

Je pense que les choses évoluent doucement, mais tout de même, ça évolue. On a une nouvelle génération plus hardie, plus rentre-dedans. C’est maintenant, sans compromis. Ils et elles, grâce au travail qui a été fait, peuvent maintenant dire : ça existe, si certains ont pu le faire, pourquoi pas nous ? Il y en a de plus en plus : regardez Maïmouna Doucouré, Alice Diop… Aux Etats-Unis, vous avez Ava Duvernay, Julie Dash… Elles le disent : « Si on existe, c’est car nous sommes debout sur les épaules d’une géante ».


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