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REPORTAGE. Coupe du monde 2022 : à Doha, la peur du vide

A la veille du début du Mondial, l’effervescence n’a pas encore touché la capitale qatarienne, qui s’agite beaucoup pour prouver qu’elle est prête pour le plus grand événement de son histoire.

« Attention please ! [Votre attention s’il vous plaît] Attention please ! This is a test of the system operations : loud speaker coverage… signal level… [C’est un test du fonctionnement du système : test du haut-parleur… niveau du signal] BIP ! BIP ! BIP ! ». Sur la corniche, qui promet d’accueillir un nombre important de supporters, le même message crisse en boucle dans les haut-parleurs, quitte à rendre fous les ouvriers vêtus de gilets jaunes, nombreux mais seuls visiteurs d’un bord de mer pour l’heure délaissé. A trois jours du coup d’envoi de la Coupe du monde 2022, jeudi 18 novembre, Doha était encore en pleine répétition. 

Au moment où la grande majorité des supporters se fait encore attendre, la capitale du Qatar a des airs de fourmilière désorganisée. L’agitation domine, à défaut d’effervescence. Il faut montrer qu’il y a du mouvement, car bouger, c’est montrer qu’il se passe quelque chose.

Les navettes de bus mises à disposition pour le transport des journalistes et des fans font des tours à vide, à la queue leu leu. Les nombreux employés chargés du bon déroulement de la compétition se jettent sur vous au moindre geste d’hésitation. Quand vous attendez quelqu’un, ils vous indiquent un siège ou un meilleur endroit pour le faire. Si vous mettez trop de temps à finir votre assiette, vous prenez le risque d’en être débarrassé. Et s’ils ne font pas de zèle, leurs supérieurs, postés en guetteurs, ne se gênent pas pour les réprimander devant tout le monde.

La corniche de Doha, complètement vide à trois jours du début de la Coupe du monde de football au Qatar, le 17 novembre 2022. (Andréa La Perna / Franceinfo)

La corniche de Doha, complètement vide à trois jours du début de la Coupe du monde de football au Qatar, le 17 novembre 2022. (Andréa La Perna / Franceinfo)

L’émirat attend cette Coupe du monde comme une consécration, comme une preuve de son adhésion au club des puissants. Plus d’un million de visiteurs sont attendus dans le petit Etat gazier pas plus grand que l’Île-de-France. Surtout, toutes les caméras du monde vont être braquées sur lui pendant plus d’un mois. Alors, il faut soigner la devanture. Dans les rues les plus fréquentées, rien ne dépasse. Pas de tag, ni même de déchet sur la voie publique. Mais pas question d’en dévoiler trop non plus.

La réalité apparaît comme impénétrable, comme si toute l’agitation était là pour hypnotiser, détourner l’attention des observateurs trop curieux. On finit par se demander s’il y a vraiment des gens derrière les vitres teintées de ces tours gigantesques ou des Toyota Land Cruiser qui congestionnent la route. Vous avez plus de chance de tomber sur un portrait de quatre mètres sur quatre du cheikh Tamim ben Hamad Al Thani que de capter un instant de vie d’une famille résidant à Doha. En pleine journée, quand tout le monde se cache de la chaleur étouffante, seuls les appels du muezzin rappellent que des gens mènent leur existence dans cette ville qui compte pourtant près de deux millions d’habitants.

Heureusement que la nuit ne se fait pas prier. Lorsqu’elle tombe, avant 17 heures, il est possible de reprendre sa respiration. En se promenant, vendredi soir, dans le Souq Waqif, on pouvait enfin flairer une première ambiance de Coupe du monde. Des supporters marocains et saoudiens y ont chanté au milieu de la foule. Deux Indiens, supporters de l’Angleterre, curieux de savoir d’où l’on venait, nous ont fait part de leur désespoir de ne pas voir N’Golo Kanté participer au Mondial. « C’est la première fois que je vois autant de monde ici », nous confie Jamal, un Ougandais résidant à Doha. L’ambiance devrait continuer à monter, au moins jusqu’à dimanche, jour du coup d’envoi de la compétition avec l’entrée en lice du pays organisateur contre l’Equateur.


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