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« Ocean Viking » : que sont devenus les migrants secourus, depuis leur arrivée en France ?

Tout ne s’est pas exactement passé comme Gérald Darmanin l’espérait. A la veille du débarquement de l’Ocean Viking dans le port militaire de Toulon (Var), le ministre de l’Intérieur affirmait, le 10 novembre, que « deux tiers » de 234 rescapés à bord seraient accueillis par d’autres pays européens. Parmi le tiers restant, certains pourraient être accueillis en France au titre de l’asile, et d’autres seraient « éloignés directement depuis la zone d’attente vers leur pays d’origine », selon son ministère. Le 15 novembre, Gérald Darmanin promettait qu’« environ » 40 personnes seraient « reconduites » dans leur pays« dès que leur état de santé (…) le permettra[it]« .

Près de deux semaines après l’arrivée en France de ces migrants, le gouvernement est loin d’avoir mis son plan à exécution. Accusé de « fiasco » par l’opposition, il doit composer avec des mineurs isolés en fugue, des décisions judiciaires contraires à ses intentions et de potentiels refus de relocalisations en Europe. Les expulsions « depuis la zone d’attente » se comptent sur les doigts d’une main. Franceinfo dresse un premier état des lieux.

Deux migrants expulsés, quatre autres en attente

Deux rescapés d’origine malienne qui étaient à bord de l’Ocean Viking ont été expulsés par avion, mardi matin, a appris franceinfo auprès du ministère de l’Intérieur. Interpellé à l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin avait annoncé que la France avait fait « respecter le droit international ».

L’entourage du ministre a ajouté que quatre personnes se trouvaient toujours dans la zone d’attente fermée sur la presqu’île de Giens (Var), mardi matin. Ces rescapés « auront vocation à être reconduits dans leur pays d’origine », a assuré cette source. Deux Bangladais figurent parmi eux, selon Le Monde (article pour les abonnés). La perspective d’expulser rapidement une quarantaine de migrants paraît donc bien loin.

Une majorité de rescapés admis en France

A l’issue des auditions menées dans la zone d’attente, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a « émis 66 avis favorables à une admission sur le territoire », a rapporté le ministère de l’Intérieur, le 18 novembre, selon l’AFP. Ces décisions ont ouvert aux migrants concernés la possibilité d’être officiellement accueillis en France et de pouvoir y déposer une demande d’asile.

A l’inverse, après avis de l’Ofpra, l’exécutif a prononcé un « refus d’entrée sur le territoire » contre 123 autres exilés retenus sur la presqu’île de Giens. Ils sont presque aussitôt inapplicables, sous le coup de décisions de justice qui ont permis à la quasi-totalité de ces migrants de bénéficier d’une autorisation temporaire d’entrée en France. La cour d’appel d’Aix-en-Provence et le tribunal administratif de Toulon ont en effet donné raison à l’essentiel des rescapés et à leurs avocats, qui avaient soulevé des failles de procédure, à commencer par le non-respect de délais de justice.

Des migrants attendent l'examen de leur dossier devant le tribunal administratif de Toulon (Var), le 15 novembre 2022. (MAXPPP)

Des migrants attendent l'examen de leur dossier devant le tribunal administratif de Toulon (Var), le 15 novembre 2022. (MAXPPP)

Après leur départ de la zone d’attente, ces quelque 180 personnes, dont une douzaine d’enfants, devaient être « orientées vers les dispositifs de l’asile », selon le gouvernement. La plupart ont été accueillies dans des structures d’hébergement associatives ou gérées par Adoma. Elles vont pouvoir déposer formellement une demande d’asile, avec une issue incertaine à la clé, entre espoir d’obtenir le statut de réfugié et risque d’être expulsé en cas de refus. 

Pour ces demandeurs d’asile, l’avenir pourrait s’écrire ailleurs en Europe. Le gouvernement espère toujours les « relocaliser » dans les 11 pays européens qui s’étaient portés volontaires pour les accueillir. Encore faut-il obtenir le consentement des migrants. « Peut-être qu’une poignée de personnes voudront être relocalisées, mais il n’y a absolument aucune contrainte juridique possible », rappelle l’universitaire Serge Slama, dans Le Monde. D’autres choisiront peut-être aussi de quitter la France par leurs propres moyens, pour rejoindre d’autres pays de l’UE ou tenter de traverser la Manche, vers le Royaume-Uni.

Des mineurs en fugue ou relocalisés en France

Après leur débarquement, 44 mineurs isolés, qui n’étaient pas accompagnés par un adulte de leur entourage à bord de l’Ocean Viking, ont été pris en charge par les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Conduits dans un hôtel de Toulon, ouvert pour l’occasion, ils y étaient libres de leurs mouvements, contrairement aux adultes retenus dans la zone d’attente fermée.

« Dès le lendemain et le surlendemain de leur prise en charge », trois de ces jeunes ont fugué, selon le président LR du Var, Jean-Louis Masson. Au total, « 23 mineurs de plus » manquaient à l’appel le 17 novembre. Une majorité des fugueurs sont de nationalité érythréenne, selon les services départementaux. « Ils ont des objectifs précis dans des pays d’Europe du Nord », du fait notamment d’attaches familiales sur place, a expliqué à l’AFP Christophe Paquette, directeur général adjoint en charge des solidarités au conseil départemental du Var. Les jeunes partis de leur propre chef « ont eu un comportement exemplaire », en prévenant et en « remerciant » les équipes à l’hôtel.

Quant aux 18 mineurs isolés restés à Toulon, dont « cinq jeunes filles » selon Christophe Paquette, certains ont commencé à être pris en charge par d’autres départements, lundi, dans le cadre d’un mécanisme de répartition. « On a déjà six réorientations qui ont été faites », a confirmé Christophe Paquette, mercredi, sur BFMTV. « D’ici la fin de la semaine, on aura les destinations de l’ensemble de ces enfants. » Tous quitteront alors la région Paca, selon lui. 


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