A la Une

Quatre questions sur les pingouins qui s’invitent sur la côte méditerranéenne cet hiver

Si on les associe souvent à des régions plus froides, il n’y a rien d’inédit à voir des pingouins torda en Méditerranée. Cependant, ils restent habituellement plus au large.

La Côte d’Azur, son soleil, ses palmiers, ses plages où batifolent… des pingouins torda. Depuis la mi-novembre, des habitants de l’ensemble du littoral méditerranéen et de la Corse s’étonnent d’apercevoir d’inhabituels oiseaux marins au plumage noir et blanc, quand ce ne sont pas des cadavres qui sont découverts sur le rivage. Les vidéos de ces volatiles se multiplient sur les réseaux sociaux.

Franceinfo revient sur les questions qui se posent au sujet de ces invités surprises.

Est-ce inhabituel d’observer des pingouins en Méditerranée ?

Si on les associe souvent à des régions plus froides, il n’y a rien d’inédit à voir des pingouins torda en Méditerranée. Les cartes de l’Inventaire du patrimoine naturel attestent de leur présence sur tout le littoral de l’Hexagone, bien qu’ils soient plus rares sur la Côte d’Azur et en Corse. Ils ont aussi déjà été aperçus en Espagne et au Maroc.

« Nous ne sommes pas étonnés, on les observe chaque année à cette période », a réagi Anaïs Syx, responsable du pôle Alpes-Maritimes du conservatoire des espaces naturels de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, lundi sur l’antenne locale de BFMTV. La Méditerranée fait partie des zones où ces pingouins descendent, en quête de températures plus clémentes à la fin de l’année et jusqu’à mars, depuis le Royaume-Uni et l’Islande où ils ont leurs nids, ajoute-t-elle.

Cependant, ils restent habituellement plus au large. « Cette année, il y a pas mal d’individus qui se sont rapprochés des côtes, c’est assez exceptionnel », reconnaît Amandine Pericard, responsable du centre de soins pour la faune sauvage U Pettirossu, à Olmeta-di-Tuda (Haute-Corse), interrogée par l’AFP. Les pingouins torda « sont adeptes de la tempête, des embruns, de la haute mer », et ne se rendent à terre que pour se reproduire en été, acquiesce le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Allain Bougrain-Dubourg, également auprès de l’AFP. 

Cependant, la médiatisation et les photos ou vidéos des curieux peuvent avoir donné l’impression que leur présence cette année sortait de l’ordinaire. « Comme il y a un engouement pour ces observations, on a beaucoup plus de données qu’habituellement », a rappelé Anaïs Syx sur BFMTV. Pour un décompte plus précis, qui permettra de savoir s’il y a réellement un phénomène particulier, il faudra attendre la fin de la saison, prévient-elle.

Pourquoi s’aventurent-ils sur les côtes ?

La raison semble échapper aux spécialistes pour le moment. Ils n’établissent pas de lien direct avec le dérèglement climatique. De façon indirecte, cependant, la température de l’Atlantique Nord pourrait jouer un rôle, estime Allain Bougrain-Dubourg : « Les ressources en poissons, avec le réchauffement climatique, montent beaucoup plus au Nord et pendant la nidification, ils doivent faire des cheminements beaucoup plus lointains pour arriver à trouver les poissons afin d’alimenter les jeunes. » La surpêche concourt également à diminuer les populations de poissons. Pour le président de la LPO, la quête de nouvelles ressources alimentaires peut avoir épuisé et encouragé ces oiseaux à chercher des eaux plus calmes. « L’état de faiblesse peut parfois expliquer qu’ils sont un peu moins sauvages parce qu’ils vont être concentrés sur le fait de récupérer leur énergie et de pêcher », complète Nicolas Saulnier, directeur de la LPO dans l’Hérault, interrogé par France Bleu Hérault.

De plus, des conditions météo inhabituellement compliquées ont pu rendre difficile leur parcours habituel de migration. « Il y a eu des tempêtes en Atlantique Nord, donc ils sont fatigués quand ils arrivent ici, a souligné Anaïs Syx sur BFMTV. C’est pour ça aussi qu’on les retrouve plus facilement dans les ports, dans des zones abritées. »

Sont-ils en danger ?

Le pingouin torda est une espèce protégée et classée comme en « danger critique » par l’Inventaire national du patrimoine naturel. Mais il est plus difficile de savoir si l’épisode observé ces derniers jours représente une menace particulière. Des cadavres de ces oiseaux marins ont été retrouvés, tout comme des pingouins vivants, mais échoués. 

Cette mortalité peut être, en partie, une conséquence de l’épuisement et du manque de nourriture avancés pour expliquer leur présence près des côtes. Mais ils sont également vulnérables aux filets de pêche, comme le démontre le récit par Nice-Matin du sauvetage d’un spécimen par plusieurs passants dimanche à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes).

La LPO s’inquiète par ailleurs que ces pingouins entrent en contact avec des oiseaux terrestres qu’ils n’ont pas l’habitude de croiser, et contractent la grippe aviaire, qui fait des ravages chez de nombreuses espèces de l’Hexagone. Avant eux, « beaucoup d’oiseaux endémiques comme le fou de Bassan, qui n’ont aucun contact direct avec l’homme, ont été frappés » par l’infection, rappelle Allain Bougrain-Dubourg. 

Que faire si on en trouve un ?

Tous les spécialistes des animaux qui se sont exprimés ces derniers jours sont unanimes : il ne faut pas chercher à toucher ces pingouins, notamment pour éviter la transmission de maladies dans un sens comme dans l’autre. Mieux vaut prévenir des professionnels, comme le bureau local de l’Office français de la biodiversité, ou des associations comme la Ligue pour la protection des oiseaux, qui dispose de centre régionaux de sauvegarde de la faune sauvage.

Si l’animal est blessé ou en danger, et que vous devez intervenir, il vaut mieux l’attraper « avec un tissu », suggère Loriane Aubinais, responsable du centre de sauvegarde de la LPO dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Nice-Matin (article pour les abonnés). Pour le transporter, elle conseille de l’installer dans l’obscurité d’un carton avec des trous, et d’y placer une source de chaleur, comme une bouillotte.


Continuer à lire sur le site France Info