Disparition de Tshala Muana, « reine du mutuashi » et grande ambassadrice de la rumba congolaise, à l’âge de 64 ans
La « reine du mutuashi » n’est plus alors que la République démocratique du Congo (RDC) célèbre, le 14 décembre, le premier anniversaire de l’inscription de la rumba congolaise au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Tshala Muana, qui avait propulsé sur la scène internationale le mutuashi – la danse du folklore Luba (groupe ethnique que l’on retrouve notamment dans le centre de la RDC) – en l’associant avec la rumba congolaise, est morte le 10 décembre 2022 à l’âge de 64 ans. L’annonce a été faite par son compagnon et producteur, Claude Mashala, sur les réseaux sociaux.
« Tshala Muana a chanté sur la même scène que Miriam Makeba de l’Afrique du Sud, Angélique Kidjo du Bénin, Nayanka Bell de la Côte d’Ivoire et tant d’autres voix au niveau national et international. Nous continuons à nous consoler par le fait que l’artiste ne meurt jamais et Tshala Muana est patrimoine humain intemporel », a déclaré la ministre congolaise de la Culture, Catherine Furaha Kathungu, au lendemain de sa disparition rapporte Radio Okapi. Tshala Muana, rare artiste congolaise de renommée internationale à ne pas chanter en lingala (langue largement parlée en RDC et dans les pays voisins) avait été également intronisée reine en ses terres pour la promotion de la culture Luba.
Elisabeth Tshala Muana Muidikayi voit le jour le 13 mai 1958 à Elisabethville, l’actuelle Lubumbashi, dans le Kasaï-Occidental en RDC. La jeune femme démarre sa carrière au sein de la formation musicale d’une autre grande dame de la chanson congolaise, M’Pongo Love qui l’a inspirée, confiera plus tard Tshala Muana. Elle se lance en solo au début des années 80.
La Côte d’Ivoire, grand carrefour culturel africain, fait d’elle un star. De ce pays, où elle s’est produite pour la dernière fois en août 2022 pour célébrer les quarante-cinq ans de carrière d’une autre diva, l’Ivoirienne Aïcha Koné, elle disait qu’il était son « porte-bonheur ». « Je suis venue (en Côte d’Ivoire) pieds nus et (je suis) rentrée en talons », a-t-elle affirmé sur le plateau de la chaîne ivoirienne NCI. La chanteuse en avait alors profité pour remercier chaleureusement tous les Ivoiriens, à qui elle aura fait ses adieux sans le savoir, comme pour mettre un point final à sa belle histoire d’amour avec eux.
En 1980, son déhanché unique et le titre Amina où elle critique les hommes volages avaient résolument conquis la Côte d’Ivoire et plus tard le continent africain. Des chansons comme Tchebele, Koumba, Tshibola, Tshanza ou encore Malu auront la même trajectoire.
Au total, Tshala Muana aura produit une vingtaine d’albums au cours de ses quatre décennies de carrière, dont la moitié se construira au départ de la capitale française. Après Abidjan, elle s’installe à Paris durant vingt ans. C’est de la ville lumière qu’elle part à la conquête du monde. Sensuelle et jamais vulgaire, son exécution du mutuashi pourrait aujourd’hui servir de cours magistral à toutes les twerkeuses, qui à côté de l’artiste congolaise, passent pour des danseuses en herbe.
Dans les années 90, Tshala Muana poursuit sa carrière mais s’intéresse aussi à la politique. Elle se rapproche de Laurent-Désiré Kabila, l’ancien président congolais assassiné en 2001. Elle restera fidèle à son fils, Joseph Kabila qui prend par la suite le pouvoir. De 2000 à 2002, rappelle Radio Okapi, elle est députée pour le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), au pouvoir.
Elle deviendra ensuite présidente de la Ligue des femmes de la formation politique. Kabiliste, comme elle l’a toujours revendiqué, Tshala Muana a eu des relations tendues avec l’actuel régime de Félix Tshisekedi qui a succédé à Joseph Kabila. En 2020, sa chanson Ingratitude, perçue comme une critique du président actuel, lui vaut d’être interpellée par les services de sécurité. Elle est relâchée après avoir passé « deux jours au cachot », racontera-t-elle plus tard.
Mais peu importe la politique, Tshala Muana reste un trésor national congolais dont l’Etat organisera les obsèques, a annoncé le ministère de la Culture. « Unique dans sa voix, son style ! Immense artiste, immense perte (…) Immortelle Mamu Nationale RIP », a déclaré le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya dans un tweet saluant également « une artiste toujours prête à donner de la voix pour la patrie » alors que le pays est en guerre dans l’Est.
Aux portes du paradis, espérons que saint Pierre l’accueille avec son propre cri de guerre : « Mutuashi ! » Tshala Muana devrait retrouver tous les grands noms de la rumba congolaise qui l’y ont précédée. Et, plus récemment, Jacob Desvarieux, le leader de Kassav disparu en 2021, qui lui avait secrètement dédié la chanson Mwen Malad aw (1985). Parce que, lui aussi, était tombé sous le charme de l’éternelle « Mamu nationale », comme on la surnomme en RDC.
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