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Age de départ, régimes spéciaux, pension minimum… Ce que contient la réforme des retraites du gouvernement

Elisabeth Borne a dévoilé, mardi 10 janvier, la très attendue et controversée réforme des retraites que portera son gouvernement. En voici les principaux points.

« Cette présentation n’est pas un point final, nous sommes prêts à faire encore évoluer notre projet. » Elisabeth Borne a détaillé l’épineux projet de son gouvernement pour réformer du système des retraites, mardi 10 janvier. Recul de l’âge légal de départ à 64 ans, accélération de l’allongement de cotisation, revalorisation des pensions minimales à 1 200 euros… Le texte sera ensuite présenté en Conseil des ministres le 23 janvier, puis examiné dans l’hémicycle à partir du 6 février, pour une entrée en vigueur avant la fin de l’été.

Si le gouvernement peut espérer faire passer ce texte à l’Assemblée nationale sans recourir à l’article 49.3 de la Constitution grâce à un accord avec Les Républicains, la partie s’annonce beaucoup plus compliquée avec les syndicats, qui affichent un front uni contre la réforme. Franceinfo résume l’essentiel du contenu de la réforme.

>> Réforme des retraites : suivez dans notre direct les annonces du gouvernement et les réactions politiques et syndicales

Un report progressif de l’âge légal de départ à 64 ans

C’est la mesure emblématique du projet gouvernemental : l‘âge légal de départ à la retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel un travailleur peut théoriquement prendre sa retraite, va progressivement passer de 62 à 64 ans, à raison d’un trimestre supplémentaire par génération. Les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 seront les premières concernées par la réforme et pourront prétendre à un départ à la retraite à compter de 62 ans et trois mois. En 2030, l’âge légal atteindra ainsi 64 ans, contre 65 ans en 2031 comme initialement évoqué par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Le recul de l’âge légal sera en revanche sans effet sur l’âge d’annulation de la décote, qui restera fixé à 67 ans. Ainsi, les femmes, dont les carrières sont plus souvent hachées, auront une retraite à taux plein au même âge qu’aujourd’hui.

Une durée de cotisation progressivement portée à 43 ans dès 2027

Le gouvernement a également annoncé une accélération de l’allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Celle-ci sera progressivement portée à 43 ans (172 trimestres) d’ici à 2027, au lieu de 2035 comme le prévoyait la réforme Touraine votée en 2014, soit huit ans plus tôt.

Concrètement, pour toucher une pension complète, les travailleurs nés à partir du 1er septembre 1961 devront désormais avoir cotisé 169 trimestres (42 ans et trois mois) durant leur carrière, contre 168 trimestres actuellement (42 ans). Les travailleurs nés en 1965 seront les premiers à devoir cotiser durant 43 ans.

Le dispositif des « carrières longues » préservé…

Aucune personne ayant commencé à travailler avant 20 ans ne sera obligée de travailler plus de 44 ans. Aujourd’hui, le dispositif des « carrières longues » permet à ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans de faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans, et ceux qui ont commencé avant 16 ans de partir à 58 ans –  à condition d’avoir suffisamment cotisé (entre 42 et 45 ans selon les cas). Environ un retraité sur cinq prend sa retraite au titre de ce dispositif.

Avec la réforme du gouvernement, les règles changent selon l’âge d’entrée dans la vie active. Ceux ayant commencé à travailler avant 16 ans pourront donc toujours partir dès 58 ans. Ceux ayant été à pied d’œuvre à partir d’un âge compris entre 16 ans et 18 ans pourront faire valoir leurs droits à partir 60 ans. Et ceux ayant démarré leur vie professionnelle entre 18 et 20 ans pourront bénéficier de la retraite deux ans avant l’âge légal, soit, à terme, 62 ans. Autre changement : le congé parental sera désormais pris en compte dans le calcul des carrières longues.

… Tout comme celui des retraites anticipées

Par ailleurs, l’exécutif a confirmé qu’il préservait les conditions actuelles de départs anticipés des personnes concernées par les systèmes de reconnaissance du handicap (départ à partir de 55 ans à taux plein), de l’invalidité (à partir de 62 ans), de l’inaptitude (à partir de 62 ans) ou de l’exposition à l’amiante (à partir de 50 ans). Plus de 15% des départs en retraite se font dans ce cadre.

Les salariés ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle pourront toujours, sous conditions, partir à la retraite deux ans avant l’âge légal, c’est-à-dire à 62 ans au lieu de 60 ans. Les conditions pour accéder à ce départ anticipé seront assouplies.

Par ailleurs, les années passées comme aidants auprès d’un parent âgé ou d’un enfant en situation de handicap seront désormais comptabilisées dans le calcul des départs anticipés. Tout comme les trimestres passé en travaux d’utilité collective, un type de contrait aidé utilisé durant les années 1980.

Une meilleure reconnaissance de la pénibilité

L’accès au compte professionnel de prévention (C2P), qui permet aux salariés exerçant des métiers reconnus comme « pénibles » de cumuler des points notamment pour un départ à la retraite anticipée, sera élargi à de nouveaux salariés. Plus de 60 000 personnes supplémentaires seront concernées chaque année, promet le gouvernement, notamment parmi les travailleurs de nuit ou les salariés exposés à plusieurs risques professionnels. Ce compte permettra désormais de financer un congé de reconversion, afin de changer de métier en cours de carrière.

Les trois critères de pénibilité concernant les risques ergonomiques (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques), abandonnés en 2017, ne sont pas réintégrés tels quels dans la loi, comme le souhaitaient les syndicats. Le gouvernement va en revanche créer un « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle », doté d’un milliard d’euros sur le quinquennat. Il permettra d’aider à financer des actions de prévention et de reconversion pour les salariés exposés à ces risques. Par ailleurs, un « suivi médical renforcé » sera proposé à ces salariés à partir de la mi-carrière. Ils pourront, sur avis médical, bénéficier d’un aménagement de poste, de temps de travail, d’un accès renforcé à une reconversion, voire d’un départ anticipé à partir de 62 ans.

Des régimes spéciaux moins nombreux

La plupart des régimes spéciaux, qui permettent notamment de partir avant l’âge légal de départ, sont amenés à disparaître. Les nouveaux embauchés à la RATP, dans les industries électriques et gazières (EDF, Engie, etc.), à la Banque de France, mais aussi les clercs de notaires et les membres du Conseil économique social et environnemental (CESE) seront désormais affiliés au régime général. Cette mesure, appelée « clause du grand-père », est déjà appliquée aux nouveaux entrants de la SNCF depuis 2020. En revanche, les régimes autonomes (professions libérales et avocats), et ceux très spécifiques (marins, Opéra de Paris, Comédie française), continueront d’exister.

Les travailleurs des régimes spéciaux seront concernés par le décalage de l’âge légal et de départ et l’allongement de la durée de cotisation, mais en 2025 seulement. Un sursis justifié par le fait que la réforme Woerth de 2010, qui a relevé l’âge de départ de 60 ans à 62 ans, ne sera pleinement effective pour ces régimes qu’en 2024. La fonction publique continuera en revanche de bénéficier d’un mode de calcul avantageux de la pension de retraite, établi sur les six derniers mois et non les 25 meilleures années.

L’augmentation de la pension minimale à 1 200 euros brut pour les retraités

C’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, maintes fois martelée. Le gouvernement augmentera bien le minimum de pension de 100 euros par mois pour les personnes qui partiront à la retraite à partir du 1er septembre 2023. Un salarié qui a travaillé au smic toute sa vie touchera donc une pension de près de 1 200 euros brut par mois, soit 85% du smic net. A l’avenir, ce minimum de pension sera indexé sur le smic, et non l’inflation, afin que le ratio de 85% soit valable pour tous les futurs retraités. Cette mesure concernera les salariés, les artisans-commerçants et les agriculteurs.

Quid des retraités actuels ? Les parlementaires de la majorité étaient favorables à ce que cette revalorisation les concerne aussi. Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, avait notamment fait part de cette demande sur France Inter lundi. Le gouvernement a confirmé qu’il allait travailler à « une revalorisation » des pensions de ces retraités, avec l’objectif qu’eux aussi puissent toucher 85% du smic net, dès cette année. « Près de deux millions de petites retraites vont être augmentées », a fait valoir Elisabeth Borne. Mais elle renvoie à de nouvelles concertations avec les groupes politiques et les syndicats à ce sujet. La modalité de cette augmentation sera connue d’ici au 23 janvier.

Un « index seniors » obligatoire dans les grandes entreprises

En France, seul un tiers des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillaient en 2021, selon les données d’Eurostat. Un « index » mesurant l’emploi des seniors devra être instauré dans les entreprises de plus de 1 000 salariés « dès cette année », et pour celles de plus de 300 salariés en 2024. Cet index, très critiqué par le patronat, sera « simple » et « public ». « Le refus de renseigner l’index sera un motif de sanction », a précisé le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Il n’a pas détaillé les indicateurs qui serviront à mettre en place cet index, indiquant qu’ils seraient « définis à l’issue d’une concertation professionnelle ».

Par ailleurs, les fonctionnaires pourront désormais bénéficier de la retraite progressive. Ce dispositif, pour l’instant réservé aux salariés du privé et aux indépendants, permet de réduire progressivement son activité professionnelle et de toucher une partie de sa retraite en plus de son salaire à temps partiel.


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