A la Une

VIDEO. Affaire d’Outreau : « Le réel échappait à tout le monde », confie l’un des acquittés, dans un docu-fiction diffusé sur France 2

Ce fait divers hors norme mêlant inceste, réseau pédophile et suspicion de meurtre fait l’objet de quatre épisodes, diffusés les mardis 17 et 24 janvier.

C’est l’une des pages les plus sombres de l’histoire judiciaire, policière et médiatique française qui fait l’objet d’un docu-fiction diffusé sur France 2 mardi 17 et mardi 24 janvier. L’Affaire d’Outreau revient, plus de vingt ans après, sur cette histoire qui hante encore les mémoires et dont les blessures sont toujours vives, tant les dysfonctionnements furent légion. Sur la parole d’enfants abusés, dont les fils de Myriam Badaoui et Thierry Delay violés par leurs parents, 14 adultes furent injustement accusés, à partir de 2001, d’actes de pédophilie et d’inceste puis incarcérés. L’un d’eux mourût en prison en 2002, les 13 autres seront acquittés en 2004 et 2005, au terme de quatre ans de procédure et de deux procès. Ce fiasco aux conséquences dramatiques fut tel qu’une commission d’enquête parlementaire fut mise en place en décembre 2005 afin de faire toute la lumière sur ce qu’il s’est réellement passé. 

Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal, les auteurs et réalisateurs du documentaire, se sont emparés de manière totalement inédite de ce fait divers et révèlent les failles d’une enquête menée à charge : sacralisation de la parole d’enfants, affabulations et mensonges d’une mère maltraitante, inexpérience du juge d’instruction fraîchement nommé, présomption d’innocence des mis en cause piétinée… Sur un immense plateau de tournage, les réalisateurs mêlent reconstitutions des interrogatoires, jouées par des acteurs, et témoignages des vrais protagonistes. Une façon de plonger le spectateur au cœur de cette histoire dramatique. Quatre épisodes ont été nécessaires afin de faire comprendre les rouages de cette affaire et la spirale de mensonges dans laquelle se sont enferrés le couple Badaoui-Delay et leurs enfants.

Parmi les innocents incriminés, l’abbé Dominique Wiel, un voisin de palier de la famille. Alors que l’affaire a éclaté depuis déjà plusieurs semaines, Myriam Badaoui, incarcérée, se confie par écrit à ce prêtre ouvrier. « Elle va m’écrire plusieurs fois. En tout cas, elle ne savait pas que les enfants avaient parlé de moi », livre Dominique Wiel dans le documentaire. Plusieurs enfants vont déclarer à la police que l’homme d’église les a violés. Des propos que confirmera, après moult tergiversations, Myriam Badaoui lors d’une audition. 

« Le 14 novembre, je suis réveillé à 6 heures du matin par des coups frappés à la porte, révèle le prêtre. Il y a trois mecs qui se précipitent sur moi et qui me collent au mur (…) et ils m’embarquent. Le premier interrogatoire que j’ai avec un policier, il me dit : ‘Vous avez des dessins pornos sur votre mur. (…) Oui, des dessins pornos, il y a un cul dessiné sur le mur.’ Et là je réalise, c’était un cœur que les enfants avaient dessiné. (…) Ils pensent que ce cœur est un cul. »

« C’est là que j’ai compris que le réel échappait à tout le monde. Donc je me disais : ‘C’est pas grave, on est dans la fantasmagorie, donc un jour ou l’autre cela va s’évanouir’. »  

L’abbé Dominique Wiel

dans « L’Affaire d’Outreau » 

La vérité de cette affaire n’éclatera que quatre ans plus tard, et l’abbé Wiel passera 30 mois en prison, tout comme cinq autres accusés à tort. D’aveux en rétractations et expertises contradictoires, ce n’est que lors d’un procès en appel, en 2005, qu’ils seront totalement blanchis. 

La commission parlementaire qui fut créée à la suite de ce scandale transformera durablement l’appareil judiciaire et aboutira à des réformes marquantes de la procédure pénale : enregistrement des interrogatoires et auditions, présence obligatoire d’un avocat, création de pôles de l’instruction regroupant trois juges, limitation de la détention provisoire et renforcement du caractère contradictoire de l’instruction.

Les quatre épisodes du docu-fiction L’Affaire d’Outreau, réalisé par Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal, sont diffusés les 17 et 24 janvier à 21h10 sur France 2 et visibles sur france.tv.


Continuer à lire sur le site France Info