Les Chinois peuvent enfin voir leur « voisin Totoro » au cinéma
Koji Hoshino (à droite), patron des studios Ghibli, et l’actrice Qin Lan, lors de l’annonce de la sortie, en Chine, de « Mon voisin Totoro », le 10 décembre, à Shanghaï. KYODO NEWS / GETTY IMAGES
Le 14 décembre, trente ans après le Japon, Mon voisin Totoro est – enfin – sorti sur les écrans chinois. Un événement pour le cinéma japonais. Ce film d’animation de Hayao Miyazaki, datant de 1988, est le premier produit par les célèbres studios Ghibli à avoir accès à ce marché, désormais le plus important au monde.
Si les productions de la société fondée par Hayao Miyazaki et Isao Takahata en 1985 sont présentes sur les marchés de DVD piratés, aucune n’est sortie légalement. Pékin n’autorise l’importation que de quelques dizaines de films étrangers par an. Essentiellement des blockbusters américains ainsi que quelques productions indiennes, sud-coréennes et françaises. Les longs-métrages japonais n’ont droit qu’à une place marginale et doivent batailler. Six ans de négociation furent nécessaires pour que Totoro apparaisse sur les écrans chinois.
Un show à la gloire de Totoro
Et l’attente du public est forte. Lundi 10 décembre, plus de 137 000 personnes avaient préacheté des tickets, environ dix fois plus que pour les autres sorties de la semaine. La conférence de presse, organisée le même jour à Shanghaï, fut surréaliste. Aucune question n’y a été posée. L’événement a pris la forme d’un show à la gloire de Totoro. Le cinéaste Hayao Miyazaki n’avait pas fait le déplacement. Mais Qin Lan, la jeune actrice qui prête sa voix à la mère des deux petites héroïnes dans la version chinoise, s’était rendue au Japon quelques jours plus tôt pour discuter avec le septuagénaire au regard à la fois doux et espiègle. « La principale leçon du film est qu’il faut préserver la nature », lui a-t-il expliqué. Un message qui n’avait rien d’évident il y a trente ans et auquel le public chinois devrait également être sensible.
Miyazaki s’est déjà publiquement étonné d’être aussi connu en Chine. Lors de la fameuse conférence de presse sans questions, l’animatrice a lu quelques messages de fans. « Je regarde vos films depuis tout petit. Je vous aime », lui écrit l’un d’eux. « À chaque fois que j’ai un chagrin, je regarde un de vos films », témoigne un second. Cet été, histoire sans doute d’alimenter le teasing, Shanghaï a hébergé une grande exposition consacrée aux productions de Miyazaki et Takahata.
Alors que dix salles de cinéma s’ouvriraient chaque jour en Chine, le pays a aussi besoin de films étrangers pour répondre à la demande d’une classe moyenne urbaine de plus en plus internationalisée.
L’arrivée des studios Ghibli en Chine n’est pas qu’un conte pour enfants. L’année 2018 marque le quarantième anniversaire du traité de paix et d’amitié signé avec le Japon. Rivaux sur bien des sujets, les deux pays, déstabilisés à des degrés divers par la politique de Donald Trump, cherchent à se rapprocher. Le cinéma est l’un des outils de cette politique.
Pékin et Tokyo ont d’ailleurs signé en mai un accord favorisant la coproduction de films. Mais encore faut-il que la Chine permette aux cinéphiles d’avoir accès aux œuvres japonaises. On peut compter sur le succès récent de quatre productions nippones en Chine : trois longs-métrages d’animation (Your Name, Doraemon et Detective Conan) et Une affaire de famille, de Kore-eda, Palme d’or à Cannes en 2018.
Alors que dix salles de cinéma s’ouvriraient chaque jour en Chine, le pays a aussi besoin de films étrangers pour répondre à la demande d’une classe moyenne urbaine de plus en plus internationalisée. Une aubaine pour les studios Ghibli, qui espèrent bien que le succès attendu de la version restaurée de Mon voisin Totoro ne soit que le premier d’une longue série.
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