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Elow’n, en solo après Kiff No Beat

Au fil des années, Elow’n s’est fait une place sur la scène rap en Côte d’Ivoire. « Fils d’un instituteur ayant réussi à devenir artiste » comme il le dit lui-même et membre historique du groupe Kiff No Beat, il vient de produire 13 titres inédits pour son premier album solo Le Retour de la pierre. Interview.

RFI Musique : Dans le titre 2005 à 2008, extrait de l’album Le Retour de la pierre, vous parlez du décès de votre père et de la période où « Elow’n », le débrouillard, commençait à écrire son histoire…
Elow’n : Oui, c’est vraiment la période où l’histoire d’Elow’n a commencé à s’écrire puisque c’est à partir de ce moment que je suis devenu l’homme de la maison. Il n’y avait plus personne pour me soutenir après le décès de mon papa. La vie a fait de moi un guerrier. Chez nous, les Akan (ethnie de Côte d’Ivoire, ndlr), quand le père n’est plus là, il n’y a pas d’héritage qui revient à la mère. C’est soit pour les neveux, soit pour les oncles. Donc, on nous a dépouillés de tous nos biens et laissés à la rue.

Le rap est la musique qui vous a sauvé de la rue et c’est avec votre cousin Gnagbo Gnahore, dit Black K, que vous avez commencé l’aventure ?
Quand j’ai eu mon bac, j’ai quitté mon village pour littéralement débarquer à Abidjan chez mon oncle Boni Gnahore, son père, chanteur et percussionniste de renom. Je dois aussi préciser que Black K est le seul cousin que je fréquentais depuis mon enfance. Et c’est de là que j’ai écrit mes premières rimes avec lui. On a fondé un groupe qu’on a appelé Atoukou 2 dans un premier temps. Puis, on a appelé ce groupe KNB qui est devenu Kiff No Beat avec le parcours que l’on connaît aujourd’hui.

12 ans plus tard, chaque membre du groupe s’est lancé en solo. C’est avec le single prémonitoire Demain yapa cours que vous avez sauté le pas, mais sa promo a été stoppée par la pandémie de coronavirus en 2020…
Quand j’ai commencé à faire du rap, on m’appelait « Elow’n Le Prophète ». On a sorti une chanson qui s’appelle Ce n’est pas bon dans laquelle j’ai dit la phrase « …Et libérer Gbagbo« , puis quelque temps plus tard, il a été libéré. Ensuite, quand j’ai écrit la chanson Demain yapas cours en février 2020, au mois de mars qui a suivi, ils ont fermé toutes les écoles à cause du confinement. Et ça a vraiment boosté le single. J’ai confirmé que j’étais un prophète. Mais le côté négatif de tout ça, c’est que j’étais assis à la maison à cause du coronavirus alors que mon single marchait bien et était devenu populaire (rires).

En fin d’année 2020, vous récidivez avec Doucement Oh et vous déclarez que votre carrière n’a véritablement commencé qu’avec ce titre, sans compter les années Kiff No Beat. Vraiment ?
Je considère que les années Kiff No Beat, c’était une formation pour me préparer à devenir l’artiste solo que je suis maintenant. Un peu comme lorsqu’on fait des études supérieures pour devenir docteur, pendant sept ans (rires). Donc aujourd’hui, je suis arrivé à maturation. Ma carrière a enfin commencé.

L’album Le Retour de la pierre est disponible depuis le 13 juillet. Pourquoi ce nom ? Où était la fameuse pierre avant cette date ? 
En fait, la première explication, c’est qu’il s’agit d’une métaphore pour nommer le karma autrement. Certaines personnes auraient appelé ça, les répercussions. C’est juste pour dire qu’aucune action ne va rester impunie. Le retour de la pierre, c’est le retour de bâton. La deuxième explication ou le deuxième sens, c’est que la pierre qu’on a rejetée au départ est devenue la pierre angulaire, la pierre principale. C’est donc Le Retour de la pierre sur laquelle repose tout le reste.

Didi B et vous, êtes les premiers du groupe Kiff No Beat à avoir sorti un album solo. Peut-on dire que le rap ivoire de votre génération est en train de se mettre en pole position des musiques urbaines d’Afrique francophone ?
Il y a longtemps que le rap ivoire est en pole position. À l’époque, quand on a commencé à rapper, il n’y avait que le coupé décalé et le zouglou dans les médias et les boîtes de nuit. Il n’y avait pas de rap en tant que tel. Voir des artistes rap qui faisaient des concerts au Palais de la culture, c’était impossible. Ça n’avait jamais existé avant nous. Mais depuis 2015 et le titre Tu es dans pain, le rap ivoire s’est définitivement installé dans la culture ivoirienne, avec sa propre identité. Et grâce à l’effort de Kiff No Beat, le rap ivoire existe partout en Afrique.

Lorsque vous avez décroché le titre de Meilleur rappeur africain parolier à la cérémonie Afrima 2021, vous auriez préféré que ce soit un trophée pour tout le groupe Kiff No Beat …
Oui, je n’ai pas été éduqué à célébrer les grands évènements, seul. Ça a été une revanche parce qu’avec Kiff No Beat, on avait été nominé à la même cérémonie, mais on n’avait pas remporté le trophée. Mais quand j’ai été nommé en solo, je l’ai eu. J’aurais juste souhaité que ce soit un trophée qu’on aille chercher ensemble, car je suis plus dans un état d’esprit de groupe que solo. Le bonheur se savoure mieux en groupe.

 

 

Cet album de 13 titres regorge de collaborations prestigieuses, notamment avec Josey, Kikimoteleba, Fanny J, Suspect95, Santrinos Raphaël, Jupiter Davibe, et Lil Jay Bingerack. Vous avez volontairement laissé Ropéro, ton duo avec Black M, de côté. Pourquoi ?
En fait, ce son est sur l’album, mais uniquement en bonus, car les gens l’avaient déjà écouté. Je voulais que les 13 titres présents sur l’album soient exclusifs. La version digitale ne contient pas ce single, mais dans la version physique de l’album, qui sortira au mois d’août, Ropéro y figurera. D’autant plus que Black M et moi, on a développé une belle amitié depuis cette collaboration. Il est devenu un membre de la famille.

Votre père aurait été fier de l’artiste que vous êtes devenu aujourd’hui ? Qu’auriez-vous aimé lui dire ?
Sans aucun doute, il aurait été fier. S’il était là, on serait en train de chiller (s’amuser) ensemble en ce moment (rires), parce que, à l’heure où je vous parle, je suis à Adzopé (ville du sud de la Côte d’Ivoire, ndlr). Je suis venu voir ma mère et lui, il n’est pas là, il nous manque. Mais je sais que depuis là où il est, il s’enjaille. Je poursuis la mission qu’il m’a confiée : prendre soin de ceux qui sont restés. On propage le nom de la famille le plus loin possible, son nom est sur la cover d’un album qui va faire le tour du monde. De là-haut, il m’envoie les « douaou », ça veut dire les bénédictions.

Comment envisagez-vous la suite après Le Retour de la pierre ?
Attendez-vous à voir les clips avec tous les featurings. D’abord avec Suspect 95, on va mettre en image notre duo Couchez-vous pour le mois d’août. Puis, je vais faire le clip avec Josey, Lil Jay, Jupiter Davibe, Santrinos…Je vais vraiment faire le maximum de clips possibles. Toutes les chansons que mon peuple a validées. Ensuite, il y aura une tournée africaine avant d’arriver aussi en Europe. Restez concentrés !

Elow’n Le Retour de la pierre (Peuple de Moïse) 2022

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