Awa Ly et HK, la musique, espace-refuge face au racisme
La voix magnétique d’Awa Ly et la plume engagée de Kaddour Hadadi (HK) sont réunies sur l’album Un autre rendez-vous. Onze titres conçus comme une contre-offensive face aux discours racistes et xénophobes de ces dernières années en France. Une caisse de résonance salutaire aux luttes poétiques et politiques qui les combattent.
Imaginez-vous, le temps d’un disque de onze titres, sous le dôme d’un cabaret « sous les étoiles », voyageant, en musique, de la casbah d’Alger aux bords de Seine. Imaginez encore, « quand règne la méfiance et que les langues se délient, qu’on insulte la bienveillance et qu’on méprise l’empathie », que l’on vous propose cet « espace-temps refuge » où demander l’asile. C’est ce que chantent Kaddour Hadadi, alias HK, et Awa Ly sur le morceau Welcome de leur album Un autre rendez-vous qui vient de sortir.
Le projet est d’abord un spectacle, écrit en 2019, intitulé Welcome Alykoum qui réunit les deux artistes, et imaginé avec Méziane Azaïche du Cabaret Sauvage à Paris, la metteure en scène Géraldine Bénichou et la journaliste Rokhaya Diallo. Le collectif ainsi constitué dénonce le racisme ambiant en France et les dérives politico-médiatiques qui l’entretiennent, tout en déployant des chemins pour un vivre ensemble apaisé, avec l’Amour pour boussole.
La pandémie de Covid 19 suspend le déploiement d’une tournée de Welcome Alykoum. Mais la bande-son, elle, existe désormais et n’en finit pas de résonner. « Quand on écrivait ce spectacle, Zemmour était encore chroniqueur. Depuis, il a été candidat à la présidentielle. Et le jour où on a sorti le morceau Etrange étrangère, il y a eu ce député à l’Assemblée nationale qui a hurlé : ‘Retourne en Afrique' », s’indigne HK.
Contre ces discours qui enferment et divisent, le duo enchaîne les morceaux qui invitent, poétiquement toujours, « comme sur un fil », « sans peur et sans détour », à inventer d’« improbables peut-être », le regard tourné vers l’horizon sans nier les enjeux de mémoire et d’histoire.
Une communauté de destins
Héritage algérien pour Kaddour Hadadi, sénégalais pour Awa Ly, les deux sont nés en France : « Dans cette société fracturée, il y a des enfants de colonisés, d’anticolonialistes, de soldats, etc. Nous sommes dans une communauté de destins, nous n’avons pas choisi de naître là, on y est, qu’est-ce qu’on en fait ? La phrase de Martin Luther King reste d’actualité : ‘on est condamnés à vivre ensemble comme des sœurs comme des frères ou à mourir ensemble comme des cons’« insiste Kaddour dans la lignée des engagements qu’il porte depuis les années 2000, que ce soit avec le groupe de rap MAP (Ministère des Affaires populaires) à Roubaix, celui de musiques plus festives HK et les Saltimbanques ou plus récemment sur des projets comme Les Déserteurs où il reprend des classiques de chansons françaises sur des airs chaâbi. « Y a-t-il un nous que l’on puisse inventer ? », entonne le duo sur le titre éponyme Un autre rendez-vous.
La chanson Je suis décrit un des chemins possibles : se souvenir et s’indigner ensemble contre toutes formes d’oppressions. Le morceau mentionne les victimes des attentats de Charlie Hebdo, les noms d’Adama Traoré, de Zyed et Bouna ou encore d’Ali Ziri : « Je rêve du jour, partage Kaddour, où on arrivera communément à dire que je m’identifie à ces gens, à leurs familles, à leurs douleurs ; à ceux, qui, pour un dessin se sont fait assassiner par des barbares terroristes, et à ces enfants de nos quartiers morts entre les mains de personnes qui étaient censées les protéger ».
Le voyage dans lequel nous embarque Awa Ly et HK tout autant historique, géographique, que tourné vers l’avenir, convoque aussi Jacques Prévert, avec la reprise de Etrange étranger où déjà, en 1951, le poète chantait la France populaire composée de toutes ses histoires de migrations.
Aimer et accepter ce qui nous entoure
L’album oscille alors entre morceaux d’indignation et de conscientisation, des titres plus festifs conviant à l’action dans cette « irrévérence élégante » chère à HK, et d’autres opus plus introspectifs et intimistes sur un air de balade tel que Comme sur un fil. « Nous proposons plusieurs rendez-vous, confie ainsi Awa Ly, qui termine la tournée de son très bel album Safe and Sound. Au niveau collectif, au lieu de d’abord se taper dessus, si on essayait d’être dans une démarche d’amour, de dire : ‘viens comme tu es, peu importe ta couleur, ta religion, qui tu aimes, je te vois réellement comme tu es’. Ce n’est pas un discours bisounours ou à l’eau de rose. Essayons pour voir ! Et puis c’est un rendez-vous avec soi aussi. Pour pouvoir aimer et accepter ce qui nous entoure, il faut commencer par s’aimer soi-même ».
Les textes d’Un autre rendez-vous signés par HK, sont tour à tour interprétés par lui-même, Awa Ly ou en duo. Et ce, dans une complémentarité qui sonne juste du début à la fin, tant sur la forme que sur le fond. Là où Kaddour va déployer le registre de la lutte collective, Awa Ly va la porter, par sa voix et ce qu’elle fait résonner, avec une attention particulière à la connexion spirituelle, intérieure.
Plus qu’un dialogue, c’est une harmonie qu’ils dégagent et offrent depuis ce cabaret utopique. Sans naïveté, avec poésie, c’est la politique au sens de bien commun, qui brasse de l’intime au collectif, qu’ils ravivent, pour que nous sentions, dans un refrain plein d’espérance, « nos âmes sur la même longueur d’onde, positives et rebelles, nomades et vagabondes ».
Awy Ly et HK Un autre rendez-vous (Blue Line) 2022
Page Facebook d’Awa Ly / Facebook de HK
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