Côte d'IvoireFior 2 BiorMusiqueMusique africainePortraitRap

La dimension parallèle de l’Ivoirien Fior 2 Bior

L’artiste ivoirien Fior 2 Bior lors des Rencontres Musicales Africaines 2022. © RFI/Bertrand Lavaine

Monté dans l’ascenseur médiatique par l’intermédiaire des réseaux sociaux, Fior 2 Bior est devenu en quelques années une valeur du rap ivoire qui saisit toutes les opportunités comme l’a souligné son duo avec le Franco-Congolais Niska. Portrait d’un artiste qui prend plaisir à cultiver sa différence.

Sur la scène installée à quelques pas de l’imposant Monument aux Héros nationaux de Ouagadougou, en ce début décembre 2022, Fior 2 Bior fait monter des spectateurs les uns après les autres pour tester leurs aptitudes à danser sur ses sons, tandis que le public manifeste bruyamment. Les candidats ne manquent pas pour l’exercice, car les chansons du rappeur ivoirien invité pour la clôture de la cinquième édition des Rencontres musicales africaines ont traversé les frontières depuis ses récents débuts. La première fois qu’il a joué en dehors de son pays natal, c’était justement au Burkina Faso en décembre 2020 pour Sunday Ouaga, avant d’y retourner pour le concert du local Huguo Boss avec lequel il avait enregistré Benga.

Entre temps, les choses se sont encore accélérées pour celui qui est souvent considéré comme le « nouveau phénomène de la musique ivoirienne ». À l’origine, un passage en janvier 2021 dans l’émission télé Wam où artiste et animateur s’amusent, dansant et chantant « Gnonmi avec lait qui est bon » (le gnomi est un beignet de mil très populaire). Dans l’avion qui l’emmène en Côte d’Ivoire, le rappeur franco-congolais Niska découvre la vidéo, devenue virale, et la partage.

Réseaux sociaux

Honoré, Fior lui propose d’aller plus loin et d’en faire un morceau ensemble. Résultat ? Gnonmi avec lait, qui totalise aujourd’hui plus de 28 millions de vues sur YouTube, et a permis à l’Ivoirien de se produire avec son « grand frère » à l’Accor Arena à Paris en novembre 2022 devant près de 17 000 personnes. « C’était lumineux », se souvient-il, sans oublier d’ajouter que « Niska a un grand cœur ».

Dans son jeune parcours, le rôle des réseaux sociaux s’est avéré déterminant, illustrant indéniablement un changement d’époque et d’outils pour sortir de l’ombre, révéler un talent. « C’est parti d’un buzz », raconte celui qui ne s’était jamais sérieusement imaginé un futur dans la musique et a cessé les études après le bac.

La première fois qu’il a fait parler de lui, il s’agissait d’un freestyle quasi informel, « au quartier, avec deux ou trois potes », rappelle-t-il. Mise en ligne, la séquence fait son effet. « Ça m’a stressé », confie l’artiste de 23 ans qui comprend aussitôt que « c’est compliqué de garder le niveau quand tu es au top ».

L’enfant d’Anoumabo, quartier d’Abidjan rendu célèbre par le quatuor Magic System, est rapidement repéré par Ariel Sheney, l’un des acteurs du coupé décalé les plus en vue, qui le met en studio pour obtenir Kpokpopouho Soualélé, en 2019. Si Fior explique avoir grandi en écoutant « un peu de tout », sans privilégier un courant musical à un autre, son affiliation à la scène du rap ivoire relève d’une logique conjoncturelle, voire générationnelle. En témoignent ses collaborations avec Serge Beynaud ou DJ Lewis, autres héritiers de DJ Arafat.

Ambianceur

À y regarder de plus près, ses liens avec le mouvement initié par la bande de Douk Saga au tournant du siècle transcendent les frontières stylistiques et les époques : n’est-il pas question chez lui uniquement d’ »ambiancement » à coups de pas de danse, de codes bling-bling, le tout saupoudré d’un désir de provocation ? La forme au détriment d’un quelconque fond, quitte à interroger sur la nature de sa démarche, à la limite de l’entertainment.

Qu’importe si son langage et ses expressions, débitées dans un flux hypertonique sinon énervé, ne sont pas toujours compris – pour autant qu’ils puissent l’être, dans la mesure où les allitérations et autres sons semblent remplir la fonction de percussions vocales. Le Gbopkarada, son surnom, suscite souvent la polémique, comme récemment avec l’ex-chanteuse de coupé décalé Claire Bahi désormais pasteur évangéliste. Il s’en joue, cultive ce personnage énigmatique, « traversé par le Saint-Esprit » qu’il s’est construit. « Je suis plusieurs personnalités », reconnait-il.

Autant Fior 2 Bior peut être volubile et excessif, autant Ali Djomosoukpa « Junior » Ake (son nom à l’état civil) était en grandissant un garçon… timide ! Impossible à cette période d’imaginer mener publiquement le mode de vie qui est devenu le sien, au regard de son environnement familial évoqué dans les paroles de Gnonmi avec lait, et risquer de porter atteinte à l’image de ce père député suppléant de Marcory, une des communes qui forment Abidjan.

« Après son décès, il fallait que je devienne un homme. Il fallait que j’écrive mon histoire », considère le rappeur. À coup sûr, la façon dont il a commencé à la faire ne préjuge en rien de celle qu’il adoptera par la suite.

Facebook / Twitter / Instagram / YouTube


Continuer à lire sur le site France Info