Impôts, emploi, éducation… : ce que Macron a déjà fait
Emmanuel Macron a lancé un vaste programme de réformes économiques et sociales pendant la première année de son quinquennat. Tour d’horizon :
Un « cocktail fiscal » pro-entreprise
Durant sa campagne, Emmanuel Macron avait fixé comme cap de réduire la dépense publique pour alléger la fiscalité des ménages comme des entreprises. Après un débat budgétaire chargé à l’automne, son programme fiscal a été adopté dans les grandes lignes. Réforme de la fiscalité du capital, suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, transfert de cotisations salariales sur la CSG des retraités, baisse de l’impôt sur les sociétés… Ce cocktail n’a pas suscité la résistance que l’on aurait pu attendre, sauf peut-être de l’opposition à gauche qui est parvenue à installer une étiquette de « président des riches », avec la suppression de l’impôt sur la fortune .
La phase d’entrée en vigueur de ces réformes, à compter du 1er janvier 2018, s’est avérée plus délicate. Les pensions des retraités pénalisés par la hausse de la CSG sont tombées en même temps que les affaires du ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, celui le mieux à même de « faire la pédagogie » des réformes. La polémique sur le pouvoir d’achat s’est mise à enfler, alimentée par un chiffre de l’Insee montrant que les ménages seront perdants en 2018.
Ce qui est en cause, c’est que la hausse de la CSG s’est faite en une fois au 1er janvier, tandis que la baisse des cotisations pour les salariés a été étalée entre janvier et octobre. Les salariés, gagnants de ce transfert, ne perçoivent pas encore vraiment leurs gains de pouvoir d’achat. C’est ce qui a poussé le gouvernement à relancer une promesse de campagne sur la défiscalisation des heures supplémentaires , annoncée pour 2020.
Le chantier le plus délicat à venir reste sans doute celui de la fiscalité locale. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis, pendant sa campagne, d’exonérer 80 % des ménages de taxe d’habitation, le Conseil constitutionnel a donné son blanc-seing à cette mesure à condition que la taxe disparaisse pour tous. Le gouvernement s’est embarqué dans une vaste réforme des impôts locaux qui risque, elle aussi, d’induire des transferts importants.
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Code du travail : le grand chambardement
Il l’a dit et il l’a fait. Contrairement à son prédécesseur, Emmanuel Macron avait inscrit dans son programme une profonde refonte du Code du travail et il s’y est attaqué dès son entrée à l’Elysée. La réforme a été menée tambour battant, mais la méthode d’élaboration de la réforme, un peu à la hussarde au départ, a été un peu aménagée : si le gouvernement a procédé par ordonnances, les syndicats et le patronat ont été reçus de nombreuses fois.
Le contenu de la réforme porte la trace de cette concertation : la négociation de branche n’a pas disparu totalement et la possibilité de contourner les syndicats ne concerne que les entreprises de moins de 20 salariés. Mais globalement, c’est bien une révolution qui est entrée en vigueur avec la promulgation, le 29 mars, de la loi de ratification des ordonnances prises en septembre dernier.
La place de la négociation collective par rapport à la loi a été considérablement renforcée et, au sein de cette négociation collective, c’est le niveau de l’entreprise qui est privilégié par rapport à celui de la branche. Désormais, de nombreuses règles seront fixées directement entre l’employeur et les représentants de ses salariés.
Les structures du dialogue social ont en outre été simplifiées. Une instance unique de représentation du personnel est substituée aux trois existantes jusqu’à présent. Fini le comité d’entreprise (CE), le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les délégués du personnel, place au comité social et économique (CSE).
A ce chamboulement se sont ajoutées de nombreuses mesures à destination des entreprises. C’est le cas en particulier du plafonnement des dommages et intérêts en cas de condamnation pour licenciement abusif, qu’Emmanuel Macron avait échoué à obtenir quand il était à Bercy. Mais c’est une autre mesure qui a fait parler d’elle aussitôt les ordonnances adoptées : la rupture conventionnelle collective qui permet de mettre en place un plan de départs volontaires sans passer par la procédure de plan social, à la condition d’obtenir un accord avec des syndicats représentant une majorité de salariés aux élections professionnelles.
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Formation professionnelle, assurance-chômage : le retour en force de l’Etat
Après avoir fait passer ses ordonnances sur le Code du travail sans encombre, le gouvernement vient de boucler l’acte II de ses réformes sociales sur l’apprentissage , la formation professionnelle ou l’assurance-chômage , mais au prix d’une nette détérioration de ses rapports avec les syndicats et le patronat.
Prévu pour être présenté le 27 avril en Conseil des ministres, le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » porte bien des droits nouveaux pour les actifs, dans le droit fil des promesses de la campagne présidentielle, mais ils sont édulcorés à l’arrivée. Il en va ainsi de la prise en charge des démissionnaires ou des indépendants par l’Unédic.
Mais, aussi bien sur la méthode que par le mélange de libéralisation et de reprise en main par l’Etat qui s’en dégage, Emmanuel Macron a imposé ses vues aux partenaires sociaux, lesquels ont le sentiment d’avoir négocié pour pas grand-chose. Ainsi en est-il du passage en euros du compte personnel de formation (CPF) , au nom d’une plus grande lisibilité du dispositif. Mais aussi de la création de France compétences, une agence nationale qui va absorber les structures paritaires de la formation, même si syndicats, patronat et régions auront voix au chapitre, promet Muriel Pénicaud, la ministre du Travail.
Autre front ouvert, la collecte des fonds mutualisés de formation sera assurée par les Urssaf et la Caisse des Dépôts servira de banque centrale . La pilule est d’autant plus dure à avaler que les futures négociations des conventions Unédic seront encadrées par le gouvernement, traduction, là encore, d’un engagement de campagne.
S’ils ont beaucoup perdu en autonomie sur la formation professionnelle et l’assurance-chômage, les partenaires sociaux ont, en revanche, beaucoup gagné sur l’apprentissage, au détriment des régions. Celles-ci sont d’autant plus remontées que le gouvernement a renié sa parole puisqu’elles ne distribueront pas les 700 millions d’euros de la future aide unique associée.
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Des réformes au pas de charge, de la maternelle à l’université
« De la maternelle à l’université , on change tout comme ça n’était pas arrivé depuis Jules Ferry », a affirmé Emmanuel Macron la semaine dernière sur TF1 . De fait, rares sont les pans du système éducatif qui, depuis un an, ont échappé au vent de la réforme. Cela a d’ailleurs valu au ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, le surnom de « CTRL-Z » !
La mesure phare, portée pendant la campagne présidentielle, a été lancée dès le début du quinquennat : des classes de douze élèves pour les CP et les CE1 des écoles défavorisées « pour que personne (n’en) sorte sans mal lire et écrire », selon le ministre. En septembre 2017, 2.500 CP ont été dédoublés dans les réseaux dits « REP + » ; 3.100 autres doivent l’être dans les « REP » en septembre 2018. Mais, concernant les CE1, le gouvernement ne s’engage que pour 2019 : tous les CE1 « REP + » et la plupart des CE1 « REP » devront alors avoir été dédoublés. Derrière cette prudence se posent les questions sensibles d’immobilier et de fermeture des classes rurales.
La réforme du bac a été lancée, avec un nouvel examen pour 2021 qui doit faire la part belle au contrôle continu et sur lequel tous les prédécesseurs de Jean-Michel Blanquer ont échoué. Au lycée, la fin des séries S, ES et L du bac général est engagée.
Le tout, en lien avec des prérequis à l’entrée à l’université , définis sur la nouvelle plate-forme Parcoursup, qui a succédé au très décrié portail Admission post-bac (APB). La réforme suscite des oppositions. Des universités ont été bloquées. Par des « professionnels du désordre », a dénoncé Emmanuel Macron. Mais les critiques viennent aussi des rangs de la droite où l’on juge que la sélection ne va pas assez loin. Les syndicats d’enseignants estiment, eux, que les réformes vont « trop vite ».
Reste à savoir si, dans ce contexte, l’exécutif mettra en oeuvre la réforme de l’évaluation que l’entourage d’Emmanuel Macron considérait, durant la campagne, comme le « puissant outil de transformation de l’école ». Avec la création d’une « agence du diagnostic et de l’accompagnement » qui, pour l’instant, se fait attendre.
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Déficit public : une première victoire en pointillé
Dix ans que cela n’était pas arrivé. La première année du quinquennat d’Emmanuel Macron s’est conclue sur le plan budgétaire par le retour tant espéré du déficit public sous la barre des 3 % du PIB , à 2,6 % à la fin 2017. Jusqu’au bout, le gouvernement aura lutté pour parvenir à ce ratio, le pataquès fiscal lié à la taxe à 3 % sur les dividendes ayant bien failli tout faire capoter à l’automne.
Si ce résultat, attendu depuis des années par nos partenaires européens, constitue un symbole important pour celui qui avait inauguré sa présidence avec « L’Hymne à la joie » européen, elle n’occulte pas pour autant la tâche qui reste à mener. Car cette embellie budgétaire doit beaucoup à l’accélération de la croissance, finalement établie à 2 % l’an dernier. Cela a notamment gonflé les recettes fiscales et de cotisations, au point que le taux de prélèvements obligatoires a bondi à un nouveau pic , à 45,4 % du PIB.
En revanche, tout reste à faire en matière de contrôle des dépenses publiques. Celles-ci ont progressé de 2,5 % l’an dernier (1,5 % hors inflation) et représentent, comme en 2016, environ 56,5 % de la richesse nationale. La promesse présidentielle d’une baisse de 3 points de PIB de ce niveau de dépenses publiques d’ici à la fin du quinquennat n’est donc pas encore amorcée pour le moment.
Au sein même de la majorité, on convient que le budget 2018 ne s’est, lui aussi, attaqué que très partiellement au problème. Après avoir parlé l’été dernier de geler la dépense publique en volume (hors inflation), le gouvernement a préféré opter pour une petite hausse de + 0,6 %. Cela reste inférieur au + 1,1 % constaté de 2012 à 2016, mais cela ne suffira pas à tenir l’objectif assigné par Emmanuel Macron. En réalité, la stratégie du président en matière de dépenses publiques reste floue , le gros des économies ayant été renvoyé à 2020 quand la réforme de l’Etat aura été lancée .
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Environnement : une taxe carbone coûteuse
« Je ne suis pas un activiste du climat depuis des décennies. » Emmanuel Macron le reconnaît lui-même, il ne s’est jamais très investi dans l’écologie. Tout au plus promettait-il dans son programme de campagne un plan d’investissement pour la transition énergétique et une trajectoire ambitieuse pour la taxe carbone, des propositions alors passées inaperçues. Les circonstances ont fait que l’environnement a occupé une place non négligeable dans la première année du quinquennat.
Son mandat débute par une belle prise. Emmanuel Macron s’offre une caution écologique avec l’entrée au gouvernement de Nicolas Hulot , alors même que ce dernier avait décliné les propositions des trois précédents présidents. Un mois plus tard, le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris lui donne l’opportunité de prendre le leadership sur le sujet. Son tweet « Make our planet great again » fait le tour du monde en quelques heures.
Ces intentions se sont-elles traduites dans les faits ? Présenté début juillet, le plan climat de Nicolas Hulot se veut ambitieux. Baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique, sortie du charbon, fin des voitures thermiques en 2040 font partie des objectifs les plus emblématiques.
La mesure la plus concrète reste sans doute la montée en charge de la contribution climat-énergie, plus connue sous le nom de « taxe carbone », de même que le rapprochement de la fiscalité du gazole et de l’essence. Cette trajectoire avait déjà été amorcée sous le quinquennat Hollande, mais elle a été accélérée par Emmanuel Macron. A court terme, elle s’avère coûteuse sur le plan politique. La polémique sur le pouvoir d’achat, début 2018, s’est ancrée, en plus de la CSG , sur la hausse du prix des carburants, sachant que les taxes sur le diesel ont augmenté de 10 % en ce début d’année. Et les mesures en faveur des ménages modestes, comme le chèque énergie, n’impriment pas dans l’opinion.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Notre infographie sur le bilan de 33 actions menées en 2017-2018… ou pas :
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