EconomiePolitique - Société

Macron : en un an, beaucoup de réformes, peu de révolutions

Un vrai changement ! En un an, l’économie française semble déjà toute requinquée.  L’activité est solide , le chômage baisse,  le déficit public recule – cette année, un peu au-dessus de 2 % du PIB, au plus bas depuis 2006. L’effet Macron est impressionnant. Sauf que ces bons chiffres ne doivent rien, ou si peu, à la politique du nouveau président. Ils viennent de l’embellie conjoncturelle à laquelle François Hollande avait rêvé pendant tout son quinquennat.

Rythme infernal

Le vrai effet Macron, lui, se fera sentir bien plus tard. Dans toute réforme, il y a en effet quatre temps : le projet du gouvernement, la loi votée par le Parlement, les décrets d’application et enfin la pratique. Dans la loi El Khomri, il y a eu descente brutale entre le premier et le deuxième temps. Pour les accords de maintien dans l’emploi créés par la loi sur la sécurisation de l’emploi votée en 2013, le changement a échoué dans le quatrième temps, avec seulement une poignée d’accords signés. Or dans ce début de quinquennat Macron, seules deux grandes réformes ont passé les trois premiers temps : fiscalité et  Code du travail .

L’appréciation est d’autant plus épineuse que le président impulse un rythme infernal de réformes. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de Jacques Chirac, avait théorisé la vertu d’une réforme par an. Benjamin Griveaux, le porte-parole de l’actuel gouvernement, plaisante à peine en parlant d’une réforme par semaine ! Même le général de Gaulle n’avait pas autant secoué le cocotier en 1958. Il faut remonter en 1946 pour retrouver pareille effervescence législative. Voire à la Révolution. « Révolution »… c’était le titre du livre avec lequel Emmanuel Macron avait fait acte de candidature à l’élection présidentielle fin 2016.

Chantiers clos mais souvent inachevés

Changements du réel ou feu d’artifices ? Trois économistes ont forgé ce qui pourrait être une grille d’évaluation du chemin parcouru. En 2014, Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen avaient publié un livre titré « Changer de modèle » chez Odile Jacob. Ils y présentent un ensemble cohérent de réformes que l’on pourrait qualifier de sociales-libérales, inspiré de ce qui s’est fait dans d’autres pays. Le projet d’Emmanuel Macron s’inscrit exactement dans cette lignée.  Ce qui n’est pas surprenant , car Aghion et Macron se sont beaucoup appréciés au sein de la Commission Attali.

Le trio d’économistes propose trois grands volets : réforme fiscale, réformes structurelles, réforme de l’Etat. Sur l’impôt, le gouvernement a mis en oeuvre leurs principales recommandations, à l’exception du coup de balai dans les niches fiscales :  baisse des cotisations compensées par une hausse de la CSG , diminution de l’impôt sur les sociétés, taxation du capital à 30 %.

Sur les réformes structurelles, Emmanuel Macron et son équipe ont agi tous azimuts.  Dédoublement des classes de CP dans les quartiers défavorisés, ajustement des compétences à l’ entrée à l’université , refondation de la  formation professionnelle , renforcement du champ des négociations au niveau de l’entreprise, traitement plus efficace des litiges sur les licenciements… Tous ces chantiers sont en cours, voire clos. Mais ils restent souvent inachevés. Le poids des branches professionnelles dans les négociations a été moins réduit que prévu. Les filières universitaires courtes restent à l’état de projet.  Le dossier du SMIC ou celui du redéploiement des minima sociaux, au-delà de leur revalorisation, sont laissés de côté.

Dépense publique dans l’angle mort

C’est sur la réforme de l’Etat que les résultats sont le plus décevants. La réforme de l’assurance-maladie a été lancée et  celle des retraites est annoncée , même si le calendrier a tendance à glisser. Mais la question cruciale du millefeuille territorial n’est même pas sur la table (il est vrai que François Hollande avait saccagé le dossier). Et surtout, le gouvernement n’a aucune méthode pour « remettre à plat les missions publiques afin de fixer des priorités claires, des objectifs et des échéanciers », selon l’expression du trio d’économistes. D’inspiration technocratique et non politique, son projet « Cap 2022 » semble bien parti pour répéter les échecs précédents (MAP, RGPP, RCB…).

Au bout du compte, le changement à la Macron est à la fois large, rapide et cohérent. Mais beaucoup d’actions ne vont pas assez loin. Et  la dépense publique , oubliée dans la campagne du candidat, est absente de l’action du président. Sur l’échelle de Beaufort du changement, la Révolution française avait été un ouragan de force 12. En 1958, le général de Gaulle avait soufflé un fort coup de vent de force 9. François Hollande, lui, après un début catastrophique, avait fini par éveiller une légère brise de force 2. Emmanuel Macron, lui, fait bouger les grosses branches, à force 6. Les marins parlent alors de « vent frais ».


Continuer à lire sur le site d’origine