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SNCF : la commande des 100 TGV du futur suspendue à une annonce sur les péages ferroviaires

Le 22 mars dernier, au sortir d’une réunion sur la fusion Alstom-Siemens, Bruno Le Maire annonçait la commande de 100 TGV du futur, la toute nouvelle version de train à grande vitesse d’Alstom.  Le ministre de l’Economie semblait alors sûr de son fait  : « Cette commande doit passer devant le conseil d’administration de SNCF Mobilités soit fin avril, soit fin juin. En tout état de cause, la décision est prise, elle sera effective. »

Et pourtant, ce jour-là, Bruno Le Maire a commis une double bourde. Sur la forme tout d’abord, puisqu’il parlait d’une commande « par l’Etat », alors que c’est bien la compagnie ferroviaire qui achètera les trains. Un lapsus éloquent sur le poids du gouvernement dans ce dossier.

Bruno Le Maire a brûlé les étapes

Sur le fond, surtout. Car si le principe est acquis, le ministre a brûlé les étapes : selon nos informations, l’achat de nouvelles rames TGV est conditionné à une annonce préalable par l’Etat et SNCF Réseau, le gestionnaire des infrastructures ferroviaires, qu’ils remettent à plat le contrat de performance, document signé l’an dernier et qui les lient en théorie jusqu’en 2026.

A première vue, les deux dossiers n’ont rien à voir : au sein du groupe public, ce n’est pas SNCF Réseau, mais SNCF Mobilité, l’entité chargée de faire rouler les trains, qui doit acheter les TGV. Mais la rentabilité du futur investissement sera notamment déterminée par un paramètre fixé par SNCF Réseau : le niveau des péages à acquitter pour faire circuler les TGV sur le réseau.

Une facture qui atteint 40 % des recettes du trafic

Or, le montant de ces péages n’a cessé de grimper depuis le début de la décennie, rongeant peu à peu les bénéfices générés par ce qui était jusque-là le poumon économique du groupe.  Cette facture atteint désormais 2 milliards d’euros par an , soit 40 % des recettes de trafic en 2017.

Et le contrat de performance SNCF Réseau-Etat prévoit une poursuite des hausses de péages : sur la période 2017-2026, la progression annuelle moyenne est de 2,8 %, avec une accélération en fin de cycle à 3,6 %.

Une augmentation insupportable

Pour SNCF Voyages (la branche en charge des TGV), malgré les plans de productivité et les efforts pour gagner de nouveaux clients, cette augmentation, évaluée à 970 millions sur 10 ans ne sera pas supportable. « SNCF Voyages considère que  la poursuite de la hausse des péages […] ne lui permettra pas d’atteindre un niveau de rentabilité suffisant pour justifier le renouvellement de son parc de rames TGV », relève Jean-Cyril Spinetta,  dans le rapport qui a lancé la réforme ferroviaire .

Dans sa comptabilité, rapporte-t-il, la SNCF vise un taux de rémunération du capital employé pour acheter les TGV (WAAC) de 8,5 % après impôts. Or, en 2016, ce taux serait descendu aux alentours de 4 %, selon une source proche du dossier.

A ce niveau-là, hors de question d’acheter de nouvelles rames. Et la SNCF aurait d’ailleurs inscrit noir sur blanc ce point dans le partenariat d’innovation signé avec Alstom pour mettre au point le TGV du futur : en dessous d’un certain niveau de rentabilité, la commande ne peut avoir lieu.

Une augmentation limitée à l’inflation

Pour débloquer la situation, la trajectoire d’évolution des péages d’ici à 2026 doit donc être révisée à la baisse. Selon plusieurs sources, ce point est acquis : l’augmentation des péages devrait être limitée à l’inflation à partir de 2020. Une fois cette annonce faite, le conseil d’administration de SNCF Mobilités sera en mesure de réviser ses projections de rentabilité et de confirmer la commande cadre de 100 TGV.

SNCF Réseau, de son côté, devra totalement remettre à plat son contrat de performance. Les discussions avec l’Etat ont déjà commencé, avec sur la table une hausse des gains de productivité, des investissements, ainsi bien sûr que la question des 46 milliards d’euros de dette. Mais ces sujets, extrêmement complexes, et qui mettront sans doute plusieurs mois à être calés, ont été dissociés de l’annonce sur les péages, ce qui rend possible une commande de TGV en juin, comme l’évoquait Bruno Le Maire.

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