EconomieTech - Médias

Michael Sayman, le génie de 21 ans derrière le nouveau projet secret de Google

« Le chat est sorti du sac », a tweeté Michael Sayman jeudi. « Le secret a été révélé », voulait dire le jeune Américain par cette expression anglaise. L’agence Bloomberg  a en effet eu vent de l’existence de « Google Arcade », la start-up sur laquelle Google est en train de travailler secrètement, et dont il est le fondateur.

Cette start-up devrait accoucher cet été de sa première application, un jeu mobile à pratiquer « avec des amis », a confirmé un porte-parole de Google. « C’est une expérience qui en est encore à un stade précoce, il n’y a pas beaucoup de détails à partager pour le moment », a-t-il ajouté. Ce projet est né dans l’« Area 120 », l’incubateur interne de Google.

L’appli, qui devrait se présenter sous la forme d’un jeu-quizz, a été pensée comme un réseau social. Les utilisateurs pourront créer un compte grâce à leur numéro de téléphone et jouer avec leurs amis, ou se connecter à d’autres joueurs. La dernière expérience de Google en matière de réseau social, Google Plus, n’a pas réussi à croître dans l’ombre de Facebook.

Mais avec Michael Sayman aux manettes, ce nouveau projet met toutes les chances de son côté. Le développeur a le même âge que son coeur de cible : 21 ans. Mais surtout, son CV fait de lui un de ces jeunes prodiges que s’arrachent les géants de la Tech.

Première appli à 13 ans : « Internet a toutes les réponses »

Le voyage qui a mené Michael Sayman jusqu’à la Silicon Valley a commencé par le jeu en ligne « Club Penguin », qu’il a découvert à l’âge de 11 ans. « J’étais tellement obsédé par ce jeu que j’ai fini par créer un blog sur le sujet »,  raconte-t-il sur son compte Facebook.

Pur produit de la génération Internet, le jeune Américain suit attentivement l’audience de son site et se met en tête d’en créer une version mobile pour accroître sa popularité. « J’ai passé des mois à chercher sur Internet comment créer des applications », dit-il. « Je n’ai jamais douté qu’Internet avait toutes les réponses ».

A 12 ans, son premier prototype d’appli était prêt. Mais il n’avait pas les 100 dollars nécessaires pour l’inscrire sur l’Apple Store. Il a dû les demander à sa mère, en lui promettant de travailler dans son restaurant de poulet s’il ne parvenait pas à la rembourser.

5.000 dollars en un mois : « Ma mère n’en croyait pas ses yeux »

Michael n’a pas eu à travailler au restaurant de poulet. Ce n’est pas 1.200 de ses camarades de classe qui l’ont téléchargée, comme il l’espérait,  mais 300.000 personnes. « A un moment, j’ai vu que mon app avait atteint le top 10 de l’App Store. J’ai paniqué et je suis allé réveiller mon père. Il m’a juste dit : ‘c’est bien, laisse-moi dormir maintenant et va jouer dans ta chambre’ », se souvient-il.

Les choses sont devenues plus concrètes pour les parents Sayman quand les chèques ont commencé à arriver dans la boîte aux lettres. À 1 dollar le téléchargement, les bénéfices sont vite montés. « A la fin du premier mois, Apple m’avait envoyé environ 5.000 dollars. Ma mère n’en croyait pas ses yeux », se réjouit le jeune développeur.

Payer les factures avec des applis : « une enfance stressante »

Les médias n’ont pas tardé à s’emparer de cette « success story », et l’ado de treize ans s’est vu invité sur de nombreux plateaux télés. « J’ai commencé à avoir des interviews partout […] Mon profil Facebook a explosé avec des messages d’enfants du monde entier me disant à quel point je les inspirais », poursuit Michael.

Ce rêve américain ne pouvait pas être plus éloigné de ce que vivait l’adolescent dans sa vie privée. La crise économique de 2008 a été un coup dur pour ses parents, d’origine péruvienne et bolivienne, venus s’installer aux Etats-Unis pour y ouvrir un petit restaurant.

« J’ai commencé à les aider en payant les factures d’électricité et d’Internet et en payant les salaires des employés du restaurant », précise Michael, qui se souvient de cette période comme « l’enfance la plus stressante » imaginable.

Malgré tout, la pression financière s’accentue sur sa famille. « Nous avons dû couper la télévision, puis Internet. Nous avons dû couper un tas de choses. Nous avons fini par perdre notre maison », raconte Michael, qui avait alors 15 ans.

Succès de 4 Snap : « J’ai décidé d’arrêter de faire mes devoirs »

Arrivé au lycée, Michael Sayman joue le tout pour le tout. Il prend la décision d’arrêter de faire ses devoirs pour se concentrer sur ses projets. « J’ai davantage étudié le marché, les besoins des jeunes adolescents et j’ai continué à travailler jour et nuit sur les applications que je pouvais faire pour aider ma famille à rester à flot », confie-t-il.

«Parfois, je suis gêné de raconter tout ce que Michael a fait pour nous», admet sa mère Cristina Sayman. « C’est comme s’il était devenu le père de famille. C’est fou. »

Mais le lycéen, habitué à décrocher des « A », échoue à la plupart de ses examens et ses nouvelles applications ne rencontrent pas le même succès que la première. Comment séduire les jeunes de son âge à l’heure où les applis se comptent déjà par centaines sur l’App Store ?

L’inspiration lui vient un jour qu’il regarde sa soeur jouer sur son téléphone. Celle-ci envoie quatre photos à son ami, qui doit deviner quel mot est lié à ces images, et à son tour renvoyer des photos. Bingo, l’appli « 4 Snaps » a trouvé son concept.

En août 2013, sa petite application faite maison finit par remonter numéro un dans la catégorie « jeux » de l’Apple Store, au niveau mondial, et par battre des pointures comme Starbucks et Fitbit.

Dans le bureau de Zuckerberg : « Est-ce que je suis en train de rêver ? »

Facebook ne tarde pas à repérer les exploits du jeune ado de Miami. Un matin de 2013, Michael Sayman se retrouve dans le bureau de Mark Zuckerberg, de seulement treize ans son aîné.

«Il s’assoit à son bureau et se met à dribbler avec un ballon de foot. A ce moment-là je me dis : ‘Est-ce que je suis un train de rêver ?’ », raconte Michael, qui ressort de cet entretien avec une proposition de stage d’été.

Arrivé à Menlo Park, une de ses plus grandes inquiétudes tenait à ses dents : il portait encore un appareil dentaire. « J’essaie de garder la bouche fermée pendant les réunions parce que je ne veux pas que les gens les voient et ne me prennent pas au sérieux », déclarait-il à Bloomberg Business. 

A l’issue de son stage, en août 2014, Michael s’est vu proposer un poste pour travailler à temps plein chez Facebook en tant qu’ingénieur logiciel, puis a enchaîné avec une mission de chef de produit,  conseillant souvent ses collègues sur le comportement des adolescents en matière de technologie.

Même s’il n’a pas révélé son salaire aux journalistes qui l’ont interrogé, il a admis que ses amis le pressaient de s’acheter le dernier modèle de Tesla. Sa famille ne devrait plus avoir à s’inquiéter du paiement de ses factures. 

Débauché par Google : «Je ne suis pas un enfant prodige »

S’il disait considérer Facebook comme « sa famille », le jeune protégé de Zuckerberg ne s’y est pas éternisé. Au bout d’à peine trois ans, en septembre 2017, il a cédé aux appels d’un autre géant du web : Google.

Embauché à l’origine pour travailler sur l’enceinte connectée Google Assistant en tant que chef de produit, c’est là qu’il a obtenu un budget pour créer sa propre start-up de jeu mobile… Google Arcade.

Le jeune développeur rejette les surnoms «d’enfant prodige » ou de « génie » qui lui collent à la peau. «Cela implique qu’il y a quelque chose d’inhérent à moi, une chose avec laquelle les autres ne sont pas nés – qui m’a propulsé là où je suis », explique cet autodidacte, qui préfère parler des « opportunités qu’internet a mis à sa disposition ».

« J’espère avoir l’occasion de parler à des enfants comme moi, qui ont grandi avec des familles venant d’autres pays, avec des parents qui ne sont pas allés à l’université, qui peinaient à trouver l’argent pour mettre de la nourriture sur la table », conclut-il. « Je veux montrer que c’est vraiment possible d’y arriver et que l’informatique est une voie valable vers le succès ».


Continuer à lire sur le site d’origine