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Iran : les entreprises françaises retiennent leur souffle

Lourds investissements pour PSA et Renault

Les constructeurs automobiles français ont gros à perdre avec la décision de Donald Trump. Historiquement bien implantés au pays des mollahs, ils y sont revenus en force après la signature de l’accord de 2015 et ont misé gros sur ce marché promis à une forte croissance. Aujourd’hui, ils retiennent leur souffle et se font plus que discrets : Renault ne souhaite faire « aucun commentaire » et PSA indique suivre « l’évolution de ce sujet, y compris la position officielle de l’Union Européenne sur ce dossier, que nous espérons singulière ». 

Contraint de plier bagage en 2012 par son actionnaire de l’époque, General Motors, PSA a dû négocier ferme pour y revenir. Il a fini par signer en 2016 des partenariats avec des acteurs locaux afin d’assembler des véhicules sur place et de doper ses ventes, moyennant un investissement dans les usines et la distribution alors estimé à 1 milliard d’euros sur cinq ans. Dès 2017, les ventes ont grimpé à 444.600 unités (+90%), soit environ 30% du marché. 

Quant à Renault, qui a lui aussi vu ses ventes bondir en Iran l’an dernier, à 162.079 véhicules (+49%), il a annoncé en août un nouvel accord de partenariat dans le pays. Objectif, y porter sa capacité de production à 350.000 unités, via un investissement estimé à 660 millions d’euros par les autorités locales. 

Alors que PSA n’est aujourd’hui présent aux Etats-Unis que via une activité de services de mobilité, Renault a davantage à perdre s’il devait se voir interdire l’accès du marché américain : c’est un immense marché pour son partenaire Nissan, dont il détient 43%.

Les espoirs déçus d’Airbus

Pour Airbus, le coup porté est rude, car la réouverture du pays permettait d’espérer de forts développements sur ce  marché fermé depuis des années. Le 13 janvier, Iran Air avait fêté en grandes pompes la livraison d’un A321, son premier Airbus neuf depuis 23 ans ! Depuis, Airbus affirme n’avoir livré que deux autres avions, car les menaces américaines ont déjà gelé l’essentiel des solutions de financement. Le contrat était pourtant alléchant. 

Début 2016, Téhéran avait commandé 106 Airbus pour une valeur au prix catalogue de 20 milliards de dollars, mais aussi 80 Boeing pour 17 milliards. Si le constructeur américain a immédiatement promis de suivre la politique américaine, Airbus s’est donné un peu de temps pour étudier la situation juridique, tout en promettant de n’agir que « dans le respect total des sanctions et des réglementations en matière de contrôle des exportations ». Autrement dit, le constructeur devrait vite interrompre son contrat, comme le souhaite Washington. 

Un projet gazier géant menacé pour Total

Total a signé l’été dernier un accord avec la NIOC, le pétrolier national iranien , pour exploiter le champ gazier géant de South Pars, situé dans le golfe Persique le long de de la frontière internationale avec le Qatar. La major française est actionnaire à 50,1% de ce projet qui nécessitera un investissement de 4 milliards de dollars, aux côtés du chinois CNPC (30%) et de la NIOC (19,9%). 

Seule la première phase du projet (2 milliards), a été lancée. L’exposition financière de Total est donc d’un milliard. Le groupe français n’a décaissé, pour l’instant, que 90 millions, pour des études techniques et le lancement d’un appel d’offres. 

Jusqu’à la semaine dernière,  le PDG de Total, Patrick Pouyanné, expliquait qu’il demanderait une dérogation en cas de rétablissement des sanctions, arguant du fait que le contrat avec la NIOC a été signé durant la période où les sanctions étaient levées. Depuis la signature du décret présidentiel, le groupe analyse la situation avant de se prononcer. 

Dans le cas – probable désormais – où Total serait contraint de se retirer d’Iran, l’accord prévoit que le chinois CNPC reprendrait la participation du pétrolier tricolore dans le projet gazier, qui vise à approvisionner le marché iranien en gaz (et non l’exportation). Total estime également « être en mesure de recouvrer auprès de la NIOC les frais engagés », précise-t-il dans son rapport annuel, « sauf si les sanctions interdisent ce recouvrement »

Total devrait également cesser d’acheter du brut en Iran une fois les sanctions rétablies. Le pétrolier français en a acheté pour 2,6 milliards d’euros l’an dernier, destiné majoritairement à ses raffineries.

Essor incertain pour AccorHotels

Le champion français de l’hôtellerie serait également concerné par d’éventuelles sanctions, même si son exposition est marginale. AccorHotels, qui ne fait pas de commentaire, n’a pas tardé à amorcer un plan de développement en Iran dans la foulée de l’accord international de juillet 2015. Deux mois plus tard, le groupe était le premier opérateur étranger à y implanter des marques en signant, avec la société iranienne Aria Ziggurat, deux contrats de gestion pour des hôtels Ibis et Novotel, situés près de l’aéroport de Téhéran. Sur le papier, l’Iran est un marché prometteur, puisque combinant un fort potentiel de croissance économique et l’absence de grandes chaînes, notamment pour les catégories économiques. 

Par ailleurs, une dégradation de la situation géopolitique pourrait avoir un impact sur l’activité de certains voyagistes français. L’accord de 2015 avait relancé la fréquentation de l’Iran, une « petite » destination en termes de volume de voyageurs mais prometteuse compte tenu de sa richesse culturelle. Selon le syndicat des tour-opérateurs Seto, 6.308 Français étaient partis en Iran en voyage à forfait au cours de l’année commerciale 2016-2017 (+60%).  


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