EconomiePolitique - Société

Bercy s’oppose à la hausse des droits de mutation

Rassurer financièrement les départements et débloquer la réforme de la fiscalité locale, quitte à braquer le secteur de l’immobilier et les propriétaires… mais aussi Bercy. C’est le risque qu’est prêt à prendre Matignon en ayant accepté la demande des départements d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Au début du mois, Edouard Philippe a assuré à l’Assemblée des Départements de France être disposé à relever le taux plafond des droits de mutation de 4,5 à 4,7 % en cas d’accord plus large sur la réforme des trois allocations individuelles de solidarité (RSA, aides aux handicapés PCH, aides aux personnes âgées APA).

Frein à la mobilité

Mais ce scénario fait tiquer au sein même du gouvernement. A Bercy, on rappelle que de nombreux rapports soulignent que les DMTO constituent  un frein à la mobilité des salariés , alors justement qu’il y a des besoins croissants de mobilité dans le monde du travail. Le ministère de l’Economie fait aussi valoir que le Président de la République s’est engagé contre les augmentations d’impôt. Interrogé dimanche lors de l’émission « Le Grand Rendez-vous », sur Europe 1, Bruno Le Maire a affirmé qu’augmenter les frais de notaires « ne constituait pas une bonne solution ». Le ministre de l’Economie a assuré que la mesure n’était pas arbitrée.

Les DMTO, un prélèvement sur les ventes immobilières appelé improprement frais de notaires, sont devenus vitaux pour les départements, rapportant 11,5 milliards d’euros l’an dernier. Un dixième de point de DMTO en plus rapporte environ 250 millions d’euros. Le déplafonnement proposé pourrait générer jusqu’à 490 millions d’euros en plus si tous les départements l’actionnaient.

Grands perdants

Ces nouvelles recettes permettraient à l’Etat de redonner de l’air aux départements, asphyxiés notamment par le bond des charges de RSA. Matignon cherche aussi à rassurer les présidents de départements qui risquent d’être les grands perdants de la réforme de la fiscalité locale. Le scénario qui fait le plus consensus actuellement pour compenser la suppression totale de la taxe d’habitation après 2020 prévoit de déshabiller les départements de la recette du foncier bâti au profit du bloc local.  Le rapport Richard-Bur envisage aussi de transférer les DMTO à l’Etat, pour les supprimer in fine. Un conseiller ministériel explique toutefois que la hausse des DMTO n’est pas incompatible avec leur transfert éventuel à l’Etat. La manne supplémentaire garantirait aux départements une phase transitoire de trois années et elle majorerait les bases de calcul des compensations post-2020.

La hausse des frais de notaires est cependant encore loin d’être actée, plusieurs sujets bloquant les négociations entre les départements et Matignon, car l’ADF estime que le compte n’y est pas. Sur les 600 millions d’euros par an qu’il manque au minimum pour faire face aux charges sociales, l’Etat est prêt à apporter 200 à 250 millions d’euros. L’ADF est disposée à prélever un fonds de péréquation de 350 millions d’euros auprès des départements les plus riches mais souhaite un effort de l’Etat au même niveau. Les deux parties ne s’entendent pas non plus sur le mécanisme de péréquation. L’ADF veut en faire profiter les petits départements comme le Cantal qui voient leurs recettes diminuer mais pas leurs charges croître, par décroissance démographique ou économique par exemple.


Continuer à lire sur le site d’origine